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Nicolas Bárdos-Féltoronyi:


Exercices géopolitiques pour l’Union européenne

- Les puissances et leurs différends –

Partie 4 doc Imprimerie Correspondance

Table des matières

down  Autres grandes puissances eurasiatiques: avérées, virtuelles ou potentielles
down  4.1 La Chine, comme puissance en montée ?
down    *  A. L’empire du Milieu est-il au centre du monde ? Peut-être !
down        **  Un géant au pied d’argile ?
down        **  “Si les paysans sont contents, l’empire s’avère stable”
down        **  Une croissance économique à la Manchester de 1850
down        **  Dictature de tous, sauf du prolétariat
down        **  Les jeux olympiques en 2008
down    *  B. La Chine encerclée et à la recherche de Partenaires
down        **  Du Nord à l’Est, puis à l’Ouest, en passant par le Sud
down        **  Quid des puissances nucléaires de la guerre froide ?
down        **  L’histoire (im)possible des rapports Chine-UE
down    *  Bibliographie spécifique
down  4.2 Inde-Pakistan, antagonisme sans fin ou coopération tacite ?
down    *  Une violence originaire
down    *  Confrontation locale ou rébellion contre les puissances nucléaires ?
down    *  Logiques régionales
down    *  Du bipolaire au multipolaire
down    *  Evénements récents marquants
down    *  Que peut-on espérer ?
down    *  Bibliographie spécifique
down  4.3 L’Iran, un acteur ou un enjeu du Moyen-Orient
down    *  1. Dimensions géographiques, démographique et socio-économiques
down        **  1.1 Position, localisation et minoration ethnique
down        **  1.2 Le relief, la culture et la réforme agraire
down        **  1.3 La vie urbaine et l’exploitation d’hydrocarbures
down        **  1.4 Le pétrole et le développement industriel
down    *  2. Dimensions historiques, religieuses et politiques
down        **  2.1 La “colonisation” des grandes puissances et le régime de Pahlavi
down        **  2.2 La modernisation réelle, mais hâtive du dernier chah
down        **  2.3 Le clergé traditionnel et le modernisme inspiré par l’Occident
down        **  2.4 Khomeyni et la forte politisation du shiisme
down        **  2.5 Evolution politique et socio-économique après la révolution 1979
down        **  2.6 La structuration sociale et politique du régime khomeyniste
down    *  3. Dimensions internationale
down        **  3.1 Relations extérieures et position internationale
down        **  3.2 Autres données de la situation actuelle
down        **  3.3 L’enjeu d’hydrocarbures et d’industrie nucléaire
down        **  3.4 La question de l’armement nucléaire de l’Iran
down        **  3.5 L’Iran se projette vers la OCS
down    *  Prospectives
down    *  Annexe : Organisation du pouvoir politique et religieux en Iran
down    *  Bibliographie spécifique

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Autres grandes puissances eurasiatiques: avérées, virtuelles ou potentielles

Dans la Partie 1, le système des grandes puissances d’aujourd’hui est esquissé. Il en résulte que les EUA, la Russie et l’UE sont généralement considérés comme des grandes puissances. Pour beaucoup, la Chine peut sans doute figurer aussi parmi elles. Le nom de l’Inde ou du Pakistan, ainsi que celui de l’Iran est parfois évoqué en tant que puissance régionale du moins. La disposition de l’arme atomique n’en est pas nécessairement un critère définitif. La Partie 1 suggère bien d’autres facteurs. Le géopolitologue hésite et est tenté d’en explorer quelques cas où le doute existe.

L’articulation de cette partie se présente dès lors comme suit. La première étude doit évidemment concerner la Chine qui, potentiellement, serait à terme une grande puissance aux yeux de nombreux observateurs. Puis, l’investigation concernant le conflit de longue date entre l’Inde et le Pakistan sera proposée afin de situer ces pays dans le « concert des nations ». Enfin le cas de l’Iran permettra d’examiner un pays, vieil empire, qui vise sans doute une position clef face à autres pays musulmans dans sa région et face aux EUA, voire à l’UE. Voici pour ces quatre pays quelques données de base.


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La longueur des frontières ne devrait pas poser beaucoup de problème pour la Chine et l’Inde, alors que, pour les deux autres, la situation est toute différente. La densité élevée de la population en Inde semble la fragiliser, encore la « chair aux canons » est bien appréciée par les militaires. Les indicateurs économiques sont significatifs pour les deux premiers, tandis que pour l’Iran ils reflètent la portée réelle mais faible des exportations d’hydrocarbures. Le PIB par unité de forces armées exprime clairement cette distinction. L’importance de forces armées du Pakistan doit constituer une charge excessive.

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4.1 La Chine, comme puissance en montée ?

Après une histoire longue et mouvementée, la nouvelle Chine entame le troisième millénaire. Sa montée en puissance est diagnostiquée comme rapide. Elle suscite même dès à présent des craintes auprès de ses voisins : la Russie, la Corée, le Vietnam ou le Japon. Le “péril jaune” est-il à notre porte ou s’agit-il de toute autre chose ? La supposée superpuissance américaine devra-t-elle affronter la contestation de cette Chine, après avoir vaincu la Russie et au vu de l’avènement de la puissance ambiguë de l’UE ? En prévision des mutations géopolitiques, les EUA visent ainsi à empêcher des alliances entre d’autres grandes puissances depuis le début de leur « guerre contre le terrorisme ». Ils ont cependant perdu beaucoup de terrain en termes de confiance en UE et en Turquie, ainsi que dans les pays à majorité musulmane. Dans les régions eurasiatiques, les succès de leurs opérations militaires apparaissent par ailleurs fort mitigés jusqu’ici.

La question se pose dès lors de savoir si la Chine aurait intérêt à développer ses liens avec l’UE, du moins en des termes stratégiques, face à la Russie et aux EUA ? La question réciproque s’impose évidemment au regard de l’UE. La nouvelle Ostpolitik de l’UE par rapport à la Russie se joint à la nécessité de redéfinir des relations transatlantiques doit ainsi inciter chacun-e à porter son regard sur la Chine qu’elle/il ne connaît pas nécessairement bien. La Chine semble rechercher des alliances au-delà des voisins qu’elle craint elle-même. Du point de vue européen, la question de la Chine doit être abordée par l’étude interne et externe de la Chine afin d’évaluer la probabilité, le souhait et la volonté d’un rapprochement entre la Chine et l’UE.

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A. L’empire du Milieu est-il au centre du monde ? Peut-être !

Avec le Canada et la Russie, la république populaire de Chine est un des plus grands Etats du monde disposant de plus 9,6 millions de km², correspondant au territoire des EUA. Elle se décompose géographiquement en quatre “terrasses”, en descendant de l’Ouest, fort désertique ou de haute montagne, à l’est. Les grands fleuves « jaune » et « bleu » traversent le territoire dans le même sens. La république est divisée en 22 provinces (sans tenir compte de Taiwan), 4 zones municipales telles que Beijing ou Shanghai et des régions spéciales ou autonomes telles qu’à l’Ouest, la région ouïgour du Xinjiang ou la région autonome du Tibet.


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Carte 14. La Chine

Ses frontières terrestres s’élèvent à 22 800 km, alors que ses limites maritimes ont une longueur de 18 000 km, sans compter celles de ses 5 400 îles. Depuis la deuxième moitié du premier millénaire, la Chine n’a pas connu d’extension en termes géographiques, mais plutôt de rétrécissements de temps à autre, suivi de rétablissements. La majorité des observateurs tient pour établie la suzeraineté ou la souveraineté de la Chine sur le Tibet. Actuellement, les frontières occidentales chinoises s’incrustent en Asie centrale, un enjeu capital entre toutes les grandes puissances. Les confins nordiques font face à la Russie et à la Mongolie (jusqu’en 1912, territoire chinois) et les limites territoriales du sud-ouest bornent le pays d’une séries Etats et surtout de l’Inde. Du point de vue maritime, il en est de même du côté du Japon et de Taiwan où se manifeste également la présence massive de l’armée américaine.

La réputation de la Chine de ne pas avoir été historiquement agressive s’avère grosso modo exacte, excepté le fait de coloniser, puis de décoloniser le Vietnam et la Corée durant le premier millénaire. Les conflits militaires récents ont avant tout vise les “rectifications” relativement légères des frontières. Le pays a plutôt eu l’habitude de se laisser envahir, puis de chinoiser les envahisseurs aussi vite que possible. Par contre, les guerres civiles ont toujours été nombreuses. L’immensité territoriale par rapport aux capacités militaires et administratives disponibles se prête aisément à des rebellions et aux conflits militaires internes qui mettent en question le “centre” du pouvoir.

A la fois la longueur des frontières, le poids géopolitique des pays voisins et la fréquence de guerres civiles constituent encore aujourd’hui le talon d’Achille de la Chine. C’est pour cela que le pays se considère comme étant un pays strictement encerclé et recherche donc des alliés. L’idée d’encerclement n’est pas seulement une obsession. Les forces militaires des EUA sont présentes dans le Sud de la Mer de Chine et dans le Détroit de Taïwan, dans la Péninsule Coréenne et en Mer du Japon, ainsi qu'au cœur de l'Asie Centrale et sur la frontière ouest de la Chine. En outre, le Japon s'est peu à peu amalgamé en harmonisant sa politique militaire avec celle de Washington. Présentant peut-être à l’heure actuelle un moindre risque, l’armée de Moscou se trouve enfin au nord-est des frontières russo-chinoises. Au Tibet ou à Xinjiang par exemple, les différents mouvements de type sécessionniste enchante sans doute chacun de ces Etats « encercleurs ».

La Chine sait qu’en cas d’attaque de son territoire, celui-ci n’est défendable qu’au prix de lourdes pertes, sauf recours à des armes nucléaires et encore. Tout logiquement, la Chine en a tiré d’autres conclusions, également. La force militaire a été ramenée à 2,5 millions de soldats, alors que la police a été sensiblement renforcée en hommes et en équipement. Depuis 1964, les armes nucléaires ont été développées d’abord lentement, puis une façon accélérée depuis des années 1990. De même, quasi tous les ménages ont été dotés de télévisions et de radios ce qui facilite des manœuvres de propagandes officielles à l’échelle du pays.

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Un géant au pied d’argile ?

Apparemment fort homogène, la Chine dispose d'une population de l’ordre de 1,3 milliard d’habitants, soit un cinquième de celle du monde. La proportion entre la population masculine et féminine a évolué comme suit : 1953: 107,6 %; 1964: 105,5 %; 2000: 106,7 %. A côté d’une immense majorité Han ou chinoise proprement dite, la population des minorités représente moins que 8% du total. Ces minorités ont cependant la « mauvaise idée » d’habiter surtout aux frontières occidentales, d’occuper 60% du territoire national, riches en matières premières et énergétiques, et d’être prêtes à entendre la propagande des pays voisins tels que le Kazakhstan ou le Turkménistan, voire à l’occasion la Russie. Cette situation fragilise naturellement l’unité du pays ou du moins risque de la fragiliser.

La structure de la population serait approximativement la suivante: sur la population totale de 1,3 milliard environ, les ruraux représenteraient 750 millions dont actifs 400 et de ce dernier 350 agriculteurs, tandis que les citadins 550 millions dont la moitié des actifs. Le taux de ruralité a évolué comme suit: 1952: 88%; 1979: 81%; 2000: 69%. A cette baisse correspond évidemment à une urbanisation rapide. Le caractère approximatif du chiffrage des actifs s’explique par les fameux “flottants ou migrants” dont le nombre serait entre 80 à 150 millions, avant tout d’origine rurale. Les tensions sociales s’inscrivent dans un réseau complexe de relations: ville-campagne, est-ouest, femmes-hommes, vieux jeunes, ancienne économie-nouvelle économie, parents à l’étranger (Taiwan et Hongkong avant tout) ou non, migrants-chômeurs, etc. Une importante distinction à mettre en évidence. Les “rouges”, les migrants vers les villes sont plutôt les plus jeunes, mieux scolarisés et dynamiques comme des émigrés de partout, alors que les “noirs”, les travailleurs ou chômeurs citadins sont plus âgés, socialement fort contrôlés, “militarisés par le maoïsme” ou, pour beaucoup d’entre eux, licenciés de la grande industrie.

Pour les migrants, le déplacement correspond à une certaine liberté accrue, à un gagne-pain mieux assuré, même s’ils restent à la marge de la société urbaine. Cependant, ils subissent des exactions de la police. Celle-ci renvoie 2 à 3 millions de personnes par an vers les lieux d’origine pour “maintenir ordre social”. Dans les centres ou des zones spéciales, les travailleurs migrants sont rudement exploités (14 h de travail par jour et sans aucun jour de congé hebdomadaire ou annuel). Il n’empêche que les enquêtes tendent à montrer qu’ils sont fiers d’être des travailleurs de ville, même illégaux, des “constructeurs des villes nouvelles”. Ils se vantent de leur autonomie et de leur émancipation de la société agraire. Même ces derniers temps, tant les organisations de la société civile (syndicats, comités de quartier, association de femmes, etc.), que les pouvoirs publics tendraient à mieux prendre en considération le fait de la migration. Mais les pouvoirs publics apparaissent divisés sur ce point; d’où des politiques parfois complètement contradictoires d’une ville à l’autre, d’une province à l’autre.

Jusqu’à présent, les citadins restent des privilégiés du point de vue alimentaire, habitat, ressources diverses, avantages, etc. La logique de la fragmentation règne par ce système. Cependant cette situation se trouve désormais ébranlée, car cela provoque évidemment la résistance des citadins et notamment des ouvriers des villes. Les chômeurs de villes sont fort critiques à l’égard du pouvoir. Celui-ci en est fort conscient puisqu’il y a de nombreuses grèves et de mouvements de protestations diverses, parfois de nature insurrectionnelle.

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“Si les paysans sont contents, l’empire s’avère stable”

La question de la stabilité du régime, voire du pays se pose de cette façon. On en cite trois raisons pour souligner sa solidité et en même temps sa fragilité éventuelle. Primo, la cohésion sociale et donc la solidarité reste encore non négligeable et même se renforce par la “corruption redistributive”. Toutefois, devenant rapidement destructrice, la corruption ne se laisse guère encore maîtriser. Elle s’avère du type foedo-capitaliste qui passe du haut en bas, mais aussi est caractérisée par un népotisme à grande échelle elle serait omniprésente, malgré les efforts récents et louables du régime pour la combattre. Néanmoins, n’oublions pas que son élimination constituait la raison principale du succès des communistes en 1948 en évinçant l’Ancien régime qui en était pourri.

Secundo, il existe et persiste une “culture commune de négociation” en ville, tandis que la campagne est plus violente, mais les gens sont éparpillés et donc contrôlables par la police et l’armée.

Tertio, le clivage par “certification de résidence” entre villes et campagne protège des gens des villes, est également maîtrisable par la police et armée, bien que sa rigueur tende à se relâcher devant la pression capitaliste à pouvoir disposer des travailleurs à sa guise. C’est ce qui explique que la réforme de armée des années 1990 consistait avant tout à transférer des gendarmes militaires à la force policière qui a ainsi vu presque doubler ses effectifs.

A ces trois facteurs s’ajoute dans certains cas le rôle stabilisateur des gouverneurs de provinces. La promotion de ces derniers dépendraient entre autre de trois critères: croissance économique locale, maintien de la stabilité socio-politique et maîtrise de la natalité. Il reste que le fameux dicton chinois reste probablement d’actualité: “si les paysans sont contents, l’empire s’avère stable”, tout en sachant que le contentement s’obtient aussi par la force et la répression. Il appert cependant qu’un cinquième de la population commence à se structurer en une espèce de classe moyenne. Cette classe constitue un soutien puissant au régime politique actuel, mais en même temps produit les bases une contestation sociopolitique d’une nature nouvelle, plus directement politique.

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Une croissance économique à la Manchester de 1850

Les parties orientale et méridionale connaissent des croissances économiques phénoménales depuis plusieurs lustres. Les jeux olympiques organisés à Beijing en 2008 risquent de ne faire qu’intensifier le phénomène. Ces croissances sont accompagnées de l’appauvrissement de la campagne dans le cadre une privatisation massive du sol et dans une perspective de reconstruction une société féodale agraire à partir des dirigeants locaux du Parti. Ce processus pousse évidemment à l’exode de la population rurale. Une partie croissante de celle-ci devient inutile et se trouve éjectée de leurs villages, dépossédée de leurs terres. Selon les saisons et la conjoncture économique, une partie d’entre eux “errent” entre la campagne et les villes. Une certaine proportion de ces personnes travaille à titre temporaire et en noir, pratiquement comme des esclaves, dans les villes. On dit que le nouveau Shanghai éblouissant a été entièrement construit par cette “armée” camouflée à travers une cascade de sociétés plus ou moins légales. Ce sont eux aussi qui peuplent des “zones économiques spéciales” et sont mis à la disposition des multinationales de toutes les sortes, mais avant tout chinoises de la diaspora. La moitié des importations du pays servent à exporter ce qui indique l’existence d’une « économie de sous-traitance ».

Les entreprises multinationales sont surtout issues de la diaspora chinois de l’Asie de Sud-est. Elles auraient créé plusieurs millions d’emplois, mais en auraient détruit à peu près autant. La privatisation sauvage et la modernisation de l’agriculture entraîneront de plus la suppression d’emplois agraires de 150-200 millions dans la décennie à venir. A l’instar de la Corée et du Japon, la Chine connaît actuellement la constitution d’empires familiaux de force économique majeure dont la contrepartie est, pour la même productivité, un niveau salarial particulièrement médiocre. On estime actuellement que les trois-quarts de l’économie chinoise relèvent du secteur privé capitaliste et que l’UE est devenue la destination principale des exportations de la Chine. Ces tendances se renforceront par l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce, entrée qui provoque ipso facto l’abandon de toute politique économique véritable et signifie une confiance dans les “forces du marché”, c’est-à-dire dans les réussites des capitalistes nationaux ou des multinationales. La classe moyenne dont il est question ci-dessus devient un consommateur en masse, surtout dans les grandes villes et dans les villes côtières. Les compagnies pétrolières chinoises deviennent actives afin de diminuer la dépendance énergétique du Moyen-Orient en s’intéressant au pétrole kazakh, soudanais ou russe.

Enregistrant une urbanisation rapide, la population des villes est entraînée dans une exploitation industrielle à la fois vigoureuse et ignoble avec des conditions de travail atroces. Cette exploitation est “entreprise” par une dizaine de millions de possédants, avant tout dans les villes côtières de l’est et du sud, mais aussi dans quelques centres urbains plus occidentaux. Ces phénomènes cumulés provoquent l’apparition des inégalités semblables à l’ancien régime “pourri” d’avant 1948, de la traite d’êtres humains à grande échelle et des dégâts écologiques inouïs. Les inégalités en question ne concernent pas seulement des revenus et des fortunes, mais accentuent aussi les contradictions traditionnelles classiques de la Chine entre villes et campagne, entre femmes et hommes, entre zones côtières et intérieures, notamment.

Depuis 2000, le gouvernement a décidé de mener une politique économique au sens libéral du terme en faveur de l’intérieur des territoires et, plus particulièrement, des régions occidentales en collaboration avec l’économie privée ou mixte du pays. Le but étant d’éviter le risque de troubles et de constituer désormais au centre de l’Asie une barrière humaine face à la Russie et les EUA,. D’importants barrages se construisent, notamment sur le Fleuve bleu, dont le gigantesque barrage des Trois Gorges. Au delta de Fuchun, un pont de 36 km à six voies est en train d’être édifié. Jusqu’aux frontières avec l’Asie centrale, des oléoducs et gazoducs sont mis en place. Le pharaonique projet de deux fois 1 200 km vise à relier le Fleuve bleu au Fleuve jaune, puis à poursuivre jusqu’à la région de Beijing par un système de canaux dans le but de transférer l’eau du sud au nord qui en manque. Les investissements seraient significativement augmentés en faveur de toutes les régions de l’Occident chinois telles que le Tibet ou le Xinjiang, notamment des liaisons ferroviaires de milliers de kilomètres.

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Dictature de tous, sauf du prolétariat

Simultanément à ces données et évolutions, la Chine a connu une transformation politique extraordinaire depuis la mort de Mao en 1976. Pendant la période maoïste, le pays s’industrialise une manière autocentrée et progresse économiquement une façon assez égalitaire. Après cette période et à l’instar d’autres pays communistes, il évolue progressivement vers une espèce de capitalisme sauvage “censitaire” qu’a connu l’Europe au XIXe siècle. Depuis la fin des années 1970, il s’établit progressivement une sorte de dictature capitaliste et oligarchique dont les caractéristiques s’avèrent assez spécifiques. Ce système admet certaines pratiques démocratiques, ne fût-ce que localement, mais toujours sous le contrôle stricte du “centre”.

Des structures politiques réelles sont pénétrées des contradictions du provincialisme des élites en générale, de l’armée où une nouvelle génération se pointe, des tensions entre dirigeants des régions riches et pauvres, et des véritables “seigneurs de guerre” de nouvelle mouture. Quant à ces derniers, être secrétaire du Parti et du syndicat et, en même temps, avoir le poste du directeur général d’une entreprise n’est pas du tout rare et donne aux heureux “élus” la possibilité de disposer des forces de ordre, ordre tel qu’ils l’ont “établi”. Qui sont les possédants et les classes dirigeantes de ce régime politique, avec quels rapports de force ? Ceux qui détiennent un capital économique grâce aux privatisation et un capital social, voire culturel par des relations multiples qui constituent des réseaux dans le Parti et au gouvernement. Aujourd’hui, c’est déjà le règne des enfants et des petits enfants des “fondateurs” de la Chine populaire, représentant quelques dizaines de millions de personnes. Il y a aussi de centaines de milliers de Chinois à étranger qui depuis le début des années 1980 pénètrent le système grâce à leurs capitaux et à leur capacité de corrompre.

Les mesures imposées par le gouvernement chinois au cours des années 1980 sont essentiellement axées sur quatre grands axes: la dislocation du système de commune agricole et le retour à l'exploitation familiale ce qui rapidement permet une concentration capitaliste de la terre; l’abandon de toute politique économique active signifiant l'abandon progressif de la planification; le développement des exportations par des entreprises industrielles à bas salaires qui sont maintenus grâce à la répression; et l'extension de la politique d'accueil des multinationales étrangères sur le territoire chinois, c’est-à-dire l’intégration progressive de l’économie chinoise dans le capitalisme international. Les dirigeants chinois réussissent à poursuivre cette politique pendant des décennies en triomphant de mouvements de contestation comme celui de juin 1989. L'économie chinoise connaît alors une croissance sans précédent et s’intègre de plus en plus au capitalisme international. En vingt ans, le PIB par habitant fait plus que quadrupler1. Il n’empêche que l’espérance de vie baisse depuis des décennies, c’est-à-dire depuis la suppression de la sécurité sociale publique, si modeste qu’elle ne fût.

Grâce à cette « réussite » économique, les dirigeants chinois semblent aujourd'hui jouir d'une relative stabilité politique. La transformation d'une partie de la bureaucratie d'Etat en une véritable bourgeoisie visant à l'accumulation de son capital privé constitue un des phénomènes sociaux déterminants de la transition chinoise. Ce processus s'effectue principalement par le biais du pillage des biens publics. Désormais, le Parti s’adapte aux rapports de force au sein de la société et intègre ces possédants en son sein. C’est probablement le point le plus important sur le plan politique et qui explique les modifications survenues récemment à la tête du Parti. Son corollaire correspond à une répression systématique avant tout dans les milieux populaires, ouvriers et syndicalistes ou dans certaines minorités ou groupes religieux. Néanmoins, le régime autorise désormais des élections apparemment libres à de niveaux relativement bas et à certains endroits. Pourtant, il n’est pas question d’admettre des syndicats libres, ni le droit de grève ou d’admettre un semblant d’organisation de la société civile, par exemple en matière d’urbanisme ou de droit des minorités. Tout au contraire. Il suffit d’observer les condamnations fort sévères d’animateurs de résistances populaires ou ouvrières de ces dernières années. Par contre, au début de 2007, le régime légalise et protège, à « l’occidentale », la propriété privée des moyens de production.

Ces politiques qui visent à maintenir la stabilité par le maintien d’une oligarchie sont-elles tenables avec le soutien d’une classe moyenne de plus en plus nombreuse ? La démocratisation jointe à une certaine décentralisation pourrait-elle contribuer à réguler jusqu’à un certain point les rapports de force qui existent ? Comme toute oligarchie ou classe dominante, celle de la Chine reste convaincue d’être indispensable. Le monopole du parti communiste resterait, proclame-t-elle, nécessaire pour réussir la modernisation du pays et y combattre des forces centrifuges. La classe moyenne en question ne représente au maximum que 3 à 4 % de la population, mais présente déjà ses revendications socio-économiques et surtout politiques.

Si les tensions sociales devenaient intenables, le choix se limiterait dès lors soit à réprimer2, soit à laisser éclater le pays, suite à des guerres civiles ou du moins voir certaines provinces prendre de libertés aux conséquences incalculables. L’hypothèse de ces alternatives semble sous-estimer la capacité réelle de réagir des dirigeants en maîtrisant la crise politique de 1989, la crise financière asiatique de 1997/1998 ou la crise épidermique de 2003, par exemple. Il est également possible que la culture politique de la Chine soit plus habituée à accepter les contradictions. Pour les Chinois, ces contradictions seraient inhérentes à notre monde et s’avèrent plus complémentaires que dichotomiques. Il s’agirait simplement de les surmonter ou de les valoriser d’une manière pragmatique.

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Les jeux olympiques en 2008

En 2001, le pays fut choisi pour héberger les olympiades de 2008 et fit son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce. Les Jeux olympiques représentent un enjeu déterminant pour Pékin, qui entend jouer un rôle majeur sur la scène internationale, tant du point de vue diplomatique que commercial. Fragile à l'intérieur : tout au long de son inexorable montée en puissance vers l'Olympe de la réussite économique, la Chine ne s'est guère souciée des effets induits par un tel succès : dégradation de l'environnement, creusement des inégalités, croissance des injustices. Le pouvoir ne remettra vraisemblablement pas en question la poursuite de l'intégration au capitalisme international mais aurait compris que la croissance doit s'accompagner de plus de justice sociale. Selon la banque asiatique de développement, la Chine est, juste après le Népal, le pays d'Asie où les inégalités se sont le plus accrues ces dix dernières années. En 2005, près de 87 000 incidents plus ou moins violents, selon les statistiques officielles, ont éclaté dans tout le pays.

Le pouvoir annonce toute une série de mesures pour juguler les mécontentements, qui représentent des menaces potentielles et sont des facteurs d'instabilité, la hantise des dirigeants : baisse des impôts et suppression des frais de scolarité pour les paysans, vaste projet de modernisation des campagnes dans l'espoir d'élever le niveau de vie des agriculteurs et de constituer une économie capitaliste pour l'instant limitée aux quelques 300 millions de Chinois appartenant à la classe moyenne urbanisée dans les villes côtières ou dans quelques chefs-lieux développés des provinces de l'intérieur. La direction du parti a compris qu'il était temps d'agir et de freiner la dégradation de l'environnement, elle aussi cause d'autres colères paysannes.

Aucun mouvement ne vient fédérer les frustrations, mais on assiste, dans nombre de villes et de régions, à des explosions de colère ou à des manifestations d'agriculteurs spoliés, de résidents expropriés par des promoteurs mafieux en cheville avec les responsables locaux, de campagnards dégoûtés de se voir imposer avec violence la politique du contrôle des naissances. Certes, le pouvoir tient bon, le parti est solidement campé sur ses bases.

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B. La Chine encerclée et à la recherche de Partenaires

En Asie, la Chine ambitionne, sans doute possible, de devenir une grande puissance avec l’Inde et le principal contrepoids des EUA. En Asie et partout ailleurs dans le monde, du Moyen Orient en Amérique du Sud en passant par l’Afrique, l’Asie Centrale et l’Asie du Sud, la Chine affirme sa présence économique et stratégique. Sa taille dans l’économie mondiale commence à faire peser sa puissance financière, influence les prix de l’énergie, sécurise ses approvisionnements et conteste les approches américaines ou européennes dans le tiers monde, dessinant progressivement l’image d’un Etat puissant et influent sur la scène internationale. Plus encore, Beijing se construit aujourd’hui une réputation de négociateur capable d’apaiser les tensions en Corée du Nord dans le cadre du dialogue qu’elle contrôle, tandis qu’avec celle de la Russie, la position de la Chine sur la question iranienne constitue un contrepoids à Washington.

Au fond la Chine monte en puissance à sa manière. Peut-être est-ce là une des difficultés de sa relation avec l’Occident, le Japon, l’Inde et quelques autres, notamment en Asie du Sud-Est : devenue un acteur de plus en plus pertinent de la scène du monde, elle prend sa place en évitant de présenter l’image omniprésente et prosélyte d’un pays qui endosse le fardeau de la sécurité du monde, en la confondant avec la sienne. Mais, en même temps, elle donne l’impression de défendre ses positions et ses intérêts de manière inflexible jouant à l’occasion de pressions et de menaces, parfois militaires.

Les positions internes sont caractérisées à la fois par la force et des faiblesses évidentes. En liaison avec cette situation intérieure, la prétention de cette candidature est-elle justifiée par rapport au reste du monde ? Comment peut-on la qualifier en termes de positions externes du pays ? A première vue, la géostratégie de la Chine privilégie les composants géo-économique et diplomatique, selon ses traditions séculaires. Peut-elle se limiter à cela ? Ne doit-elle pas choisir des partenaires privilégiés ? La réponse à ces interrogations ne peut être que complexe, car la Chine est un grand pays qui a beaucoup de voisins, développe des stratégies multiples à grande échelle et se trouve en contact avec quasiment tous les pays du monde.

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Du Nord à l’Est, puis à l’Ouest, en passant par le Sud

Parmi les objectifs fondamentaux et les tâches pour sauvegarder la sécurité de l’état de la Chine, la politique de la défense nationale de Beijing définit en tout premier : « mettre fin à la séparation et promouvoir la réunification, /ainsi que/ … sauvegarder les droits et intérêts maritimes ». C’est sans aucun doute que sont visés Taiwan et les îles ou les archipels qui se trouvent autant dans les mers du Japon, mer Jaune et de Chine méridionale, que dans le détroit entre le Japon et la Corée. Mettre fin, réunir ou sauvegarder peut signifier le travail diplomatique courant tout aussi bien que l’occupation militaire d’endroits déserts ou considérés comme tels. Au-delà de ces « lieux de proximité » immédiats, on peut faire le tour des pays en partant du Nord pour examiner les rapports de force en présence.

Dans la partie septentrionale de l’Eurasie, la Russie domine, mais n’est plus hégémonique. L'important traité signé en avril 1997 entre Moscou et Beijing entérine une modification des rapports de forces: pour la première fois, la Russie ne domine plus son grand voisin de Sud-est eurasiatique. Cet accord porte sur les points suivants: réduction et retrait des forces militaires des deux côtes des frontières communes; vente d’armes même très développées de la part de la Russie ; et coopération des deux pays auxquels se joignent le Tadjikistan, le Kirghizistan et le Kazakhstan pour garantir à Beijing que ces régions ne serviront pas de sanctuaire aux séparatistes de Xinjiang, territoire occidental de la Chine. Cet accord, s'il semble bien appliqué, ne règle cependant pas les questions soulevées par la nucléarisation du sous-continent indien.

A l’est, il y a le Japon. Désormais, le pays le plus influent à l’Ouest du Pacifique n’est plus le Japon, mais la Chine. N’empêche Beijing se méfie de Tokyo en raison du nationalisme japonais persistant qui a laissé un mauvais souvenir dans toute l’Asie, ainsi que du renforcement des forces de la soi-disant autodéfense japonaise et de la persistance de l’alliance militaire nippo-américaine. Il reste que les deux pays sont en train de devenir des partenaires économiques de premier rang l’un pour l’autre. Sans doute, le genre feudo-capitaliste de leurs économies respectives les rapproche. L’alliance américano-nipponne se renforce cependant par un nouveau traité conclu en 2006 qui entre autre soutient le développement militaire vigoureux du Japon et dont la contrepartie serait le rapprochement récent entre Tokyo et Beijing.


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Carte 15.

En matière d’approvisionnements énergétiques, le Japon se trouve en concurrence avec la Chine devant la Russie : les projets d’envergure d’oléoducs et de gazoducs à partir de la Sibérie orientale pourront aboutir soit en Chine, soit à la côte pacifique de la Russie (port de Nakhodka, non loin des côtes nipponnes), une solution conjointe n’est pas encore envisagée. Par l’usage de la force, le conflit sino-japonais autour des îles Sinkaku-Shoto/Diaoyu-Tai tourne à l’avantage de la Chine. Les îles en question recèleraient d’importants gisements d’hydrocarbures que la compagnie pétrolière chinoise CNOOC commencerait à explorer. En ce qui concerne la question coréenne ou l’ANSE, le Japon se trouve par contre au même diapason que la Chine, souhaitant réduire l’influence américaine dans la région. D’où les efforts de Washington de constituer une vague alliance de sécurité entre les EUA, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, et qui pourrait incorporer souplement les Philippines et l’Indonésie.

Parmi les pays asiatiques de la zone de libre-échange qui s’émane e l’ANSE, la Chine jouit désormais du rôle de puissance dominante. Elle occupe économiquement la place qu’y tenait le Japon et serait en train de dépasser la position commerciale des EUA. Elle peut y intervenir en jouant les uns contre les autres et elle ne manque pas à le faire. Elle semble viser la constitution d’une région bénéficiant d’une certaine indépendance des EUA et dont le point de départ serait une zone sino-nippo-coréenne. Son influence se trouve accrue du fait de la diaspora chinoise dans toute cette région du monde et dont l’immense majorité garde des liens avec la mère-patrie. C’est ce qui lui a permis, sinon de résoudre, en tous cas de geler à son avantage les contentieux qui touchent à la souveraineté sur les archipels de la Chine méridionale et de la mer de la Chine orientale, riches de matières premières et énergétiques. Dans le Pacifique, à la grande surprise, la Chine conclut en 2006 des accords avec les îles Fidji qui, régulièrement, avaient des ennuis avec le « commenwealth » britannique.

Quant aux voisins ex-communistes, il faut mentionner la Corée et le Vietnam. La question de la Corée du Nord est simplement celle de la réunification des deux Corées. La discussion autour de ses armes nucléaires n’est que un écran de fumée devant cette question fondamentale. Car, celle-ci soulève le problème : qui, demain, dominera ou contrôlera cette réunification? La Chine, le Japon ou éventuellement les EUA? En cas de réunification de deux parties du pays, cette nouvelle Corée ne pourrait-elle pas s’ériger en une puissance régionale significative et gênante pour les pays environnants? Dans l’hypothèse de la réunification, une neutralisation du territoire ne lui sera-t-elle dès lors pas imposée? Sans pouvoir apporter ici une réponse à ces interrogations, il convient en tous cas de savoir que la dépendance économique de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine est extrême. La Chine investit massivement et une façon croissante en Corée du Nord. Les liens économiques se multiplient également entre la Chine et la Corée du Sud, en supplantant de plus en plus dans cette dernière les EUA.

Les EUA ont dû admettre la création d’un “groupe de six” dont font partie les deux Corées, la Chine, la Russie, le Japon et les EUA pour gérer la question coréenne. La Chine vise à la neutralisation des deux Corées, si possible réunies. En contrepartie, elle est prête de donner à l’un ou l’autre, ou à l’ensemble, une garantie de sécurité avec le Japon et les EUA. Voulant avant tout maintenir leurs implantations militaires dans la région, les EUA craignent évidemment de revaloriser géopolitiquement la Russie et la Chine de cette façon. De leur côté, la Chine comme le Japon, voire la Corée du Sud appréhendent “l’imprévisibilité américaine” de ces dernières années.

Malgré le règlement du conflit frontalier, les relations sino-vietnamiennes restent sujettes aux effets de la poursuite par la Chine de la construction d’une série de barrages sur le Mékong, le grand fleuve de toute l’Indochine, sans parler de la question des archipels des mers du Sud dont ceux du Nord, de Spratly et de Paracel/Xisha. Ces derniers sont déjà partiellement sous la juridiction de la Chine, mais plusieurs pays environnants les revendiquent également. C’est ici qu’il convient de signaler l’établissement une importante liaison routière entre la Chine de sud et le Thaïlande, traversant le territoire laotien. Le récente rapprochement entre l’Inde et la Chine a permis aussi de voir que cette dernière ne soutient plus les soi-disant maoïstes du Népal et vise la stabilisation de ce dernier.

En ce qui concerne les relations chinoises avec l’Inde et le Pakistan, elles sont enchevêtrées, car elles font intervenir une multiplicité de grandes puissances, locales ou non. Les deux puissances de la Asie de Sud, la Chine et l’Inde, mènent des politiques d’équilibre délicates entre elles, alors que le Pakistan est, plus ou moins, tombe dans la zone influence américaine. La Chine tient actuellement à maintenir une distance égale, mais de proximité, avec l’Inde et le Pakistan, sans oublier son voisin du Nord, la Russie. Ainsi, elle intervient pour empêcher une guerre indo-pakistanaise. L’Inde de son côté en fait autant à l’égard de la Chine et de la Russie, mais entretient des relations tumultueuses avec son voisin immédiat, le Pakistan (voir ci-après). Pour l’Inde, et surtout depuis qu’elle n’a plus de frontières communes avec elle, la Russie reste un allié indispensable pour contrebalancer le poids de la Chine à ses frontières, notamment himalayennes truffées d’armes nucléaires chinoises. Depuis quelques années, l’Inde dispose néanmoins armes nucléaires dont la portée couvre pratiquement tout le territoire chinois. L’intrusion américaine a sans doute contribué au rapprochement sino-indien de ces dernières années.

Nonobstant, New Delhi entame en 2005 des négociations avec Beijing pour régulariser les questions liées aux frontières communes (3 500 km de long) et relancer la coopération économique entre les deux pays. Rappelons que ces deux pays totalisent un tiers de la population mondiale. Par ce rapprochement, la Chine vise à s’allier avec le pays le plus puissant de la région, à y réduire la tension, notamment entre l’Inde et le Pakistan, désormais puissances nucléaires, et surtout à y atténuer influence des EUA, autrement dit à tempérer les effets de l’encerclement qu’elle subit. Il n’empêche que les EUA et l’Inde concluent en 2006 un accord de coopération nucléaire remarqué.

Face à l’installation des bases militaires américaines en Afghanistan et en Asie centrale et pour des raisons économiques liées aux liens économiques sino-centre-asiatiques traditionnels et à l’intérêt de la Chine pour le pétrole du bassin de la Caspienne, Beijing a tenu à renforcer le Groupe de Shanghai. Ce groupe réunit la Chine, la Russie et Kazakhstan, ainsi que quatre autres pays centre-asiatiques et quelques pays avec un statut d’observateur3. Chose importante, ses membres ont signé un pacte de démilitarisation d’une zone de 100 km de large le long des 8 000 km de frontières communes Le gouvernement chinois soutient activement le projet de gazoducs et oléoducs de Caucasie méridionale et à travers l’Asie centrale jusqu’à sa région occidentale ouïgour du Xinjiang.

En 2004, le Kazakhstan et la Chine signent un accord de coopération en vue une liaison de chemin de fer entre les deux pays et à laquelle participeraient la Turquie, l’Iran et le Turkménistan. En décembre 2005, c’est l’inauguration du deuxième tronçon de l’oléoduc reliant le Kazakhstan à la Chine. Ces 1.000 kilomètres d’oléoducs entre le centre du Kazakhstan et le Xinjiang (Ouest de la Chine) sont le deuxième tronçon d'un projet de 3 000 kilomètres au total qui permettra à Beijing d'accéder en 2011 directement au pétrole de la mer Caspienne. Le projet est co-financé par la CNPC (China National Petroleum Corporation) et la société d’hydrocarbures de l’Etat kazakh, Kazmounaïgaz. L’oléoduc transportera 10 millions de tonnes de brut par an d'ici six mois et à terme doublera sa capacité. Toujours en 2005, le Groupe de Shanghai « recommande » aux pays centre-asiatiques de se défaire des bases militaires américains. Tous suivent la recommandation, sauf le Kirghizstan, du moins à court terme en 2006. Il se préoccupe du commerce d’opium et de la sécurité dégradée en Afghanistan et s’engage de les maîtriser ensemble, en lançant ainsi un défi à Washington.

Le « harcèlement » américain de l’Iran tombe fort mal pour la Chine en termes diplomatiques. L’Iran a conclu ces dernières années d’importants accords de fournitures massives de gaz naturel pour une valeur d’environ € 16 milliards à 25 ans auxquels s’jouteraient des travaux importants de construction. D’autres contrats seraient en pleine négociation entre Téhéran et Beijing. Or, si les EUA réussissaient à amener l’Iran devant le Conseil de sécurité, la Chine pourrait se trouver dans une posture délicate du point de vue de ses alliances. Certains pays de l’UE dont la France se trouvent dans une situation analogue.

Depuis des années 1960 et surtout 1990, la Chine marque un intérêt évident pour l’Afrique à la fois comme « absorbeurs » de ses produits de masse et comme source d’approvisionnement. Les nombreux quartiers chinois dans les diverses villes africaines démontrent la première orientation que complètent des constructions routières et de chemins de fer ou d’autres infrastructures. Pour la seconde, les investissements opérées par les compagnies chinoises (CNOOP, NCPC, Petro China, SINOPE, etc.) correspondent à la volonté de rechercher et de produire du pétrole et du gaz naturel dans le but d’en approvisionner l’économie chinoise. Parmi les états africains, on cite dans l’exploitation hydrocarbures le Soudan, le Nigeria, le Tchad, l’Angola, le Golf de Guinée, etc., dans celle des forêts la Mozambique et la Guinée-équatoriale, et, enfin, celle des mines la Zambie, le Zimbabwé, le Congo et l’Afrique du Sud. Les rapports sino-latino-américains connaissent une évolution assez semblable, notamment au Brésil, en Argentine et au Chili.

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Quid des puissances nucléaires de la guerre froide ?

La Chine développe une politique étrangère de multilatéralité qui consiste à mettre en place des distances égales entre Beijing, une part, et d’autres puissances dont les EUA, Tokio et la Russie, d’autre part. La rivalité économique entre l’UE, la Russie, le Japon et les EUA qui exprime à travers la stratégie de leurs multinationales, donne à la Chine comme économie “naissante” une marge de manœuvre certaine en matière énergétique ; la Chine elle-même développe, à travers ses compagnies pétrolières, des rapports de force avec les compagnies européennes ou américaines en Afrique, en Asie centrale ou en Caucasie méridionale. Quant aux droits humains, les grandes puissances ne sont guère en tête de peloton de ceux qui les respectent, car Washington a ses “terroristes”, Moscou ses Tchétchènes et Beijing ses Ouïgours !

La Chine semble se trouver devant une situation analogue à celle des anciens pays du monde soviétique. Aux dirigeants comme aux communs des mortels, les EUA apparaissent comme un modèle de référence en termes économiques et militaires, voire culturels et idéologiques. Ils seraient partagés entre l’admiration et la méfiance, entre la volonté de devenir partenaires des EUA et de s’y opposer. C’est politiquement comme géopolitiquement fort délicat, car cette hésitation rend les options du régime branlantes, voire boiteuses. Les stratégies d’ouvertures réciproques entre Beijing et Washington se définissent, selon les moments, en fonction de la rivalité de l’un ou de l’autre avec Moscou.

Outre la question taïwanaise bien connue, les relations sino-américaines se caractérisent, spécifiquement, par l’importance des exportations excédentaires chinoises vers l’Amérique et les créances toujours croissantes qui en résulte et que la Chine détient sur les EUA. L’accumulation de ces réserves de dollars peut être interprétée comme la contrepartie à l’accord de Washington à l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001, comme un moyen pour acquérir des entreprises énergétiques à étranger ou comme un instrument stratégique pour pouvoir, au moment voulu, faire chanter les EUA. La compagnie pétrolière chinoise CNOOC voulait en 2005 acquérir la compagnie américaine Chevron mais les autorités américaines l’en ont empêché.

Après les banques centrales et les groupes privés d’Europe et du Japon, la Chine est en réalité le troisième créancier en importance d’Amérique ce qui lui donne évidemment un levier de pouvoir non négligeable face à Washington. Celui-ci le sait, d’où sa volonté d’encercler militairement et aussi effectivement que possible la Chine. C’est assurément la raison principale pour maintenir la domination américaine sur l’île de Taiwan et l’expression toujours vigoureuse de Beijing de vouloir, jusqu’ici en vain, exercer sa souveraineté sur celle-ci. Exemple de l’incorporation de Hong Kong en Chine populaire a, il y a quelques années, montré néanmoins que rien n’est éternel dans ce bas monde.

En ce qui concerne les rapports sino-russes, la Chine, comme la Russie, défend forcement la même position de fond : pas d’unilatéralisme américain et lutte pour un monde multilatéral ! Ces dernières décennies, ils ont réussi à stabiliser véritablement leurs frontières communes qui ont été à l’origine de pas mal de conflits, même armés. La Russie est un important fournisseur de la Chine en matière d’armements de haute technologie et des matières énergétiques les deux développent des projets d’envergure : oléoducs et de gazoducs à partir de la Sibérie orientale (Angarsk près du lac Baïkal) jusqu’au Nord-est (Daqing) et à l’Ouest chinois. Au printemps 2006, les deux capitales auraient marqué leur accord à la construction de deux gazoducs venant de Sibérie occidentale, l’un traversant la Mongolie et l’autre arrivant en Chine du Nord des îles Sakhaline.

Le réarmement nucléaire de la Chine ne fait pas plaisir à la Russie qui, tout en l’alimentant, peut craindre des infiltrations chinoises croissantes en territoires sibériens, fort peu peuplés. Néanmoins, Beijing considère actuellement Moscou comme son allié naturel pour s’opposer à la pénétration américaine en Asie centrale et Moscou s’en montre tout à fait consentant. Alors que, jadis, le démantèlement de l’Union soviétique a été bien entendu favorable à la Chine, l’apparition des nouveaux états centre-asiatiques comme le panturquisme ou le fondamentalisme musulman l’inquiète et inquiète la Russie comme sources de pénétrations national-religieuses dans les régions occidentales et comme problèmes frontaliers. Il reste qu’en matière du “système de défense antimissile”, il existe une complicité certaine entre la Russie et les EUA, au dessus des têtes et de la Chine, et de l’UE.

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L’histoire (im)possible des rapports Chine-UE

Dès le début des années 1970, la Belgique reconnaît diplomatiquement la Chine populaire, suivie par la France en 1974 et puis progressivement par les autres pays européens. Depuis la chute du Mur de Berlin, les contacts se multiplient devant les nouvelles donnes géopolitiques et en 1998 on franchi une étape importante par institution des réunions au sommets Chine-UE. En 2003, l’UE signe un accord de partenariat avec la Chine. Parmi les partenaires commerciaux actuellement les plus importants de la Chine, les EUA, le Japon et l’UE occupent, chacun, une place quasi équivalente. En 2002 puis en 2006, Beijing annonce sa décision de diversifier ses réserves en devises en faveur de l’euro pour mettre en évidence sa vision multilatérale du monde et au moment voulu de réduire ses risques de change qui ne faisaient qu’augmenter avec l’accroissement des relations commerciales sino-européennes.

La diversification et l’élargissement des liens commerciaux constituent un enjeu d’envergure pour la Chine comme pour l’UE. Comme on le sait, la Chine recherche de toutes les façons l’ouverture des moyens de communication terrestres ou maritimes afin de garantir son approvisionnement en matières énergétiques et, en contre partie, d’écouler sa production vers d’autres économies. Ainsi, elle s’intéresse beaucoup à la mise en place du projet européen TRACECA. En cours d’achèvement, ce projet devra relier par le biais des infrastructures de transports l’UE, la Caucasie méridionale et l’Asie centrale avec la Chine occidentale afin d’améliorer les liaisons économiques eurasiatiques. En 2003, la Chine marque son accord pour co-financer le système mondial de navigation par satellite de l’UE, le GALILEO qui est d’une haute importance du point de vue géostratégique. Enfin, l’UE décide en 2006 de reprendre des négociations avec la Chine en vue d’approfondir des relations entre les deux entités, notamment par la levée éventuelle de l’embargo européen sur les armes.

Il reste que la vision chinoise des EUA est, politiquement, peu claire et empreinte d’hésitations. Ce caractère indécis et parfois déroutant des attitudes chinoises ne peut pas être interprétés comme de simples manœuvres tactiques ou pragmatiques. Elles réduisent la lisibilité des options du régime et constituent jusqu’à un certain point un obstacle à un rapprochement de fond entre Beijing et Bruxelles. Certes, du côté de l’UE, les incertitudes des relations transatlantiques ne facilitent pas non plus des grandes options stratégiques. Comme la pratique historique le montre cependant, la coalition géostratégique entre entités mondiales, dont les forces et les faiblesses sont complémentaires, qui peuvent se considérer comme étant “encerclées” et qui, de l’une à l’autre, se situent au-delà des puissances voisines, bénéficient de certaine stabilité. La stabilité de ces coalitions contribue à l’avènement d’autres alliances de même nature. Certes, toujours fragiles, ces évolutions peuvent néanmoins faciliter l’établissement des équilibres en termes géopolitiques dans le monde, du moins diminuer les risques de guerre.

C’est ce que semble souhaiter l’UE comme la Chine qui sont faiblement nucléarisées et dès lors moins craintes par leurs voisins. Elles partagent également la conviction de privilégier des stratégies géoéconomiques et diplomatiques aux actions militaires. De plus, leurs dépendances surtout énergétiques les lient beaucoup à la Russie, mais pas exclusivement, ce qui est susceptible d’apaiser les relations. Elles sont partisanes du multilatéralisme, tout en reconnaissant la nécessité d’être toujours en position de négociation avec les EUA. Idéalement, les relations entre Bruxelles et Beijing devraient ainsi devenir plus développées et plus fortes que celle entre Bruxelles et Moscou, même dans une perspective une Ostpolitik renouvelée. Une alliance entre la Chine et l’UE peut d’ailleurs paraître moins alarmante aux EUA qu’une alliance russo-européenne. Cette dernière pourrait en fait s’avérer trop forte au regard des autres puissances, car elle réunirait une capacité économique dominante avec un pouvoir nucléaire non négligeable. Enfin, par contre, une alliance sino-européenne pourrait devenir une contre garantie à des liens stratégiques traditionnels entre Washington et Moscou dont la volonté de toujours est de maîtriser, superviser ou contrôler Europe occidentale et centrale comme la Chine.

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4.2 Inde-Pakistan, antagonisme sans fin ou coopération tacite ?

L'Indus/Tsang-po marque la limite septentrionale du continent indien. C'est aussi le cas du Karakoram, de l’Aksai Chin et du sud du Tibet. L'essentiel de son territoire appartient au domaine des régions tropicales dont le climat est marqué par une alternance de saisons sèches et humides : la mousson. Historiquement, le continent connaît un développement important des plaines alluviales.

En Inde, le grand fleuve de Gange s’étend, au pied du Himalaya, de New Delhi jusqu’à Calcutta dans une vaste plaine septentrionale. Là se concentre l’essentiel de la populations rurale, si l’on fait abstraction des immenses villes surpeuplées. Le relief pakistanais pénètre au nord profondément dans le système himalayen occidental. Il atteint au Nord-Ouest la terminaison orientale de l'Hindou-Kouch. A l'Ouest, la souveraineté pakistanaise s’étend sur les montagnes plus basses des confins d’Afghanistan et d’Iran, la région de Baloutchistan. La région la plus vivante et la plus peuplée, de très loin, est axée sur l'Indus et les quatre affluents qui constituent avec lui le « pays des cinq rivières », le Pendjab. Il y a lieu de distinguer le piémont que constitue le Pendjab de la basse plaine de l'Indus, qui forme l'essentiel de la province du Sind.

Une partie de la frontière indo-pakistanaise est séparée par le désert de Thar du côté indien et où l’Inde procède à ses expériences nucléaires. Le cas du conflit continu entre l’Inde et le Pakistan prétextant le cas de Cachemire tend à refléter la redéfinition des relations géopolitiques du continent eurasiatique, voire du monde depuis des années 1970-1980 dont les caractéristiques principales correspondent au déclin entamé des EUA, au lent avènement de l’UE, à l’ascension rapide de la Chine et à la décomposition de l’URSS suivie d’une réémergence de la Russie. Il convient de la prendre en compte pour saisir la logique qui expliquerait les relations entre ces deux pays.


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Carte 16.

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Une violence originaire

En 1947, les anciennes Indes britanniques deviennent indépendantes et sont séparées en deux Etats distincts : l'Union indienne et le Pakistan, lui-même divisé entre Pakistan occidental et Pakistan oriental, peuplé majoritairement de musulmans. La séparation des deux Etats se fait dans un climat de violence tel que les Britanniques accélèrent le processus de retrait de leurs troupes, laissant hindous et musulmans seuls aux prises avec le problème de la trace des frontières. Le partage de populations se fait en principe selon le critère religieux exigé par le Pakistan. Or, même ce critère ne s’applique pas entièrement car de nombreux Musulmans restent en Inde et le Pakistan se divise politiquement en deux en 1971, indépendamment de ce critère.

Alors que le partage des eaux de l’Indus est grosso modo réglé, la question de l'attribution du Cachemire garde toute son actualité jusqu’à aujourd’hui. L'Union indienne et le Pakistan s'installent dans un voisinage conflictuel. La partie orientale de Pakistan devient Bengladesh avec le soutien de l’Inde. Le Pakistan et l’Inde mènent plusieurs guerres l’un contre l’autre en 1947-1949, 1965 et 1971, mais le Pakistan perd chacune d’elles. L’influence culturelle de l’Inde serait profonde sur la population du Pakistan en terme de cinéma, de mode, de chanteurs à la mode, etc. L’instabilité apparemment croissante du Pakistan reflèterait
 l’échec des classes dirigeantes du pays à résoudre le problème de l’insuffisance du développement et en voulant le surmonter par
 l’islamisation de la société sous des dictatures variées et par soumission aux forces étrangères.

Les deux pays sont devenus des Etats nucléaires. Le nombre de leurs armes est estimé à quelques centaines au maximum. Leur portée n’est pas négligeable car leurs missiles peuvent aller au-delà des 2 à 3 000 kilomètres. Elles peuvent en petit nombre atteindre une partie importante de la Chine et l’Asie centrale, ainsi que pratiquement toute l’Asie du Sud-est et tout le Proche et Moyen Orients. C’est en avril 1998 que le Pakistan expérimente des missiles susceptibles d'être porteurs de têtes nucléaires. En mai, l'Inde teste des bombes nucléaires et, en réponse, le Pakistan en fait autant. Enfin, en juin 1998, après beaucoup de gesticulations diplomatiques, les deux gouvernements concernés déclarent un moratoire et, depuis lors, semblent négocier entre eux. En février 2007, les deux parties concluent un accord de coopération en matière policière contre les terroristes des deux pays et, surtout, un autre en matière d’éventuel conflit nucléaire.

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Confrontation locale ou rébellion contre les puissances nucléaires ?

Tant pour l'Inde que pour le Pakistan, la réaffirmation d'une position nucléaire correspondait à des nécessités de politique intérieure. Leurs gouvernements respectifs ne sont guère stables et avaient bien besoin de jouer les matamores afin de redorer leur blason. De ce point de vue, il y a de part et d'autre une espèce de complicité entre des adversaires prétendument éternels. Argument quant aux conflits des civilisations religieuses est, ici comme ailleurs, peu fondé, car dans le cas de ces deux pays le développement d'armes nucléaires a commencé bien avant que leurs gouvernements n'acquièrent leur réputation de fondamentalisme. Ni l'Inde ni le Pakistan, une fois en possession de l'arme nucléaire, n'ont évidemment intérêt à la prolifération. Jusqu'ici, ce principe semble toujours avoir été respecté par des puissances nucléaires4.

A souligner, qu'avant de procéder à des expériences nucléaires, le Pakistan aurait accepté d'y renoncer à condition de disposer de la garantie nucléaire d'une des cinq grandes puissances; il ne l'a évidemment pas eue. Or, en cas d'attaque sérieuse de l'Inde contre le Pakistan, le risque du recours aux armes atomiques de la part de ce dernier est relativement élevé et ne peut donc être considéré comme négligeable. La configuration territoriale l'expliquerait en partie car le pays manquerait de "profondeur". Cet argument également est souvent évoqué par les autorités pakistanaises afin de justifier leurs activités en Afghanistan. Le risque élevé du recours à ces armes meurtrières est accru par la pression éventuelle des opinions publiques de ces pays. De plus, des hommes politiques eux-mêmes peuvent influencer, volontairement ou involontairement, une opinion publique mal informée sur les conséquences énormes d'une guerre nucléaire. La pomme de discorde constituée par la question de l'appartenance du Cachemire se prête, hélas! à ce jeu dangereux entre les dirigeants politiques et l'opinion.

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Logiques régionales

Le Cachemire se situe entre l'Afghanistan, la Chine, le Pakistan et l'Inde, dans la partie septentrionale de ces deux derniers pays. La guerre, et la séparation entre l'Inde et le Pakistan qui en a résulté, l'a divisé en deux, puis en trois5. Depuis 1948, les armées indienne et pakistanaise s'y font face sur plus d'un millier de kilomètres au long de la ligne de cessez de feu. Les affrontements ou du moins les harcèlements sur la ligne de séparation comme dans le territoire contrôlé par l'Inde sont quasi quotidiens. Enfin, la Chine elle-même revendique la souveraineté d'une partie stratégiquement importante du Cachemire: la région d'Aksai Chin annexée en 1962.

Sur le plan régional, l'Inde craindrait, non sans raison, d'être encerclée par la Chine et son allié, le Pakistan. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur une carte géographique pour saisir combien l'Inde occupe une position fragile au pied du Tibet. Or, territoire chinois depuis 1950-1951, le Tibet serait parsemé d'armes nucléaires dirigées contre l'Inde. On n'oubliera pas non plus la guerre entre la Chine et l'Inde entre 1959 et 1962 et les territoires perdus par cette dernière. Il en est de même en ce qui concerne les transferts technologiques opérés par la Chine en faveur du Pakistan, précisément en matière nucléaire et de missiles porteurs. Enfin, une nouvelle ligne de chemin de fer est inaugurée, en 2005/6, du centre de la Chine jusqu’à Lhassa, capitale du Tibet et qui pourrait être prolongée jusqu’au Pakistan.

Le Pakistan se trouve devant des problèmes multiples qu’il ne parvient pas à résoudre : les questions de coopération avec les voisins dont l’Inde, autant que les soulèvements ethniques ou religieux dans les différentes parties du pays. Tant pour l’Inde que pour le Pakistan, le Cachemire a des frontières communes avec la Chine. Lors des conflits armés successifs indo-pakistanais à propos de Cachemire, Beijing soutenait constamment Islamabad. L’Inde prétend que le Pakistan soutient à la fois des résistants « islamistes » qui s’opposent à elle au Cachemire et des groupes qui procèdent à des attentats en Inde-même.

Stratégiquement plus important que le Cachemire mais non frontalier avec l’Inde, le Baloutchistan se trouve à l’Ouest du Pakistan et dans la partie orientale de l’Iran, à cheval entre les deux pays. D’une superficie de 347 000 km² (dix fois la Belgique), il constitue 40% du territoire national, mais seulement 6% de la population du pays. Il représente un front maritime étendu face à la mer Arabe et, dès lors, considérable en fonction d’accès maritimes éventuels pour les pays d’Asie centrale. Il contient des matières premières et énergétiques significatives, notamment le gaz naturel qui couvre 40% des besoins énergétiques du Pakistan. Le territoire se prête aux laboratoires, à la fabrication et aux expériences nucléaires et de missiles stratégiques. Les habitants considèrent qu’ils habitent un territoire militairement occupé par le gouvernement central. Certes, en Baloutchistan, il y a eu des révoltes fort nombreuses depuis l’indépendance du pays, mais à ma connaissance n’auraient pas bénéficié d’aide indienne, d’autant plus que la région est fort éloignée de l’Inde. Les autorités d’Islamabad combattent désormais les Baloutchis révoltés avec beaucoup de brutalité au nom de « la guerre contre le terrorisme » à la manière de Bush II. Elles font de même avec les différentes minorités musulmanes.

Cette région pakistanaise comporte également trois bases militaires américaines6, près de la frontière iranienne ; d’où seraient dirigées l’invasion et l’occupation américaine de l’Afghanistan ; d’où notamment les EUA contribuent à leur encerclement de l’Iran ; d’où le Pakistan s’intègre dans la chaîne de bases américaines de l’océan indien jusqu’à la Turquie. Au bord de l’océan indien, le port baloutchi Gwadar connaît un immense développement grâce aux milliers de travailleurs chinois. La Chine souhaite y établir une base maritime à partir de laquelle elle pourra acheminer par chemin de fer des hydrocarbures vers la partie occidentale du pays à travers le Pakistan et le Cachemire pakistanais, et mieux intégrer l’économie internationale. Sans l’accord ne fût-ce que tacite de l’Inde, ce projet risque de ne pas se réaliser. Le rapprochement marqué entre ce pays et la Chine favorise sans doute une telle évolution.

Cependant, c’est la région qui également devrait être traversée par le gazoduc terrestre projeté de longue date de l’Iran à l’Inde, voire vers la Chine, et dont la longueur devrait atteindre 2 600 km environ et éventuellement se prolonger jusqu’au Myanmar (anc. Birmanie), encore qu’il y ait un autre projet de gazoduc qui permettrait d’éviter le Baloutchistan, se dirigerait vers le nord-Ouest du Pakistan et passerait par l’Afghanistan pour atteindre l’Iran et le Turkménistan, sans toucher cette région pakistanaise délicate. Remarquons que le premier projet mécontente les EUA, tandis que le second paraît impossible à l’heure actuelle et indisposerait la Russie, voire la Chine. Outre le Cachemire et le Béloutchistan, les « territoires nordiques » sont dominés par les Pachtounes/Talibans qui, depuis l’invasion américaine en 2001, combattent à la fois les autorités du Pakistan et de l’Afghanistan, encore que selon certains pakistanais ces territoires constituent un « recul géopolitique » du pays face à l’Inde.

De son côté, l’Inde connaît le problème de « l’hindouisme » face à la minorité musulmane fort nombreuse. Apparemment, il n’a pas de problème régional, sauf au nord-est, au Nagaland. Ce dernier s’étend dans les chaînes indo-birmanes à proximité de la Chine. Devenu indien, détaché de l’Assam, il sépare la Birmanie de Etat indien de l'Assam et curieusement est à 80% chrétien baptiste. Enfin, la Chine revendique l’Etat indien d’Arunachel Pradesh au nord-est de l’Inde et refuse donc de reconnaître une partie de la frontière indo-chinoise sur 1.000 kilomètres.

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Du bipolaire au multipolaire

A une échelle continentale, voire mondiale, les effets de l’avènement de deux puissances nucléaires dans le sous-continent indien et sud-asiatique ne sont pas négligeables. Pour les situer dans un contexte plus général, il convient de rappeler les évolutions géopolitiques diverses de ces dernières décennies. Il ne fait pas de doute que le monde est entré dans une compétition ouverte où les anciens acteurs comme les nouveaux, cherchent à s’imposer et où ils prennent place dans une nouvelle hiérarchie des grandes puissances. Le passage du monde bipolaire de la guerre froide à un monde géopolitiquement multipolaire s’avère malaisé. Dans un monde multipolaire, le risque d'accidents se révèle en outre plus élevé, car le nombre d’acteurs et de stratégies s'accroît et, dès lors, les rapports de force possibles augmentent d'autant. Les rivalités guerrières régionales ou locales ont plus de possibilités de survenir, mais à une échelle cependant moindre que dans le système bipolaire. La prévision de conflits devient plus compliquée et plus complexe.

La complexité des données géopolitiques reste grande. Des évolutions simultanées se conjuguent: déclin structurel et relatif des deux superpuissances à partir des années septante faisant suite aux guerres respectives perdues au Viêt-nam et en Afghanistan; émergence progressive de nouvelles puissances telles que l'UE, le Japon, la Chine, l'Inde, le Brésil ou l'Indonésie; nouveaux acteurs ou nouveaux enjeux: la Turquie ou l'Asie centrale; au centre de Europe, notamment: fragmentation et prolifération d’Etats qui ne font que renforcer les grands pays avoisinants tels l'UE ou la Russie. La CEI qui, selon la volonté de la Russie, devrait réunir les anciennes républiques de l'ex-URSS, sans les pays Baltes, se met laborieusement en place, et les gardes-frontières dans les régions asiatiques qui nous intéressent ici restent souvent les soldats russes. Depuis les années cinquante, la Chine développe son programme nucléaire et ce fait a, sans doute, été la principale cause de sa rupture avec l'URSS. Avec l'Inde, n'assiste-t-on pas à un scénario analogue?

Dans ce contexte, il faut bien prendre en considération qu'à l'échelle mondiale l'Inde représente, outre la Russie, un contrepoids considérable aux ambitions de grande puissance de la Chine en Asie. L'amitié russo-indienne des années cinquante, soixante et septante s'était amoindrie, mais vient d'être vigoureusement réaffirmée depuis les expériences nucléaires de l'Inde et de la coopération redevenue intensive en matières nucléaires et d’armements. Une telle coopération pourra s’étendre à la création d’un réseau de conduites d’hydrocarbures d’Iran à l’Inde, et du Turkménistan à l’Inde, en traversant plusieurs pays.

D'un autre côté, comme on le sait, la Chine a développé un programme nucléaire complet. Depuis les années soixante, elle a soutenu le Pakistan et s’est posée en rivale face à l'Inde. Il faut également savoir qu'un conflit armé entre la Chine et les EUA est parfaitement concevable et possible. Pour les EUA, il est difficile de tolérer le développement d'une puissance chinoise qui subordonnerait toute initiative d'un autre état aux intérêts de Beijing. Cette position très forte de la Chine pèse sur le Japon, satellite fidèle des EUA. Par sa diaspora dans toute l'Asie de Sud-est, la Chine exerce par ailleurs une influence croissante et déjà considérable Par rapport aux EUA, elle travaille à en détacher progressivement l'Indonésie, les pays d'IndoChine et bien d'autres pays de la région.

L'important traité signé en avril 1997 entre Moscou et Beijing entérine une modification des rapports de forces: pour la première fois, la Russie ne domine plus son grand voisin de Sud-est eurasiatique. Quoique l'accord ait été pompeusement baptisé de « Partenariat stratégique », il n'est pas à sous-estimer par rapport à la prétention hégémonique des EUA. Il répond aux besoins russo-chinois de renforcer leur position eurasiatique à égard des EUA et du Japon, mais également de l'Inde ou du Pakistan. Dans l'avenir, cet accord pourrait également réguler les relations russo-chinoises en ce qui concerne les questions coréenne, vietnamienne ou afghane. en tous cas, il met ipso facto en question la « doctrine kissingérienne » de la diplomatie américaine: les EUA doivent avoir de meilleures relations avec la Chine et avec la Russie que ces deux dernières entre elles.

La question soulevée par la volonté de l'Inde et du Pakistan de devenir puissances nucléaires n'est pas sans lien avec l'enjeu que représente l'Asie centrale entre la Russie et la Chine au nord, l'Iran et le Pakistan au sud, non loin du nord de l'Inde, cette partie du continent eurasiatique est composée de six pays dont le nom se termine par "stan"7. Conséquence de l'affaiblissement temporaire de la Russie, l'Asie centrale devint un lieu convoité en raison de réserves massives de matières premières, surtout énergétiques. Or pour les sortir d'Asie centrale, il faut développer des conduites (oléoducs et gazoducs) à travers de nombreux pays voisins, partager des sphères d'influences tant privées que publiques et, aussi vite que possible, stabiliser toute la région concernée. Les multinationales comme les grandes puissances sont toutes impliquées et, indirectement, participent à tous les conflits souvent armés et meurtriers en Afghanistan, au Kirghizstan ou au Cachemire, à l'instar de ce qui se passait en Tchétchénie.

Dans la géoéconomie des armes nucléaires, la responsabilité des Etats comme celle de leurs multinationales qui vendent la technologie et l'équipement - au départ souvent civils - est entière. C'est la raison pour laquelle les sanctions américaines contre l'Inde ou le Pakistan font long feu devant les importantes négociations commerciales en cours. Les Etats affaiblis sous le coup de la mondialisation et des impératifs du profit infini des multinationales s'unissent pour répandre l'horreur. Ceci explique pourquoi Washington signe des accords de coopérations nucléaires apparemment importants avec New Delhi en 2006.

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Evénements récents marquants

L’appui pakistanais aux moudjahiddins en Afghanistan contre l’URSS s’organise par les EUA dans les années 1980 qui, à l’époque collaborent avec les bandes armées de ben Ladin et d’autres groupes dits islamistes et ce, à l’aide du Pakistan. En 2001, une fois de plus, le président Moucharraf justifie, dans un discours, son soutien aux EUA par la volonté de privilégier les intérêts de son pays, tandis que Washington lève les sanctions décrétées contre Islamabad et New Delhi à la suite de leurs essais nucléaires, en 1998. En 2001, le président russe Poutine rend visite à New Delhi. L'Inde et la Russie signent un accord de « Partenariat stratégique ». en 2003, New Delhi propose de renouer les relations diplomatiques avec Islamabad, interrompues depuis 2001. Celles-ci sont effectivement rétablies en juin. La même année, le premier ministre se rend en visite officielle en Chine. Dans le document final signé par les deux pays, New Delhi reconnaît la souveraineté de la Chine sur le Tibet et Beijing l'appartenance du Sikkim à l'Inde.

En 2003, l'invasion américano-britannique de l’Irak provoque des manifestations de masse contre la guerre dans les villes pakistanaises. En 2004, le Pakistan est réintégré au sein du Commonwealth au regard « des progrès faits dans la restauration de la démocratie ». Islamabad avait été suspendu à la suite du coup état du général Moucharraf, en 1999. La même année, les EUA décernent au Pakistan le statut d'« allié majeur hors OTAN ». Le Pakistan est depuis des années le principal fournisseur armes des autorités centrales de Sri Lanka qui combattent la lutte d’indépendance de la minorité tamoule au nord du pays, alors que les Tamouls sont fort représentés au Sud de l’Inde. En 2004, le président pakistanais Moucharraf et le Premier ministre indien Vajpayée se rencontrent à Islamabad, en marge d'un sommet régional. La déclaration commune publiée à cette occasion affirme la volonté des deux pays de rétablir entre eux un « dialogue global », incluant donc le dossier du Cachemire. Depuis lors, le dialogue continue cahin-caha selon les variations de la conjoncture internationale. Au début de 2006, les deux gouvernements concluent cependant un accord pour construire une seconde ligne de chemin de fer entre les deux pays.

Après le « raz de marée » en 2004, mais fidèle à sa tradition d’indépendance vis-à-vis des grandes puissances et des institutions internationales, New Delhi choisit de ne pas accepter d’assistance d’urgence sur une base bilatérale, sans toutefois refuser l’aide multilatérale proposée. Afin de rappeler que la catastrophe n’affectait pas son statut de grande puissance asiatique, elle apporta son aide aux deux pays les plus touchés, le Sri Lanka et l’Indonésie. Le rapprochement avec le Pakistan s’est poursuivi sans heurts. Si la question du statut du Cachemire est demeurée en marge de ce processus, le dialogue progresse néanmoins grâce à de réguliers échanges de visites officielles. La solidité du processus est illustrée par sa poursuite alors même que des tensions fortes émergeaient entre les deux pays du fait de la fermeté indienne sur la question du barrage de Baglihar. Les Pakistanais accusent en effet ce barrage, construit par les Indiens, de violer le « traité des eaux de l’Indus » conclu entre les deux pays en 1960, en altérant les quantités d’eaux disponibles, à leur détriment.

L’Inde ou du moins ses classes dirigeantes continue à regarder au-delà de l’Asie du Sud vers les EUA et l’Asie, où sa principale ambition paraît être de stabiliser sa relation avec la Chine. Le rapprochement lent avec les EUA s’explique en partie par celui de Washington à égard de New Delhi. L’administration Bush II est en effet soucieuse d’ancrer sa relation avec New Delhi dans le long terme et de développer la confiance, notamment par une proposition de vente d’armements offensifs et, depuis 2006, par une coopération nucléaire proposée. Toutefois, le besoin qu’a Washington d’appuyer Islamabad et ses divergences stratégiques avec New Delhi, notamment concernant l’Iran et la Chine, continue de limiter l’alliance entre les deux grands pays. L’accord signé en 2006 n’est toujours pas approuvé par le Sénat américain, ni par le parlement indien.

Sur le plan militaire, il faut noter le peu d'intérêt et les difficultés qu'auraient actuellement les deux pays à ouvrir les hostilités à grande échelle. Les deux armées connaissent une réduction des crédits. Depuis 1990, l'Inde a diminué son budget militaire. Avec la disparition de l'URSS, elle a perdu son principal fournisseur d'armement. Au Pakistan, Washington fournit depuis 1996 du matériel militaire à Islamabad en raison de sa guerre en Afghanistan. Par ailleurs, les deux armées se voient en partie immobilisées par des tâches de maintien de l'ordre au Cachemire, au Pendjab et en Assam en Inde; une fraction non déterminée de l'armée pakistanaise au Sind.

Quelles que soient les apparences, les facteurs internationaux jouent en faveur de la paix entre les deux pays. Depuis le début de la multipolarité, les grandes puissances n'ont aucun intérêt au déclenchement d'un conflit armé entre l’Inde et le Pakistan. Pour les EUA, ce dernier demeure leur allié dans leur stratégies en Afghanistan ou ailleurs, en Asie centrale, tandis que l'Inde devient désormais partenaire commercial et économique, voire nucléaire privilégié eu égard à la montée en puissance de la Chine. Cependant, les deux profitent des liens traditionnels avec la Russie et la Chine. Désormais, l’Inde fait ainsi partie du Groupe de Shanghai : avec la Russie et la Chine elle forme une force trilatérale unique en Eurasie, face aux EUA et ses alliés eurasiatiques, ainsi qu’à l’UE comme concurrent par rapport à la Russie, fournisseurs énergétiques. En tant qu’une sorte de « satellite » américain, le Pakistan perd de plus en plus sa souveraineté et voit accentuer ses troubles intérieurs. La chute du régime semi-dictatorial ou une fuite en avant guerrière s’avèrent du domaine des possibilités et qui, peut-être, mettraient même en question alliance avec les EUA. L’accord nucléaire entre New Delhi et Washington indispose fort Islamabad.

Les besoins énergétiques tant de l’Inde que de la Chine peuvent néanmoins à la fois diviser et rapprocher ces deux pays. Les diviser en raison de la rareté des ressources. Les rapprocher face à des autres multinationales, avec des concurrents grands consommateurs et au problème de transports à longue distance de fait, le transport des matières énergétiques à travers des détroits, des mers et des océans peu sûrs, voire par voie terrestre représentera pour eux un souci commun dans les décennies à venir. Il en est de même des transports terrestres, notamment à travers la Sibérie et des pays d’Asie centrale, ainsi qu’en territoires pakistanais mêmes. Enfin, les extrémistes des deux pays peuvent créer une situation, aujourd’hui imprévisible, où le risque de reprises de la guerre entre eux devient grand. Ceci par exemple pourrait être le cas dans l’hypothèse d’un décrépitude du régime autoritaire du président pakistanais Moucharraf ou les émeutes de faim en Inde qui inciteraient les dirigeants politiques d’opérer une fuite en avant, par un conflit armé.

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Que peut-on espérer ?

À partir de ces considérations, on comprendra que les traités de non-prolifération des armes nucléaires et des équipements porteurs de ces derniers ainsi que ceux concernant l'interdiction des expériences nucléaires sont politiquement nuls et non avenus. L'Inde comme le Pakistan sont réellement et officiellement devenus des puissances nucléaires aux côtés des cinq à dix puissances nucléaires potentielles ou non officielles. Il en résulte, à supposer que cela soit possible, que toute la logique de monopole des Cinq est à renégocier. Il faut créer les nouvelles bases d'un consensus mondial et imaginer un système où toutes les puissances nucléaires, y compris Israël, prendraient la voie du désarmement.

Le problème n'est cependant pas simple. Jusqu'aux expériences nucléaires indiennes et pakistanaise, il était généralement admis, en effet, que les systèmes de surveillance, principalement russes et américains, étaient d'une fiabilité suffisante pour que la terre entière puisse être observée et que les progrès d'un pays dans la fabrication et l'expérimentation des armes nucléaires ne puissent échapper à la détection. Or cela n'est malheureusement plus le cas. Facteur de risque accru, l'augmentation du nombre acteurs et de stratégies pourra aussi avoir un effet positif: renforcer la campagne internationale contre les armes nucléaires et en faveur d'un désarmement complet dans ce domaine. Il est vrai que l'Inde argumente depuis des décennies sur la nécessité d'un traité mondial, sur le désarmement total et non discriminatoire et sur interdiction des armes nucléaires. L’Iran en fait autant depuis quelques années.

L’Inde s’inscrit désormais dans un jeu géopolitique subtil. Pour elle, choisir entre la Chine et la Russie reste difficile, alors que les trois puissances sont en alliance dite stratégique avec les EUA et recherchent l même accord avec l’UE, hégémonique désormais en terme économique. Peut-être que choisir ne s’impose pas en fait et qu’une géostratégie à multiples facettes est jouable à condition d’avoir des solides bases économiques, c’est-à-dire des intérêts économiques communs ou convergents ?

Les relations entre l’Inde et le Pakistan restent ainsi soumises aux déterminants locaux et à ces alliances multiples. Le facteur nucléaire semble jouer pleinement son rôle dissuasif. Selon moi, les déterminants locaux travaillent plus dans le sens de la coopération, notamment économique, sous la pression du capitalisme indien. Se situant progressivement parmi les puissances régionales significatives, l’Inde en partie échappe de plus en plus aux contraintes des grandes puissances à condition de réussir aussi une « politique de balançoire » qui consiste à s’allier à tour de rôle avec chacune d’elles. Géopolitiquement bien plus modeste, le Pakistan n’a guère le choix et reste soumis aux pressions islamiques de l’intérieur et aux influences puissantes de l’extérieur. Du point de vue de l’UE, une géostratégie semble clairement indiquée : en fonction de la PESD/PESC qui se muscle graduellement, s’allier progressivement tant à l’Inde qu’au Groupe de Shanghai.

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4.3 L’Iran, un acteur ou un enjeu du Moyen-Orient

SOMMAIRE, CONCLUSION et EVALUATION :

1. Pays du Moyen-Orient, l’Iran devient, dès aujourd’hui et pour les décennies à venir, un enjeu eurasiatique d’importance pour l’UE. D’une part, les EUA sont arrivés dans cette partie du monde dès la fin des années 1940, puis plus activement depuis 1970/80 et tentent d’y élargir leur zone influence de la mer Méditerranée jusqu’aux confins de la Chine, en passant par l’Asie centrale. Ces tentatives les mettent en concurrence directe avec la Russie et l’UE, sans compter l’Inde et le Japon. Cet expansionnisme américain correspond pour l’Iran à une tentative d’encerclement certaine.

D’autre part, pour l’UE, les sources d’approvisionnement de la région moyen-orientale, aussi bien que les liaisons terrestres de communication dans un but d’échanges commerciaux attribuent à l’Iran une position clef, à l’instar de la Turquie. Si ce dernier pays pourra bien adhérer à l’UE de plein droit vers 2020-22, le cas de l’Iran n’est guère envisagé dans cette perspective. Un accord d’association et de stabilité reste cependant en négociation depuis un certain temps dans cadre de la « politique de voisinage ».

Quant au reste, comme l’Irak, la Turquie s’inscrit parmi les adversaires séculaires de l’Iran et, pour des raisons de localisation, il existe une rivalité turco-iranienne par rapport à la domination de la région. Enfin, l’Iran lui-même bénéficie d’une position forte. Cette position du pays est due, entre autres, à son insertion dans un Moyen-Orient en pleine mutation et traversé par de profondes contradictions, à sa place dans le secteur mondial des hydrocarbures et à sa position particulière au sein de l’Islam.

2. En dehors de ses côtes maritimes, le pays est dépourvu de frontières naturelles, mais a une expérience séculaire de gestion impériale et plurale. Il se trouve dès lors exposé à de fréquentes invasions qu’il absorbe cependant aisément. Il marque depuis toujours un intérêt “naturel” à la plaine mésopotamienne et au golfe Persique. Il a un large accès au golfe persique, à la mer Caspienne et à l’océan Indien, et dispose de côtes pour des transports maritimes bon marché et de zones maritimes économiques exclusives qui s’avèrent riches en hydrocarbures. Les ventes hydrocarbures à l’étranger correspondent à plus des quatre-cinquièmes du total des exportations et 6-7% du PNB annuel du pays. Ce qui n’est pas un indice de dépendance excessive par rapport à l’étranger.

Beaucoup d’observateurs de l’Iran font remarquer que le pays a connu depuis les années 1960 des progrès notables. Malgré toute la répression persistante, le pays est plus démocratique que jadis. Son développement économique s’avère non négligeable au niveau individuel et notable sur le plan collectif. Du point de vue institutionnel, il tente pour la première fois une synthèse entre la démocratie et l’Islam. En dépit de l’obligation de devoir porter le foulard, la libération de la femme est, pour la majorité, réelle par rapport aux structures féodale et patriarcale prédominantes avant 1979.

Les crises qui ont récemment déstabilisé l’Iran n’ont pas entraîné une explosion des nationalismes, alors même que la position périphérique, sur le territoire du pays, d’ethnies minoritaires peut faciliter les mouvements sécessionnistes. Il n’empêche que la minorisation progressive des Iraniens de souche pourrait déboucher sur une remise en cause de leur primauté. Cette vulnérabilité leur impose de contrôler solidement les différentes structures de pouvoirs.

3. Elargissant leur influence tout au long du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe, l’Union soviétique au nord et la Grande Bretagne au sud occupaient une partie du pays en 1941. Au lendemain de la guerre 1939-45, il est progressivement libéré de ces deux pays, mais devint rapidement le satellite des EUA. Grâce à l’accroissement fulgurant des exportations hydrocarbures, il s’est lancé dans une véritable modernisation accélérée. Le caractère considéré comme hâtif de cette dernière provoqua le durcissement progressif du régime monarchique, aboutissant à un régime de répression odieux, notamment contre le clergé. Sous la pression de l’opposition à fractions multiples, le dernier chah quitte le pays et la République islamique s’instaure sous la direction de l’âyâtollâh Khomeyni. La République fête son 25e anniversaire en 2004.

En 1979, le rêve d’un islam militant apparaît comme une réponse possible au sécularisme imposé par l’oligarchie régnante. Sa force de mobilisation trouve sa démonstration lors de la guerre irako-iranienne. Alors qu’une des idées-forces du mouvement révolutionnaire était la restauration de l’indépendance et de l’autosuffisance économiques, notamment dans le domaine agricole, le pays doit importer de nombreux produits de première nécessité. La différence accrue des revenus et des fortunes accentue la paupérisation et les difficultés quotidiennes engendrent une profonde vague de mécontentement. La population a également augmenté sous l’effet des migrations des réfugiés. Enfin, chose remarquable, elle est devenue la population musulmane la moins religieuse dans l’Islam.

Plusieurs traits ont caractérisé l’économie révolutionnaire: la nationalisation des banques, de secteurs industriels entiers et, en partie, du commerce extérieur, ainsi que le rôle important des fondations religieuses et paraétatiques qui sont largement financées par l’Etat. La distribution des postes de commande dans l’administration et dans l’économie nationalisée serait devenue la manière de financer tel ou tel groupe ou personnalité politiques. Ainsi s’établit un système de corruption étendu et s’y ajoute le fait que l’annulation partielle de la réforme agraire favorise, sans conteste, certaines anciennes classes rurales et les nouvelles classes dominantes dont le clergé.

Finalement, le pays érige un grand nombre de centrales nucléaires dans le but de mieux assurer son approvisionnement en courant électrique et, peut-être, de développer des armes nucléaires. Ce développement fort possible n’étonnera personne eu égard au fait que trois pays qui lui sont proches, sont déjà nucléarisés et que les EUA disposent de nombreuses bases militaires dans un rayon de 1.000 kilomètres, sans oublier la proximité de la Russie. Il fournit, en tout cas, un prétexte aux EUA pour que ceux-ci exercent le chantage dans un but géostratégique bien précis à l’Iran. L’UE a une toute autre approche du problème. Certes, la doctrine géostratégique actuelle des EUA qui prévoit la “préemption” pourrait inciter, en principe, les Etats concernés à vouloir détenir des armes de destruction massive, par crainte d’une action préventive.

4. Le régime classique dualiste et bicéphale qu’a installé la révolution islamique s’avère à la fois fort et fragile. En réalité, il ressemble davantage à un régime oligarchique de groupes et d’influences variés de 8 à 10 centres de pouvoirs. Les milieux religieux seraient, politiquement, partagés entre divers courants : les “fondamentalistes”, les “réformistes” et, entre les deux, les partisans de l’ancien président Rafsandjani, néolibéral et autoritaire. D’autres cercles religieux s’opposent à l’idée d’un “pouvoir terrestre” pour les chefs religieux ou se regroupent autour des fondations religieuses et paraétatiques géantes ou encore s’organisent auprès de diverses forces armées. Les forces militaires sont aussi partagées entre l’Armée avec 420 mille soldats et la Garde révolutionnaire avec 125 mille miliciens.

Complices de la révolution islamique de 1979, les Moudjahiddins de tendance gauche et laïque mènent par ailleurs une vie clandestine en Iran et fort active à l’étranger. Outre d’autres milieux d’affaires proprement privés (les bazaaris, représentants de la moyenne et de la petite bourgeoisie, musulmans convaincus), le reste des élites avère fort éclaté entre les libéraux démocrates, les néolibéraux autoritaires et affairistes, les conservateurs ou monarchistes classiques (dans le pays ou à l’étranger), les milieux laïcs et universitaires et des gauches variées. Il faut enfin mentionner les femmes et les milieux intellectuels dont les orientations politiques ne me sont pas connues, mais qui interviennent sans doute dans les débats politiques et, de façon plus en plus active.

Les alliances constamment changeantes entre ces centres de pouvoirs rendent la vie politique intense, mais les moyens de répression du régime demeurent jusqu’ici suffisants pour maintenir ordre “établi” face à la population exclue du jeu politique. Certains milieux dit “conservateurs” qui seraient proches de certains religieux, de la “nouvelle bourgeoisie” affairiste née de la révolution khomeyniste, des “nouveaux riches” et des technocrates accepteraient, semble-t-il, une “solution post-maoïste” : l’économie néolibérale et un régime dictatorial sur le plan politique auxquels se joindrait un rapprochement avec les EUA, garants de ces visées. La victoire électorale de ces “conservateurs” peut cependant se retourner contre eux, s’ils ne réussissent pas à redresser la situation socio-économique qui à présent apparaît comme explosive et si Washington ne les soutient pas.

Plus que sur l’orientation politique du pays, les affrontements entre les différents tenants du pouvoir portent sur l’équilibre des pouvoirs entre les institutions dualistes du régime, impliquent des déplacements constants du pouvoir d’un organe à un autre et contribuent à un enchevêtrement des institutions. Malgré les signes évidents de consolidation, l’ensemble de ces caractéristiques induisent une fluctuation tenace des clivages au sein du pouvoir, ce qui risque de fragiliser sérieusement le régime, notamment dans certaines circonstances qui peuvent être déterminées de l’étranger. Il s’y ajoute la forte féminisation de la vie socio-économique qui tôt ou tard ne peut pas rester sans impact sur la société politique.

5. Les relations avec Washington demeurent l’un des thèmes privilégiés de la lutte entre les factions rivales au sein de la vie politique du pays. Il en résulte que les EUA font, directement ou indirectement, tout pour semer la zizanie et de cette façon s’approprier un pouvoir d’intervention L’exemple par excellence consiste à classer le pays comme faisant partie de “l’axe du mal” ou à l’importuner en matière de prolifération des armes nucléaires. Des bombardements inopinés du pays ne sont donc pas à exclure soit par Israël, soit par les EUA, surtout en périodes électorales. Par contre, l’Iran dispose des moyens de défense militaire et d’une capacité d’interventions multiples dans les conflits du Proche et du Moyen Orient, par exemple en Irak, au Liban ou en Palestine.

Une alliance russo-iranienne me paraît inéluctable, puisque les deux ont le même adversaire dans la région : les EUA et la Russie vendent volontiers des équipements militaires et nucléaires. Cette nécessaire alliance fait taire le conflit entre les deux pays dans le domaine de l’exploitation de la mer Caspienne et les “affaires d’armes nucléaires”. Un rapprochement certain avec la Chine s’opère en fonction des besoins croissants d’hydrocarbures de cette dernière. De plus les deux ont le même adversaire. Outre le “dialogue critique” de l’UE avec l’Iran, celui-ci développe des alliances avec le Pakistan et l’Inde, mais il faut bien reconnaître que ses alliés véritables ne sont pas très nombreux. On identifierait un axe est-ouest entre l’Iran, la Syrie, le Liban et la Palestine, encore qu’il ne faille pas exagérer sa portée. Un autre est observé entre la Russie, l’Iran et certains Etats du Golf persique à majorité chiite.

S’agissant de la question kurde dans la région, la Turquie se retrouve avec l’Iran, l’Irak et la Syrie pour empêcher même le risque de voir établir une autonomie kurde quelque part, voire une souveraineté kurde véritable. Afin de déstabiliser la région et notamment ces pays, et de renforcer leur position par rapport à l’UE et à la Russie, les EUA pourraient prendre initiative de la création d’un Kurdistan plus ou moins autonome et créer ainsi, à l’instar de ce qui se passe en Palestine, une nouvelle région de conflits à intensité faible.

Devant une certaine fragilisation structurelle et conjoncturelle du régime, face aux mutations fondamentales au sein du pays et l’enjeu que représente le Moyen-Orient, l’UE ferait bien de ne pas laisser ce “morceau géopolitique” entre les mains exclusives des EUA qui pourraient tourner l’Iran contre l’union. Elle est appelée à formuler une stratégie d’action et à proposer une “alliance structurelle” à l’Iran. Il conviendrait que l’UE imagine une série de garanties internationales à fournir par les grandes puissances à l’Iran : un traité de non agression, la réduction sensible des forces militaires américaines dans la région, un système de contrôle d’armement, notamment nucléaire, etc. Enfin, « l’alliance structurelle » pourrait contribuer à la mise en place progressive d’une solution à la question kurde, sans que cela accroisse le risque de conflits au Moyen-Orient et d’une réduction du caractère patriarcal du régime chiite.

Table des matières

Carte géographique et données fondamentales

1. Dimensions géographique, démographique et socio-économique
1.1 Position, localisation et minorisation ethnique
1.2 Le relief, la culture et la réforme agraire
1.3 La vie urbaine et l’exploitation hydrocarbures
1.4 Le pétrole et le développement industriel
2. Dimensions historique, religieuses et politiques
2.1 La “colonisation” des grandes puissances et le régime de Pahlavi
2.2 La modernisation réelle, mais hâtive du dernier chah
2.3 Le clergé traditionnel et le modernisme inspirent par l’Occident
2.4 Khomeyni et la forte politisation du chiisme
2.5 Evolution politique après la révolution 1979
2.6 La structuration sociale et politique du régime khomeyniste
3. Dimensions internationale
3.1 Relations extérieures et position internationale
3.2 Données de la situation actuelle
3.3 L’enjeu d’hydrocarbures et d’industrie nucléaire
3.4 La question de armement nucléaire de l’Iran
3.5 L’Iran se projette vers la OCS
Prospectives
Annexes : Organisation du pouvoir politique et religieux en Iran
Bibliographie spécifique et d’autres sources d’information

Données fondamentales :

Population : 70,3 millions (estimation 2006)
dont proprement perses/iraniens 51 %, Azéris 24 % et Kurdes 8-9 % environ;
dont chiites 85 % et sunnites 10-12 %. Approximativement, la moitié de la population a moins de 20 ans. Le taux de fécondité des femmes est passé de 3% à quelque 1% depuis la fin des années 1980.

Superficie: 1,65 millions km² dont terres arables : 10, 2 %;
Pays voisins et longueurs des frontières communes: Afghanistan 936 km, Arménie 35 km, Azerbaïdjan 432 km, Azerbaijan-Naxcivan exclave 179 km, Iraq 1 458 km, Pakistan 909 km, Turquie 499 km et Turkménistan 992 km;
Capitale : Téhéran.

PNB à la parité de pouvoir d’achat (PPA) : € 449 milliards;
PNB par tête à PPA: € 6.640;
Chômage entre 30 et 50% chez les moins de 30 ans;
40% de la population vivrait sous le seuil de pauvreté.
Dépendance extérieure:
= à l’exportation : Japon 17.3%, Chine 11.4%, Italie 6.2%, Afrique du Sud 5.5%, Corée du Sud 5.2%, France 4.5%, Turquie4.5%, Taiwan 4.3%, Pays-Bas 4.3% ;
= à l’importation : RFA 14.2%, Chine 8.3%, Italie 7.5%, EAU 6.7%, Corée du Sud 6.4%, France 6.2%, Russie 5.3%.

L’Iran dispose d’une économie mixte où se combinent la grande propriété terrienne traditionnelle, la planification centrale, la propriété publique des entreprises de pétrole et d’autres grandes entreprises, la petite agriculture privée et des PME également privées. La dette extérieure ne dépasse guère les € 8 milliards, les réserves en devises sont voisines de € 14-15 milliards, mais l’inflation et surtout le taux de chômage élevés restent persistants.

La production pétrolière représente quelque 5 % de celle du monde. Les réserves pétrolières placeraient le pays parmi les quatre premiers du monde. Les ventes hydrocarbures à l’étranger correspondent à plus des quatre-cinquièmes du total des exportations et 6-7% du PNB annuel du pays. Les principaux pays importateurs sont, en ordre importance, le Japon, l’UE et la Russie. L’Iran fait partie de l’OPEP (Organisation des Pays exportateurs de Pétrole).

Forces militaires et policières : l’Armée républicaine de toutes armes (400 000 personnes ?), les Gardiens de la révolution islamique de toutes armes (les „pâsdârân”, 125-150 000 personnes ?), l’Armée populaire de mobilisation et les forces de ordre ordinaires, ainsi que les „komite” („les groupes d’habitants”), les miliciens „basij”, etc.

Sources : CIA – The World Factbook et mes propres estimations.

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1. Dimensions géographiques, démographique et socio-économiques

L’Iran possède de nombreux atouts de fond. Il a une continuité géographique avec les Républiques centre-asiatiques que, par exemple, la Turquie ne possède pas. Cela a d’autant plus importance que ces pays sont enclavés par rapport aux mers ouvertes vers le monde. Certes, il y a des oléoducs ou gazoducs sous la Caspienne et à travers l’Afghanistan ou le Pakistan, mais ni l’un ni l’autre n’est sans risque et, en tous cas, avère fort coûteux. D’une certaine façon, une aire turque étend des Balkans jusqu’à la Chine et rassemble quelque deux cents millions de turcophones, alors qu’en même temps, l’Iran constitue une île sur le plan culturel. Néanmoins, l’héritage des pays centre-asiatiques est fortement marqué par la langue et la littérature persanes, malgré la prépondérance actuelle des langues turcophones dans la région. Une partie de l’Afghanistan (les Pachtounes) et du Pakistan (les Baloutchis) parle iranien.


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Carte 17. l’Iran

Pour ce qui est de histoire, les pays centre-asiatiques n’ont jamais fait partie de l’empire ottoman, mais certains d’entre eux ont fait, directement ou indirectement, partie de l’empire perse. Dès lors, il existe une rivalité turco-iranienne de nature complexe dans cette partie du monde, à laquelle s’ajoute la position forte de la Russie et des EUA à égard de l’Asie centrale et face à la Turquie. Avant 1935, le pays fut appelé la Perse en Occident, alors que ses habitants l’appellent depuis toujours l’Iran.

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1.1 Position, localisation et minoration ethnique

L’Iran occupe 1,65 millions km², soit plus de trois fois le territoire de la France. L’Iran détient, avec la Russie, le record du monde du nombre de pays frontaliers. Il dispose de frontières communes au nord et au nord-est, avec le Turkménistan, l’Afghanistan et le Pakistan, et au nord et au nord-Ouest, avec l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Turquie et l’Irak. Sur près de 1 500 kilomètres, ses frontières fort controversées avec l’Irak, ont été fixées avec l’empire ottoman dès le XVIIe siècle. Les autres frontières n’ont été stabilisées qu’au cours du XIXe, voire du XXe siècle.

Par sa localisation, l’Iran occupe un haut plateau entouré de hautes montagnes dominant les plaines. Cette position topographique ne serait pas sans relation avec un certain sentiment de supériorité qui, selon certains, caractériserait les Iraniens. Le pays constitue en même temps pour l’Asie centrale et la Caucasie méridionale (dont plus spécifiquement de la mer Caspienne et du Turkménistan) un passage possible parmi d’autres vers la mer indienne par le golfe persique (ou le golfe d’Oman). Inversement, dépourvu de frontières que, sauf en ce qui concerne ses côtes maritimes, l’on pourrait considérer comme naturelles, il se trouve exposé à de fréquentes invasions. Une expérience séculaire de gestion impériale et plurale lui permet cependant de les absorber aisément.

De même, le pays lui-même a toujours marque un intérêt “naturel” pour la plaine mésopotamienne dans la direction de l’Ouest, c’est-à-dire l’Irak actuel. La longueur de ses frontières terrestres fait que les forces armées ne sont guère capables de les défendre, sauf mobilisation idéologique exceptionnelle et intense. Il en va de même pour ses frontières maritimes de 2 500 kilomètres de long. Par contre, il a au nord un large accès à la mer Caspienne. En raison de l’immensité des territoires, l’Iran a parfois des difficultés à contrôler ses marches orientales telles que Béloutchistan ou les frontières avec l’Afghanistan. Ses côtes se prêtent à de nombreuses possibilités de transports maritimes bon marché et lui assurent des zones maritimes économiques exclusives qui s’avèrent riches en hydrocarbures. L’intérêt de l’Iran au "désencerclement" des ressources énergétiques de l’Asie centrale et de la Caucasie méridionale est ainsi double : il tient à profiter de sa situation géographique pour devenir le passage obligé du commerce avec l’Asie centrale et à favoriser la reconnaissance de son statut de grande puissance régionale. En pleine consolidation, la Russie jusqu’ici affaiblie ne verrait pas une telle évolution d’un mauvais oeil.

La diversité culturelle de l’Iran tient tout à la fois à la juxtaposition de milieux géographiques très contrastés (terres humides et marais du littoral caspien, plateau aride ponctué d’oasis, grandes cuvettes désertiques du Dasht-e Kavir et du Dasht-e Lut, chaîne montagneuse du Zagros...) et à une histoire faite d’invasions successives qui ont inégalement marqué les différentes régions du pays. Deux de ces régions historiquement importantes correspondent à Khorassan au nord-est et à Fars au sud-Ouest et constituent des implantations des empires perses successifs. Une troisième région significative correspond au Baloutchistan, à cheval sur la frontière irano-pakistanaise. Des agglomérations significatives se situent essentiellement dans les zones de la périphérie septentrionale, occidentale et méridionale du pays, ce qui rend, - en principe, mais pas nécessairement -, ce dernier géopolitiquement fragile face à des invasions venant du nord ou de l’Ouest.

Les minorités d’Iran représenteraient près de 50 % de la population du pays. Parmi ces minorités aux particularismes plus ou moins accusés, citons la principale, les quelque 6 millions de Kurdes peuplant les régions montagneuses des provinces de l’Azerbaïdjan iranien. Néanmoins, malgré la répression encore récente, ces minorités paraissent relativement bien intégrées (sauf les Afghans et les Baloutchis, arrivés récemment dans le pays), ce qui s’explique peut-être par leur ancienneté séculaire. Témoignage de cette intégration relative, les crises qui ont récemment déstabilisé l’Iran (révolution, agression irakienne) n’ont pas entraîné une explosion de nationalismes, alors même que la position périphérique, sur le territoire du pays, des ethnies minoritaires peut faciliter les mouvements sécessionnistes. Il n’empêche que la minorisation progressive des Iraniens de souche pourrait déboucher sur une remise en cause de leur primauté. Cette vulnérabilité leur impose de contrôler solidement des différentes rênes du pouvoir.

A remarquer aussi que, malgré la proximité idéologique, les chiites d’Irak majoritaires dans leur pays, ont soutenu Saddam Hussein lors de la guerre irako iranienne des années 1980 et, à présent, ne suivraient que prudemment les conseil de certains à Téhéran. Certes, les milieux dirigeants eux-mêmes sont divisés en Iran et certains d’entre eux soutiendraient des groupes d’opposants chiites irakiens contre l’occupation américaine. Le grand âyâtollâh al-Sistani poursuit en tout cas une politique d’apaisement en Irak et combat des “radicaux” chiites irakiens tels el-Sadr.

Alors que les débuts du réseau ferroviaire avaient été strictement périphériques et conçus en fonction d’intérêts étrangers (réseau de l’Inde britannique prolongé jusqu’à Zaïre au Baloutchistan; réseau russe jusqu’à Tabriz), le Transoxiane, du golfe persique à la Caspienne, construit entre 1927 et 1930 en surmontant de nombreuses difficultés techniques, avait constitué l’ossature d’un réseau national, qui s’est étendu dans les années 1950-1975 jusqu’à Machhad et Kirmân à l’est et jusqu’à la frontière turque à l’Ouest, se raccordant ainsi au réseau européen autrement que par le réseau soviétique, notamment vers l’Arménie. Le réseau d’oléoducs et de gazoducs principaux iraniens relie des villes telles que Kermân-Téhéran-Abadân-Tabriz dans le pays, ainsi que l’Azerbaïdjan et le Turkménistan à travers le territoire iranien afin de contourner la mer Caspienne, et l’Iran avec l’Irak, la Turquie, la Russie (gazoduc d’envergure) et l’Arabie Saoudite.

On considère qu’avec la Turquie, l’Iran est parmi les plus grands constructeurs de barrages dans le monde, ce qui permet d’obtenir de l’énergie à bon marché et surtout d’étendre l’agriculture d’irrigation. Enfin, le pays érige un grand nombre de centrales nucléaires dans le but de mieux assurer son approvisionnement en courant électrique et, peut-être, de développer des armes nucléaires.

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1.2 Le relief, la culture et la réforme agraire

Surtout du côté central et oriental, le pays est un haut plateau, entouré de montagnes sous forme d’un chiffre sept retourné tel que G et dont l’altitude varie le plus souvent de 800 à 1.500 mètres. Fort désertique et sismique, ce haut plateau peut constituer refuge et protection dans l’hypothèse d’attaques étrangères. Il est bordé au nord par le bourrelet montagneux des chaînes de l’Elbourz et du Khurasan, au sud par les chaînes du Zagros et du Baloutchistan. Les précipitations annuelles ne dépassent 400 mm que dans les chaînes septentrionales avec leur bordure caspienne, et dans la partie occidentale du Zagros, ainsi que sur quelques hauts reliefs isolés. En dehors de ces zones montagneuses, la culture pluviale des céréales n’est possible que dans la partie nord-ouest du plateau. Le déboisement est quasi total, à l’exception de la frange humide de la Caspienne.

Le système économique et social restait encore, au milieu du XXe siècle, archaïque, notamment dans des campagnes dominées par la grande propriété, contrôlant un tiers des villages. Il a été profondément transformé par une importante réforme agraire. Dans les années 1970, la réforme achevait d’entrer peu à peu en application dans l’ensemble du pays. Elle atteignait cependant à peine, aux derniers temps du régime Pahlavi, les régions les plus périphériques, mais avait démarré beaucoup plus rapidement dans les provinces caspiennes, l’Azerbaïdjan iranien, le plateau central et le Fars. La capacité du paysan à profiter de la réforme a semblé être en raison inverse de son degré de pauvreté et de soumission au grand propriétaire, auquel était largement lié le niveau d’alphabétisation et de compétence agricole, indispensables au fonctionnement des coopératives.

Malgré le caractère limité de la réforme (environ 15% des paysans iraniens ont reçu des terres et sont nouvellement devenus propriétaires, dont probablement les deux tiers en quantité suffisante pour assurer l’équilibre de leur famille), certains résultats ont été atteints. L’atmosphère des campagnes iraniennes a changé, le niveau de vie s’améliore de façon visible, partout les paysans ont pris confiance et assurance. On assiste à l’émergence progressive d’une classe moyenne, de paysans aisés ou responsables de village, qui relaie les grands propriétaires dans leur rôle de prêteurs d’argent et de directeurs d’exploitation, et se recrutent tout naturellement parmi ceux qui disposent d’un embryon de capital et d’un début d’instruction pratique. Simultanément, cette évolution a impliqué une rupture du régime social traditionnel et l’exode rural des masses misérables et incultes. Ces masses ont largement constitué les troupes, le soutien et l’instrument de la révolution islamique de 1979.

Les principales productions agricoles restent céréalières. Mais les cultures industrielles progressent aussi telles que la betterave sucrière et la canne à sucre. Les produits de l’élevage, enfin, tiennent une place importante dans l’économie, avec un troupeau considérable de petit bétail, peut-être 50 millions de têtes (dont près d’un tiers de chèvres), qui est en grande partie entre les mains des nomades, notamment dans le Zagros. Si le grand développement des cultures industrielles est ainsi déjà la marque d’une agriculture évoluée, parfois même exportatrice (coton, fruits), le déficit alimentaire en produits de base, cependant, est de plus en plus lourd. Les importations de céréales et de viande, tout aussi bien que de drogues (celles-ci provenant en partie, par contrebande, d’Afghanistan et de Turquie, mais surtout de plus en plus des pays industrialisés, d’Australie et de Nouvelle-Zélande) ne cessent de croître.

Autour des oasis de l’Iran central notamment et dans la grande vallée du Khurasan autour de Machad, le forage de puits d’eau profonds a permis à la bourgeoisie urbaine de développer des moyennes et grandes exploitations. Mais ces progrès restent limités aux régions où existent des nappes souterraines accessibles. Aussi de grands aménagements hydrauliques ont-ils été entrepris à partir des fleuves. L’électrification touche la quasi totalité des villes et des villages d’aujourd’hui.

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1.3 La vie urbaine et l’exploitation d’hydrocarbures

L’extension considérable des villes du golfe persique, Ahvaz et Abadan, est due essentiellement à la conjoncture économique du XXe siècle et au développement de l’exploitation pétrolière. Au nord du désert, une ligne de villes suit la route qui longe le piedmont de l’Elbourz, par Zandjan, Qazvin, Téhéran, Semnan, reliant les foyers urbains des bassins de l’Azerbaïdjan iranien (Tabriz, 1,1 millions d’habitants.) à ceux du Khurasan (Machhad, 2 millions d’hab.). C’est là que se sont presque toujours fixées les capitales du pays, notamment sous l’influence des dynasties turques ou mongoles qui ont régné sur l’Iran depuis le Moyen Age, ou de facteurs économiques et stratégiques, comme la liaison avec Europe dans les temps modernes.

La physionomie islamique traditionnelle de la cité, avec le quartier royal, le bazar à groupement corporatif, la grande mosquée, entouré par les quartiers de résidence au dessin désordonné et des rues a été profondément modifiée depuis l’avènement de Pahlavi en 1926. L’absence à peu près complète de bidonvilles dans les cités iraniennes témoignait de la lenteur relative de l’urbanisation avant les années 1970. L’exode rural, ainsi que la guerre irano-irakienne et la guerre en Afghanistan, puis en Irak ont introduit, à partir de la décennie de 1980, des perturbations considérables. Les villes du Khûzistân, Abadan, Khorramchahr, Ahvaz même, plus éloignée du front, ont été largement détruites ou abandonnées, et renaissent lentement. Un grand nombre de réfugiés se sont installés dans les grands centres les plus proches.

Téhéran, la capitale de l’Iran constitue un phénomène urbain caractérise par la cadence accélérée de sa croissance. Sa population passe de 210.000 habitants en 1922 à plus de 15 millions actuellement. Petite cité de 15.000 habitants lorsque la dynastie Qadjar en fit sa capitale à la fin du XVIIIe siècle pour se rapprocher de sa tribu d’origine et pour affronter le danger russe déjà perceptible au Nord-Ouest. La ville, géographiquement trop excentrique, n’assuma nettement les fonctions centralisatrices d’une capitale qu’avec la dynastie Pahlavi et, plus tard, de véritables bidonvilles se multiplièrent dans le secteur sud. La révolution islamique, en levant les interdictions de construction, s’est traduite par une prolifération anarchique d’habitats sommaires dans toutes les directions, tandis que l’afflux en provenance des campagnes n’a fait, semble-t-il, que s’accélérer. Les quartiers aérés et luxueux des classes dominantes se trouvent au Nord de Téhéran, tandis que le centre est aujourd’hui le cœur d’une immense agglomération où dominent les banlieues non structurées et parfois miséreuses.

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1.4 Le pétrole et le développement industriel

Les bases du développement contemporain de l’Iran ont été apportées par l’exploitation du pétrole, qui a commencé en 1908 dans le Khûzistân. Le centre de gravité de la production s’est progressivement déplacé vers le sud-est, mais plus de 95% du total est encore assuré par les gisements de cette province située sur le versant sud-ouest du Zagros, en lisière de la plaine mésopotamienne, et par les quelques gisements sous-marins qui prolongent ces structures sous les eaux du golfe persique D’autres petits gisements dispersés, notamment dans le centre et l’est du plateau, sont relativement négligeables, mais sont parfois associés à d’importants gisements de gaz. Les exportations, qui atteignaient déjà près de 10 millions de tonnes en 1939, s’étaient élevées à 31 en 1950, sous l’égide de l’Anglo-Iranian Oil Company, puis, après la crise de la première nationalisation, à 80 en 1964, et 189 en 1971, sous le régime d’un consortium international. Après la récupération définitive de la propriété de ses gisements par l’Iran en 1973, la production a approché les 300 millions de tonnes en 1974 (année du maximum), et s’est maintenue à plus de 250 millions de tonnes jusqu’à la révolution islamique de 1979.

Voici un ensemble d’installations importantes: la construction à Abadan de la plus puissante raffinerie du monde (d’une capacité de 21 millions de tonnes); l’aménagement d’un premier port pétrolier de brut à Bandar Chahpur, dans les alluvions du fond du Golfe; le transfert à partir de 1966 des exportations de brut dans l’île de Kharg, à 40 kilomètres de la côte dans le Golfe, reliée aux gisements par un oléoduc sous-marin et où a été construit un terminal gigantesque en eau profonde, accessible aux plus gros navires. Toutes ces installations s’exposent, en cas de conflit militaire, à des bombardements aisés aux conséquences économiques graves, à l’instar de ce qui s’est passé pendant la guerre irako-iranienne des années 1980.

Cette évolution a permis la mise en place d’un puissant complexe qui faisait de l’Iran le deuxième pays exportateur de pétrole dans le monde au cours des années 1970, jusqu’à la révolution islamique. A partir de 1979, puis à la suite de la guerre irano irakienne, le rythme annuel de production s’abaisse à moins de 100 millions de tonnes, chiffre plus compatible d’ailleurs avec Etat des réserves qui ne doivent pas dépasser 8 à 10 milliards de tonnes depuis la fin de cette guerre, la production a été néanmoins relevée à une moyenne de 170 millions de tonnes par an. En 2003, l’Iran annonce la découverte de réserves pétrolières, peut-être les plus importantes dans le monde, près du port de sud-ouest de Bushehr. Sans doute, les compagnies pétrolières déjà présentes dans le pays marqueront-elles un intérêt pour ces nouveaux champs pétroliers. Rappelons que ces compagnies sont Total français, Royal Dutch-Shell hollando-britannique, ENI italien, BP britannique, Stator norvégien et d’autres, notamment russes.

Les ressources financières apportées par l’exportation pétrolière, qui ont brusquement augmenté avec le quadruplement des prix en 1973-1974, ont été la source d’un développement général qui était devenu particulièrement rapide aux derniers temps des Pahlavi. Les ventes hydrocarbures à l’étranger correspondent à plus des quatre-cinquièmes du total des exportations et 8-10% du PNB annuel du pays. Ce qui n’indique pas une dépendance excessive par rapport à l’étranger. Depuis le début des années 2000, l’Iran négocie d’importants contrats de fourniture de gaz naturel avec le Japon, l’Inde, la Chine et la Turquie. C’est sans doute ce qui expliquerait que ces pays sont peu enclins à avoir une attitude négative à l’égard de l’Iran, encore que le Japon ait dû se retirer en partie du projet d’exploitation des champs de gaz Azedegan sous la pression de Washington en automne 2006.

De son côte, l’utilisation directe du pétrole comme source énergie par l’économie nationale, en dehors de sa valeur commerciale d’exportation, est également devenue le point de départ de tout un développement industriel, grâce à un réseau d’oléoducs et de gazoducs qui, mis en place progressivement, à partir des gisements du sud-ouest, dans les années 1960, irrigue aujourd’hui toutes les grandes villes du pays et se prolonge jusqu’à la frontière caucasienne de l’ex-URSS vers laquelle des exportations de gaz sont organisées. L’industrie iranienne naissante s’est ainsi profondément transformée au cours des phases successives de son développement pendant le dernier demi-siècle. La politique d’industrialisation systématique amorcée dans les années 1950 était basée sur la dispersion, dans de nombreux secteurs du pays, d’industries d’Etat destinées à assurer autant que possible la consommation nationale pour un certain nombre de produits courants, alimentaires et textiles notamment..

Le « guide », l’âyâtollâh Ali Khamenei a signé en juillet 2006 un « décret exécutif » qui prévoit la privatisation massive des entreprises étatiques sauf dans les secteurs bancaires et de hydrocarbures au sens restreint du terme. La privatisation se limiterait à 80% du capital de ces entreprises. Elle serait justifiée par la volonté « d’une meilleur développement économique, d’une justice sociale accrue et de l’élimination de la pauvreté » (sic ! 27 ans après la Révolution). En réalité, elle vise à faciliter l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce que souhaitent ardemment certains milieux du capitalisme local. Les deux exceptions mentionnées ne concernent que les entreprises d’exploitation directes, sans tenir compte des entreprises fournisseurs ou clientes qui peuvent être privatisées.

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2. Dimensions historiques, religieuses et politiques

Dans les paragraphes qui suivent, on rappellera brièvement la période de “colonisation” sous l’impact des grandes puissances qui se prolongea jusqu’en 1979. Puis, pour saisir la nature politique de cette République islamique et évaluer sa stabilité politique, il convient d’examiner ses fondements. Les questions se posent ainsi de savoir quels sont les fondements sociaux du nouveau régime ? Le régime instauré peut-il être qualifié de théocratique où est reconnue la primauté du pouvoir du jurisconsulte non élu démocratiquement ? et, en cas de réponse affirmative à cette dernière question, s’il s’avère totalement ou seulement partiellement théocratique ? Politiquement, la stabilité du régime est-elle suffisamment assurée et pérennisée pour faire face à des difficultés intérieures ou à des attaques venant de l’étranger ?

Dans cette perspective, on peut plus fondamentalement se demander s’il ne s’agit pas simplement d’un régime classique dualiste et bicéphale tel que le consulat romain, l’empire byzantin, certaines monarchies constitutionnelles ou le régime de “cohabitation” en France. Dans ce genre de régime, les pouvoirs législatif et exécutif peuvent être incarnés et institués dans des corps politiques dédoublés, égaux ou non, mais à légitimation distincte. L’expérience historique ne tend-elle pas à mettre en question la pérennité relative à moyen et long terme de ces régimes, comme c’est le cas de tout régime politique ? Reste enfin la question : sa capacité d’agir géostratégiquement n’est-elle pas faible, sans recourir en cas de guerre à une unification vigoureuse du pouvoir ?

Sans doute, convient-il d’être attentif au fait que de nouvelles classes sociales se sont formées depuis la révolution khomeyniste, il y a près de 30 ans. Parmi ces classes, certaines occuperaient des positions devenues dominantes: les enfants ou petits-enfants des révolutionnaires qui, religieux ou non, ont survécu aux répressions sanglantes, prennent le pouvoir. Les enfants en question ont fait leurs études dans les meilleures universités étrangères et représentent un pouvoir technocratique de tendance souvent néolibérale. Ces nouvelles couches sociales sont donc susceptibles de modifier des configurations politiques intérieures et des alliances recherchées à l’extérieur. S’y ajoute un phénomène important : alors qu’en 1980, l’analphabétisme masculin et féminin représentait respectivement 38,8 et 61,4%, il descend à 16,- et 29,5% en 2001. La féminisation de la vie socio-économique en résulte, ce qui tôt ou tard ne peut rester sans impact sur la société politique.

Depuis les élections du nouveau président en 2005, un phénomène nouveau fait son apparition. Les couches de la population qui participèrent effectivement à la guerre irako-iranienne et que les élites tentaient d’écarter du pouvoir, semblent accéder à certaines filières du pouvoir. Cette accession serait puissamment aidée par certaines composantes de forces armées variées. D’aucuns évoquent même une sorte de « coup Etat » que se serait réalisé au moment de ces élections Ca va de soi, les milieux d’affaires (les bazaaris) et d’autres élites se font beaucoup de soucis » à propos du président Ahmedinajed et font fuir leurs avoirs vers Dubaï. Par ailleurs, l’avènement du nouveau président fait ressortir l’éclatement croissant du pouvoir dans le pays et la diversification de la presse selon des clivages multiples. Le président réussit ainsi à renouveler fortement le personnel des ministères et d’autres institutions publiques. Les élections pour le « Conseil des experts » auront lieu en décembre 2006. Les résultats en indiqueront si les « néoconservateurs » du président gagnent du terrain ou non. Rappelons que c’est ce nouveau Conseil qui pourrait élire le prochain « guide », le chef d’Etat véritable.

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2.1 La “colonisation” des grandes puissances et le régime de Pahlavi

La situation géographique de l’Iran entre le Moyen-Orient et l’Inde d’une part, entre l’océan Indien et la Russie d’autre part a valu à ce pays, à partir de la fin du XVIIIe siècle d’être l’un des théâtres de la rivalité anglo-russe. La Russie tsariste souhaitait, à travers l’Iran, atteindre le golfe persique et l’océan Indien et contourner l’empire ottoman. L’empire britannique entendait protéger la route des Indes et interdire la réalisation des visées de l’empire russe. La rivalité et l’influence des deux grandes puissances ne firent dès lors que s’amplifier. A tour de rôle, Anglais et Russes obtinrent des concessions extraordinaires qui mirent pratiquement entre leurs mains toutes les ressources de l’Iran. La plus spectaculaire fut le contrôle par les Anglais de la recherche et de l’exploitation du pétrole en Iran du Sud et la création de l’Anglo-Persian Oil Company au début du XXe siècle. A cela s’ajoutaient la domination politique des Anglais sur le sud du pays, celle des Russes sur le nord, par un partage formel des zones d’influence en 1907.

En 1921, la conclusion d’un traité soviéto-iranien impose une série de dispositions : les Soviétiques renoncent aux avantages acquis autrefois par les gouvernements tsaristes, mais en échange se voient accorder un droit d’intervention armée en Iran, au cas où leur sécurité serait menacée par une intervention étrangère dans ce pays, et l’interdiction pour les Iraniens de concéder à des étrangers autres que soviétiques des concessions pétrolières dans les cinq provinces du nord. Sous le règne des Pahlavi à partir de 1925, l’Iran a subi des transformations profondes dans les domaines économique, administratif et culturel, mais, en même temps, le pays a été soumis à un étroit contrôle policier.

La constitution d’une armée forte, aux cadres privilégiés, visait à contrôler les provinces, à assurer la fermeté du régime et à décourager toute attaque venant de l’extérieur. Des projets socio-économiques furent confiés à des multinationales qui trouvèrent là une possibilité de profits, sans aucune considération pour le développement économique de l’Iran. Cependant, ces mesures ont contribué à déclencher un processus de modernisation du pays, mais en même temps elles entraînèrent l’opposition des milieux religieux et des grands propriétaires fonciers.

Avec ses voisins du Moyen-Orient, Téhéran entretint des relations amicales, concrétisées par la signature, en 1937, d’un pacte avec l’Afghanistan, l’Irak et la Turquie, par lequel les quatre Etats se garantissaient mutuellement leurs frontières et s’engageaient à se défendre solidairement contre toute attaque dirigée contre l’un d’eux. Avec l’URSS, les relations furent relativement calmes: un traité de neutralité et de garanties réciproques fut signé en 1927 et une compagnie mixte irano-soviétique créée pour l’exploitation des pêcheries sur la côte méridionale de la mer Caspienne. Les EUA n’avaient alors qu’une influence réduite; ils obtinrent néanmoins une concession d’exploitation pétrolière dans le nord-est de l’Iran.

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2.2 La modernisation réelle, mais hâtive du dernier chah

Après la guerre, la situation politique de l’Iran reste caractérisée par la soumission aux influences étrangères. De plus en plus présents en Iran, les EUA participent alors au développement des forces militaires et techniques. Contre le gouvernement, les anticommunistes, les militaires, les grands propriétaires et les clients comme les partisans des Anglo-américains s’allient et une dictature militaire s’institue. Soutenue par Washington, la dictature conclut avec un consortium international un accord pour vingt-cinq ans sur l’exploitation du pétrole iranien. Peu après, l’Iran adhéra en 1955 au pacte de Bagdad dont faisaient également partie la Turquie, l’Irak, le Pakistan et la Grande-Bretagne. Cependant, grâce au dégel russo-américain, un accord est signé en 1954, portant sur le règlement des dettes de guerre de l’URSS envers l’Iran et sur la délimitation des frontières russo-iraniennes. Moscou apporta une contribution importante à la construction de la voie ferrée Téhéran-Caspienne, signa un accord pétrolier et participa à la construction d’une vaste aciérie à Ispahan. Les bons rapports avec l’Union soviétique furent aussi concrétisés par la construction du gazoduc transiranien qui permit la livraison annuelle aux Soviétiques de 17 millions de mètres cubes de gaz dès 1970.

Le lancement de la «révolution blanche» en janvier 1962 avait été pour le pays un acte de modernisation destiné à améliorer le sort de la population rurale qui constituait la grande majorité des Iraniens. Toutefois, la réforme agraire avait fait des mécontents parmi les grands propriétaires fonciers, laïcs et religieux. La volonté de puissance montrée par la monarchie se manifesta sur le plan militaire par la constitution, avec l’aide des EUA, d’une armée suréquipée qui devint rapidement l’une des premières du monde; elle lui permit d’affirmer les prétentions iraniennes dans la région du Golfe, vitale pour l’exportation du pétrole iranien; en même temps l’Iran établit des relations plus étroites avec l’Arabie Saoudite et le Koweït. Mais, les troupes iraniennes en 1971 occupèrent trois îlots du golfe persique qui étaient susceptibles de bloquer le détroit de Hormoz (ou Ormuz).

Parallèlement, une vague d’occidentalisation déferla sur le pays, une occidentalisation qui ne visait qu’à satisfaire des appétits matériels de certains et nullement des besoins primordiaux et plus profonds; l’accaparement de la fortune par quelques privilégiés, malgré une augmentation incontestable du revenu moyen des Iraniens, la dilapidation des richesses dans des investissements trop nombreux, trop souvent mal adaptés, le renchérissement du coût de la vie, tout cela entraîna un mécontentement grandissant; s’y ajouta l’exode de nombreux paysans vers les villes où ils espéraient trouver un emploi et de meilleures conditions d’existence.

L’Iran commence à connaître des difficultés économiques et techniques. Cette situation favorisa l’action des opposants au régime. les manifestations contestataires se multiplièrent et, pour la première fois, les commerçants du grand bazar de Téhéran (les bazaaris) s’y joignirent pour protester à la fois contre la situation économique, les actions policières et la dégradation de la moralité: cet apparent amalgame était en fait la marque du poids grandissant des milieux religieux qui protestaient contre la modernisation et l’occidentalisation effrénées du pays, contre la corruption, contre la part trop belle faite aux intérêts étrangers dans l’économie nationale. En 1979, les khomeynistes s’imposèrent ainsi aisément et en peu de temps contrôlèrent étroitement la vie politique, tandis que des tribunaux islamiques commençaient à juger et à faire exécuter de façon expéditive des personnalités civiles et, surtout, militaires de l’ancien régime ou des milieux de gauche. Un référendum approuva à 98% des votants l’institution de la République islamique, mais les abstentions furent nombreuses parmi les Kurdes, les Turkmènes, les milieux de gauche et les classes moyennes.

Les rapports avec les EUA sont tendus, les relations diplomatiques avec Israël rompues; en revanche, l’Organisation de Libération de la Palestine est reconnue et Yasser Arafat reçoit à Téhéran un accueil enthousiaste. Le gouvernement iranien met fin à l’activité du consortium pétrolier international et entend gérer lui-même l’exploitation et l’exportation de son pétrole Sont nationalisées les banques, les compagnies d’assurances et les principales sociétés industrielles.

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2.3 Le clergé traditionnel et le modernisme inspiré par l’Occident

Au début du 20e siècle, la profonde influence des réformateurs plus ou moins marqués par l’idéal laïc importé d’Occident était une menace pour certains religieux. Tantôt par opportunisme, tantôt par conviction, ou bien entraînés par les soulèvements populaires, des clercs ont joué un rôle décisif dans la préparation et le succès de la Révolution constitutionnelle de 1906-1909. Contrairement aux ulémas sunnites, qui dépendent généralement de Etat, les ulémas chiites (voir Annexe) étaient financièrement indépendants, dotés de fondations pieuses ou entretenus par la taxe versée directement par les fidèles. La Constitution de 1906, qui donnait des droits au peuple, précisait que le pouvoir du Parlement est soumis au droit de veto de cinq ulémas choisis par les mojtahed pour contrôler la conformité à l’islam des lois votées. Pour fonder une nouvelle dynastie et sauver l’Iran du chaos, le nouveau chef Etat avait commencé par s’allier aux ulémas en leur donnant une garantie morale d’attachement à l’Islam.

Mais, dès la fin des années 1920, les mesures de laïcisation, parfois imitées du modèle kémaliste turc, soulevèrent l’indignation du clergé, désormais réduit au silence politique: étatisation de l’enseignement, de la justice, de l’enregistrement des actes notariés, des fondations pieuses; uniformisation du vêtement; conscription obligatoire (sauf pour les étudiants en théologie officiellement reconnus), etc. La colère fut à son comble, notamment dans les villes religieuses de Mashhad et de Qom, lorsqu’un décret interdit aux femmes de se voiler en public et que la police se mit à leur arracher dans la rue le tchador traditionnel en 1936. Une répression sanglante vint à bout des émeutes.

Le repli des ulémas devant les doctrines laïques envahissantes pouvait faire croire à un début d’éradication du shiisme. D’une part, il est vrai, on voyait triompher, dans les sphères du pouvoir et chez les intellectuels, une philosophie rationaliste et humaniste porteuse d’un projet de démocratie. D’autre part, à l’intérieur même des centres théologiques, le clergé était tenté par un compromis moderniste. Certains profitaient aussi du silence obligé du haut clergé pour critiquer fortement la dégradation des dogmes religieux en superstitions, le monothéisme islamique lézardé par la divinisation des Imams, le culte de leurs mausolées, et de nombreuses croyances eschatologiques inutiles qui servaient, en réalité, à entretenir une véritable classe cléricale parasite. Enfin est resté le rêve d’un islam militant intégriste comme une réponse possible au laïcisme imposé par l’oligarchie régnante. Cependant, quelques ulémas apportèrent leur concours à la lutte contre tel ou tel aspect de la vie politique, mais se heurtèrent à l’opposition du chef spirituel de la communauté chiite, l’âyâtollâh Borujerdi (voir Annexe). Ce n’est qu’après la mort de celui-ci, en l’absence d’un consensus pour le choix d’un successeur unique, que la communauté chiite put s’opposer de front au pouvoir, ce qui aboutit finalement à la révolution islamique de Khomeyni.

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2.4 Khomeyni et la forte politisation du shiisme

Si, dans ses premières œuvres, Khomeyni n’étendit pas la théorie juridique chiite à la sphère du politique, il n’était pas moins proche. Après avoir été, jusqu’en 1950 environ, professeur de mystique et de philosophie à Qom, il quitta cette chaire pour celle de droit islamique et unit l’inspiration mystique de ses débuts à la rigueur du juridisme. Il acquit alors un certain ascendant sur le jeune clergé de Qom. Entre 1962 et 1979, l’exil lui permit de radicaliser ses positions. Il dénia toute légitimité à un souverain héréditaire ou au suffrage universel. Pour la première fois dans le chiisme, un théologien revendiquait l’intégrité du pouvoir légitime pour les ulémas, reconnus héritiers et transmetteurs de la tradition du XIIe Imam en attendant son retour à la fin des temps. Cette théorie sera incluse explicitement dans la Constitution de la République islamique d’Iran de 1979, malgré certaines incompatibilités avec des principes démocratiques qui y sont également reconnus.

Certes, dans l’attente de la parousie de “l’imam caché”, toute forme de gouvernement serait nécessairement imparfaite. Les croyants doivent se conformer, pour guider leurs actes et leurs décisions, aux avis des ulémas reconnus les plus justes et les plus compétents et qui sont considérés comme des “sources d’imitation”. Se fondant sur une conception offensive de l’imamat, Khomeyni et ses partisans ont, unilatéralement, prôné un gouvernement dirigé par les clercs dont, en l’absence de “l’imam caché”, le théologien le plus juste et le plus vertueux doit être le “guide”. La Constitution de la République islamique a entériné cette interprétation. Dans la nouvelle République d’Iran, la gestion et la guidance de la communauté sont confiées à un docteur du dogme juste, vertueux, conscient de son temps, courageux, qui possède l’autorité et l’expérience, accepté comme guide par la majorité du peuple. Ce caractère théocratique du pouvoir explique, mais certes ne pardonne point, la tendance forte du régime à la répression parfois brutale !

Cette conception maximaliste de la souveraineté du docte a été un point majeur de litige au sein des appareils dirigeants depuis l’instauration du régime islamique. Plusieurs grands âyâtollâhs s’opposèrent à cette forme de théocratie constitutionnelle. Etroitement tributaires de la personnalité charismatique et des théories de Khomeyni, les prérogatives de ce système seront sensiblement restreintes en 1989 quand disparut celui qui avait promu une telle conception du pouvoir. Il n’empêche que, chose remarquable, la population devient, dans son ensemble, la population musulmane la moins religieuse dans l’Islam. Sans doute, le clergé fort intransigeant a-t-il contribué à cette situation. Il n’en demeure pas moins que le clergé chiite garde des positions privilégiées grâce au régime tant sur le plan politique et culturel, que socio-économique. Il serait constitué de quelque 200.000 mullahs dont 1500 âyâtollâhs, sortes d’évêques. Parmi ces derniers, il existe 10 à 15 grands âyâtollâhs dont l’un peut être élu/désigné comme “guide”. Il existe aussi au moins quatre grands âyâtollâhs en Irak.

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2.5 Evolution politique et socio-économique après la révolution 1979

Malgré la répression persistante, le pays est plus démocratique qu’avant 1979. Son développement économique s’avère d’abord non négligeable au niveau individuel et notable sur le plan collectif. Du point de vue institutionnel, il tente pour la première fois une synthèse entre la démocratie et l’Islam. En dépit du foulard, la libération de la femme est réelle par rapport aux structures féodale et patriarcale prédominantes avant 1979. La situation économique, assez profondément bouleversée, se détériore depuis les années 1990 et pose des problèmes que le gouvernement ne réussit pas à résoudre. Encore qu’aux moments de catastrophes naturelles fréquentes ou en cas de guerre, on est frappé par l’excellence et la rapidité des mesures de sauvetage ou de défense.

Estimant la situation favorable, le président irakien, Saddam Hussein, lança ses troupes à l’attaque de l’Iran en 1980 en vue de reconquérir les territoires cédés en 1975 et surtout de provoquer la chute du régime iranien dont la propagande anti-baasiste en direction de l’importante population chiite d’Irak pouvait constituer une menace. La chute du régime était le souhait de Washington et de ses alliés, notamment arabes, ainsi que celui de Moscou. Ils apportèrent dès lors leurs aides et soutiens diplomatiques à Hussein. Par contre, la guerre eut comme conséquence le rassemblement des Iraniens autour du régime de Khomeyni qui repousse toute tentative de médiation. La propagande anti-baasiste des Iraniens ne reçut pas d’écho en Irak où la population, y compris les chiites, se regroupa autour de Saddam Hussein.

A Téhéran, les clans s’affrontent de plus en plus nettement: c’est la lutte, entre autres, pour le pouvoir entre "radicaux" de Montazeri et "modérés" de Rafsandjani. Les premiers veulent la poursuite de la guerre jusqu’à la défaite totale de Saddam Hussein qui représente à la fois le laïcisme, le nationalisme arabe et la compromission avec des gouvernements étrangers; les seconds, sans être ouvertement pour la paix, constatent la situation catastrophique de l’économie du pays et de la condition des habitants, notamment dans les villes où sévissent chômage et marche noir. Finalement, en 1988, l’Iran accepte l’arrêt des combats. Le nombre de victimes du côte iranien correspond à 450.000 personnes dont 200.000 tués et 250.000 blessés graves.

L’Iran se trouve dans une situation économique difficile. Malgré le pétrole les conditions de vie sont pénibles pour une grande partie de la population, conséquence notamment de la fuite des capitaux, des cerveaux, des techniciens mais aussi, d’une absence de planification efficace. Alors qu’une des idées-forces du mouvement révolutionnaire était la restauration de l’indépendance et de l’autosuffisance économiques, notamment dans le domaine agricole, le pays doit importer de nombreux produits de première nécessité. La différence accrue des revenus et des fortunes n’ont qu’accentué la paupérisation et les difficultés quotidiennes et ont engendré une profonde vague de mécontentement La population a également augmenté sous l’effet des migrations des réfugiés. Des Kurdes sont venus d’Irak, mais surtout quelque 2 millions d’Afghans. On compte aujourd’hui environ 2,5 millions d’étrangers sur le sol iranien. Certains centres de pouvoir souhaitent lancer un processus de privatisation massive dans le pays, sans doute en faveur des intérêts économiques de ces centres mêmes.

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2.6 La structuration sociale et politique du régime khomeyniste

Plusieurs traits ont caractérisé l’économie révolutionnaire. D’une part, il y a le rôle croissant des fondations religieuses et paraétatiques. Ces fondations religieuses et paraétatiques sont largement financées par l’Etat. Les Gardiens de la Révolution disposent d’une importante organisation économique, à qui, notamment, le président actuel attribue des fonds considérables pour la construction de gazoducs. La distribution des postes de commande dans l’administration et dans l’économie nationalisée serait devenue la manière de financer tels ou tels groupes ou personnalités politiques. Ainsi s’établit un système de corruption étendu. D’autre part, la réforme agraire, projetée dès le début de la révolution et débattue des années durant, a échoué et par voie de conséquence les structures sociales n’ont pas pu se moderniser. La loi de 1986 rappelle en fait le caractère sacré de la propriété privée en Islam, n’impose aucune limite à la taille des domaines, ne prévoit la redistribution foncière que dans quelques cas particuliers: terres confisquées à des collaborateurs de l’ancien régime, à des émigrés qui ne sont pas venus réclamer leur bien. Elle entérine, par ailleurs, les quelques confiscations et redistributions effectuées par les organisations révolutionnaires au tout début des années 1980.

Finalement, la façon assez corrompue de diriger Etat comme l’absence de réforme agraire favorisent, sans conteste, certaines anciennes et nouvelles classes dominantes. Une politique de privatisation est menée à partir de 1990 et donne une base socio-économique solide à une nouvelle classe de capitalistes, issue des révolutionnaires “khomeynistes”. Certains “conservateurs” revendiquent désormais “la privatisation comme moyen de la justice sociale”, face aux “réformistes” qui “ne font rien”, mais s’opposent à toute réforme politique de fond. On est loin aujourd’hui de l’enthousiasme populaire des années 1978 et 1979. En 1979, les marchands de bazar, certains religieux et les étudiants soutenus par quelques milieux libéraux ont été à l’origine de la révolution, alors qu’aujourd’hui, les premiers soutiennent l’aile modérée et affairiste des religieux, les autres religieux continuent à s’appuyer sur les masses urbaines pauvres.

Les milieux universitaires se sont révoltés, puis ont été durement réprimés, notamment en 1999 et 2003. Cependant, il n’est pas sans importance de remarquer que les gestionnaires de 90% de la presse et plus de moitié des universitaires seraient des femmes qui ne manqueront pas d’exercer une pression croissante sur certains aspects du régime. Plus de 15 millions d’Iraniens auraient déjà accès à l’Internet et bien plus nombreux captent des émissions de radios étrangères. En 2004, les élections parlementaires révèlent, une fois de plus, les contradictions du régime. Le taux de participation électorale continue à diminuer et n’atteint que la moitié des électeurs, ce qui semble faire montre d’une défiance à égard des uns et des autres. Depuis le printemps 2004, on observe, à nouveau, un durcissement du régime, contre les femmes “trop libres” et la presse trop démocratique. D’autres groupes s’agitent aussi : la fraction rigide du clergé, une partie de droite et une autre de gauche des Gardiens de la Révolution et les soufis que ces derniers combattent, etc.

Depuis le début 2006, des manifestations de minorités semblent se multiplier. Des informations peu souvent confirmées citent celles
a) des Kurdes à l’Ouest,
b) des Azéris de religion chiite au Nord-Ouest,
c) des Arabes ( ?) au Sud-Ouest,
d) des Baloutches au Sud-est vers la frontière irano-pakistanaise, le Pakistan ayant une minorité Baloutche considérable.
La plupart de ces peuples minoritaires disposent des bureaux en Europe ou aux EUA. Ces bureaux hébergent des dirigeants d’opposition, pas toujours très représentatifs. L’Iran reproche fréquemment à Washington de susciter ces troubles, ce qui, selon moi, pourrait s’avérer parfaitement possible. La conséquence n’en que la répression des autorités. Des Azéris iraniens sont choyés par Téhéran en raison de leur religion et de la proximité de l’Azerbaïdjan. Jusqu’à l’avènement de Etat kurde quasi indépendant en Irak, les Kurdes d’Iran sont apparus comme disposant d’un statut privilégié. Mais, à présent, leurs revendications peuvent être alimentées par comparaison. Il en serait de même des Arabes iraniens.

Deux publications belges, L’Info CSC du 31.8.2007 comme le Syndicaliste du 10.9.2007 fait état d’emprisonnements des syndicalistes des chauffeurs de bus de Téhéran. Le syndicalisme n’est pas interdit en Iran mais il n’existe officiellement qu’un syndicat d’Etat. Dès qu’un autre syndicat, indépendant celui-là, tente d’émerger, il subit des pressions et des menaces, voire des emprisonnements. Comme tout régime de droite, celui de Téhéran réprime les syndicalistes car leurs actions pèsent inévitablement sur le profit des puissances oligarchiques du pays.

Plus que sur l’orientation politique du pays, les affrontements entre les différents tenants du pouvoir portent, selon moi, sur l’équilibre des pouvoirs entre les institutions dualistes du régime, impliquent des déplacements constants du pouvoir et contribuent à un enchevêtrement des institutions. L’ensemble de ces caractéristiques induisent une fluctuation tenace des clivages au sein du pouvoir ce qui risque de fragiliser sérieusement le régime, notamment dans certaines circonstances. On ne peut jamais exclure des interventions, directes ou indirectes, de l’étranger ou des troubles de nature socio-économique. Indiscutablement, les tenants du pouvoir feront tout pour le maintien du régime qui leur est si favorable.

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3. Dimensions internationale

Malgré un contexte difficile, l’Iran conserve cependant intacts les atouts qui l’appellent à s’affirmer comme la grande puissance de la région: une population nombreuse et dotée d’un honorable niveau d’instruction; des ressources surtout énergétiques, mais également agricoles et industrielles diversifiées; des frontières relativement stables qui ne sont plus remises en cause par des revendications ethniques depuis le début du XXe siècle; une situation géostratégique clef à la charnière entre le Moyen-Orient arabe et l’Asie centrale, région sur laquelle l’Iran, en raison de son histoire, peut exercer une forte attraction.

Néanmoins, il est entouré de pays tels que l’Inde, le Pakistan et Israël qui disposent d’armes nucléaires, sans compter les grandes puissances qui marquent un intérêt évident pour ce pays, dont les EUA qui tentent de l’encercler. L’Iran et l’Irak sont par ailleurs le deuxième et le troisième plus grand producteurs d’hydrocarbures du Moyen-Orient et les EUA comme la Chine manquent structurellement de pétrole. Parmi les douze points stratégiques délicats dans le monde, l’Iran en comprend deux : le détroit d’Hormoz/Ormuz et trois îles dans le golfe Persique.

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3.1 Relations extérieures et position internationale

Depuis 1995, les EUA imposent unilatéralement des sanctions économiques. Néanmoins, la même année, la Turquie signe avec l’Iran un important contrat d’importation de gaz iranien d’une durée de 22 ans et le groupe français Total profite de l’absence forcée des compagnies américaines pour obtenir un contrat d’exploitation pétrolière Dans ces deux cas les choses se passent en dépit des menaces américaines à l’encontre des pays qui effectueraient des investissements massifs en Iran. L’efficacité du boycott/embargo des EUA à l’égard de l’Iran me semble avoir des limites très claires :
1. Plus d’un tiers de l’économie est sous le contrôle des Gardes révolutionnaires : cela concerne entre autres les secteurs du pétrole, de l’automobile et de la construction, avec gestion surtout sur le plan national ou local (sauf l’essence).
2. Le commerce extérieur se pratique désormais en euros. Bien que quelques dizaines de banques qui ont des intérêts majeurs aux EUA ont quitté ce pays, la majorité des grandes banques internationales non américaines reste installée en Iran.
3. L’industrie d’armements militaires s’appuie sur les forces locales et s’approvisionne en Russie, en Chine et en Corée.
4. Le commerce extérieur s’effectue principalement avec ces derniers pays, ainsi qu’avec l’UE et les Emirats Arabes Unis, Dubaï en constituant la plaque tournante.
Il reste qu’en cas d’attaques militaires américaines contre l’Iran, les dégâts pourraient être importants.


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Carte 18. L’Iran dans son contexte régional

En 1990, les relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne sont rétablies. Peu de temps après, la France et la RFA en font de même. La même année, l’UE lève les sanctions contre Téhéran. L’Iran et l’Arabie Saoudite rétablissent aussi leurs relations diplomatiques entre eux. Au cours de la première guerre contre l’Irak, l’Iran est opposé à l’intervention occidentale, qui représente à ses yeux une attaque des infidèles contre les musulmans. En 1996, le président Clinton signe la loi D’Amato-Kennedy, qui prévoit la possibilité d’imposer des sanctions, sur le territoire américain, à toute société qui investirait massivement en Iran, pays considéré comme un soutien du terrorisme international.

Les pays européens protestent en 1997 et l’UE suspend le dialogue avec l’Iran, puis quelques mois plus tard rétablit ses relations avec l’Iran et la compagnie pétrolière française Total, aux côtés de deux autres sociétés étrangères, signe avec la National Iranian Oil Company un contrat portant sur l’exploitation d’un important gisement de gaz situé dans le golfe Persique. Le pays rétablit des relations diplomatiques, voire amicales avec une série de pays arabes tels que la Syrie, la Jordanie et l’Egypte, ainsi qu’avec la Turquie. En 2003, Renault annonce qu’il va investir dans le pays. Le régime chiite iranien soutient l’opposition aux Talibans sunnites, ce soutien le faisant, d’une certaine façon, complice de Washington. Le gouvernement iranien d’alors se distancie du “guide” dans l’affaire de l’écrivain Salman Rushdie qui a été condamné à mort par les autorités religieuses du pays. Londres annonce aussitôt la normalisation complète de ses relations avec Téhéran.

Depuis la première moitie des années 1990, la Russie est le fournisseur le plus important du pays en matière d’armements modernes et complexes, dont les fusées balistiques à portée de 1 300 kilomètres livrées en 2003. Par ailleurs, la Russie construit une centrale nucléaire à Bushehr au golfe Persique et maintient des liens de coopération, notamment militaires, avec l’Iran. Pendant la deuxième moitié des années 1990, Washington développe, voire maintient des liens avec Téhéran, mais au moment de l’avènement de l’administration de Bush II, le climat diplomatique se détériore entre les deux pays d’abord, puis plus récemment connaît un nouveau renversement d’orientation. Dans l’optique de l’adhésion à terme de la Turquie à l’UE, l’Iran aurait, selon la vision de Téhéran, des frontières communes avec celle-ci, ce qui signifie avoir une puissance forte à sa porte et un allié d’Israël.

Cependant, l’Iran n’aurait, jusqu’à un certain point, pas beaucoup de choix. Il était opposé au régime baasiste en Irak et à celui des Talibans en Afghanistan. Or, c’est précisément ce que les Iraniens appellent le “Grand Satan”, les EUA qui ont renversé les deux régimes. Le maximum que l’Iran puisse souhaiter c’est une certaine stabilité dans les deux pays, tout en utilisant les moyens indirects afin de maintenir une certaine pression sur Washington. Certes, il maintient ses efforts intenses d’armement, notamment en matière de missiles balistiques de toutes catégories, mais il se sait encerclé par les EUA. Depuis 2002, la propagande radiophonique des EUA s’intensifie vers l’Iran et influence certains milieux dans le pays, notamment universitaires.

Toutefois, le risque serait faible de voir les EUA envahir l’Iran. Il suffit d’observer son importante superficie, sa population non négligeable et sa capacité idéologique et militaire de se défendre. Au pis, un bombardement américain ou, peut-être plus vraisemblable, israélien de ses centres industriels, ses centrales nucléaires et ses infrastructures balistiques ne sauraient être exclus. Cependant, l’Iran pourrait y répondre par une certaine mobilisation de chiites de l’Afghanistan et, éventuellement, de l’Irak, ainsi que ceux de Palestine, ce qui sans doute serait bien gênant pour les EUA, déjà en difficultés majeures dans les deux pays en question, voire pour Israël. Les rumeurs se multiplient avec la fin de l’administration de Bush II. Entre autres, le président américain souhaiterait "terminer le boulot" au Proche et Moyen Orient. "Terminer le boulot" signifierait détruire la capacité de l'Irak, de l'Iran et de la Syrie d'apporter un soutien aux Palestiniens et au Hezbollah au sud du Liban contre l'agression israélienne. Avec l'Irak et l'Iran dans la difficulté, Israël pourrait dérober le reste de la Cisjordanie avec les ressources aquifères du sud-Liban. Serait-ce qu'est vraiment le début de la fin de la "guerre contre la terreur" ? En tous cas, je n’ai jamais exclu l’hypothèse d’une agression américaine contre l’Iran dans le présent contexte électoral ou en fonction d’une difficulté majeure dans la politique intérieure de Washington.

En tous cas, l’Iran n’a cependant pas arrêté l’approvisionnement en pétrole de l’Afghanistan et, aux frontières communes avec celui-ci et le Pakistan, n’a pas hésité à coopérer avec les forces américaines pour démanteler des contrebandes de drogues. L’Iran continue à approvisionner l’Irak occupé par les EUA. Il ne chercherait pas jusqu’ici à inciter les chiites irakiens à s’opposer à ces derniers et ferait tout pour que les rivalités entre les Chiites d’Irak s’apaisent. Par rapport à l’affaire irakienne, Téhéran s’avère une fois de plus divisé ou mène une diplomatie diablement subtile. D’une part, il soutient des radicaux chiites irakiens, mais s’incline devant l’autorité du grand âyâtollâh Ali al-Sistani irakien. D’autre part, il continue à dénoncer Washington et à profiter de l’affaiblissement de la position de ce dernier en Afghanistan et surtout en Irak, mais négocie discrètement avec l’administration de Bush II. Enfin, la frontière maritime entre Irak et Iran n’est pas encore fixée et continuera à poser un problème de la « bouche de Shatt al Arab » dans le Golfe persique.

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3.2 Autres données de la situation actuelle

L’Inde représente un partenaire commercial et militaire d’importance. Elle importe massivement du pétrole iranien et ses entreprises construisent des autoroutes et des gazoducs en Iran. Dès les années 1980, l’Iran mène des négociations avec le Pakistan, probablement en matière de coopération nucléaire. L’établissement d’une liaison d’oléoduc et de gazoducs entre l’Iran d’une part, et l’Inde et le Pakistan d’autre part serait souhaité par tous. Il n’empêche qu’elle établit difficilement par manque de stabilité dans la région. Une liaison terrestre serait économiquement acceptable, mais elle dépend des relations indo-pakistanaise, historiquement tumultueuses. Une alternative serait d’en construire par voie sous-marine, mais économiquement elle s’avère peu praticable.

Le Japon signe, en février 2004, un accord substantiel de développement de l’immense champ pétrolifère d’Azedegan, au sud de l’Iran et lui assurera 4 à 6% de son approvisionnement annuel. La Chine aussi devient active dans sa politique de rapprochement avec l’Iran depuis plusieurs années et lui livre de l’uranium en grande quantité. La Chine annonce en mai 2005 qu’elle a conclu une série d’accords avec l’Iran en matière de fourniture énergétique. D’une part, elle achètera chaque année 10 millions de tonnes de gaz liquéfié pendant 25 ans. D’autre part, elle participera à l’exploitation du champ pétrolier de Yadaravan, au sud-Ouest de l’Iran. Enfin, les conversations continuent entre les deux pays sur l’opportunité de construire un oléoduc de l’Iran à la Chine, via l’Inde et le Pakistan ou encore via l’Asie centrale.

Depuis que la question kurde est par ailleurs posée dans la région, trois pays concernés, l’Iran, la Turquie et la Syrie se consultent intensément et au-delà de tout conflit entre eux, en dépit du mécontentement des grandes puissances et, pour le moment, sans l’Irak. De leur côté, les trois pays de la Caucasie méridionale constituent une zone de protection pour l’Iran face à son envahisseur séculaire, mais présentement une alliée: la Russie. L’Arménie ferait même partie d’un axe Moscou-Erevan-Téhéran face aux EUA et à l’Azerbaïdjan. Ce dernier s’avère un concurrent pétrolier local et un risque « d’irrédentisme » en raison de minorités Azéris au nord de l’Iran. Afin de déstabiliser la région et notamment ces pays, et de renforcer leur position par rapport à l’UE et à la Russie, les EUA pourraient prendre l’initiative de la création d’un Kurdistan plus ou moins autonome et créer ainsi, outre la Palestine, une nouvelle région de conflits à intensité faible.

Les relations turco-iraniennes sont empreintes de proximité en matière économique (fourniture massive de gaz naturel) et de conflictualité en termes d’alliances jusqu’ici divergentes. En ce qui concerne la sécurité du golfe Persique, le Conseil de coopération de six pays du golfe tente, depuis une rencontre en juin 2004, de renforcer entre eux leurs liens et envisagerait même une collaboration avec l’OTAN. Les choses ne sont cependant guère simples. Ces pays veulent bien entendu incorporer l’Iran dans un système de sécurité régionale, ce que les EUA abhorrent. Tandis que ces derniers souhaitent dans le cadre de leurs projets méditerranéens consolider leurs relations avec Israël et contenir l’Iran, à quoi s’opposent évidemment les pays du Golfe.

Avec les accords conclus entre Iran et Russie à fin février 2006, il est intéressant d’observer qu’une alliance s’esquisse entre l’Iran, la Turquie et la Russie. Les accords concerneraient
 l’établissement d’un corridor énergétique nord-sud entre les deux pays ;
 des ventes iraniennes d’automobiles à la Russie, tandis que cette dernière fournirait, en contrepartie, des avions à l’Iran.
On ne voit pas clairement en quoi pourrait bien consister le corridor en question. En tous cas, les deux pays n’ont pas de frontières terrestres communes et on ne peut songer qu’à la mer Caspienne ou à une entente avec Azerbaïdjan par lesquels ils pourraient éventuellement communiquer. Certes, il serait possible de mettre en place des gazoducs ou oléoduc à travers le Turkménistan et le Kazakhstan, mais cela me paraît un peu risqué. Il en est du même en ce qui concerne les contacts entre l’Iran et l’Arabie saoudite qui font apparaître des intérêts communs, ne fût ce qu’en matières énergétiques. De plus, leur entente est complète pour condamner la prolifération nucléaire en faveur d’Israël acceptée par les EUA. L’Iran reste concerné par la problématique du partage des eaux de la mer Caspienne.

Par rapport à la pénétration américaine au centre de l’Asie, quatre pays ont un intérêt stratégique commun d’opposition : la Chine, l’Inde, l’Iran et bien entendu la Russie. Par rapport à toutes ces évolutions, et d’après moi, la seule question de fond se pose, pour l’Iran, en termes de politique intérieure. Qui mènent et contrôlent ces discussions: les soi-disant modérés religieux conservateurs ou le gouvernement ou encore d’autres centres de pouvoir ? Téhéran a-t-il conscience de la méfiance que provoquent ses structures de pouvoir peu stables et peu transparentes ?

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3.3 L’enjeu d’hydrocarbures et d’industrie nucléaire

Du côté de l’enjeu d’hydrocarbures, il convient d’observer la stratégie de l’Iran par rapport aux grands pays importateurs de ces matières primordiales:

1. jusqu’ici, c’est le Japon qui occupe la première place dans les exportations iraniennes; d’où le souhait de l’Iran de les réduire, ne fût ce qu’en termes de parts de marchés afin d’en éviter une dépendance excessive; la Turquie bénéficie aussi du pétrole iranien par la voie d’un oléoduc d’une dimension non-négligable;
2. la Chine serait toute prête à se substituer au Japon afin de diminuer sa propre dépendance énergétique des grandes puissances; répondant positivement à ce souhait, Téhéran a, en octobre 2004, conclu une série d’accords à long terme avec Beijing qui concerne (i) fourniture du gaz liquéfie, (ii) construction par la Chine à moyen terme d’une usine de liquéfaction dans le port iranien de Bandar-Abbas, (iii) fourniture du pétrole à partir du champs pétrolier Jadaravan dès que l’exploitation en est lancée d’ici 2010-12; sans doute, la Chine mettrait, en contrepartie, son veto à toute condamnation de l’Iran au Conseil de sécurité de l’Onu en matière de prolifération nucléaire, si cette condamnation est éventuellement suscitée par les EUA; les relations entre Moscou et Beijing ne rassurent guère ce dernier quant à la pérennité des fournitures énergétiques russes et à la construction d’une bifurcation d’oléoduc vers le territoire chinois;
3. l’Inde et l’Iran projettent la construction d’un gazoduc entre les deux pays; il était question d’une conduite sous la mer ou à travers le Pakistan; l’un constitue un risque technologique, alors que l’autre rencontre des obstacles que peut représenter le Pakistan en tant que tel, bien que les relations entre New Delhi et Islamabad se soient nettement améliorées ces derniers mois;
4. enfin, paradoxalement, la société américaine Halliburton qui serait fort proche du vice-président américain Cheney, obtient en janvier 2005 un contrat d’exploitation d’un champ gazier en Iran, malgré l’embargo américain contre ce dernier.

A mentionner dans ce contexte que, depuis le début des années 2000, Téhéran passe progressivement de l’usage du dollar à celui de l’euro dans ses transactions internationales. Il s’agit autant des ventes d’hydrocarbures que des réserves monétaires internationales.

Quant à l’industrie nucléaire, la première livraison russe de carburant nucléaire pour Bushehr sous la surveillance de l’Agence Internationale à l’Energie Atomique est arrivée à Téhéran en décembre 2007. Après usage, le carburant sera restitué à la Russie en vue de recyclage. La coopération russo-iranienne ne s’arrête pas à l’énergie nucléaire. L’Iran est un interlocuteur d’importance cruciale pour la Russie dans le secteur de l’énergie. Le règlement de Bushehr est un préalable nécessaire pour que la confiance mutuelle, essentielle à une coopération russo-iranienne, devienne réalité. Evidemment, Moscou se positionne sur la scène énergétique : l’entrée de l’Iran en tant que pays exportateur de gaz l’intéresse.

L’Iran est véritablement un partenaire énergétique important pour la Russie, et ce, pour de multiples raisons. Les compagnies pétrolières russes, qui disposent de liquidités, veulent procéder à des acquisitions, notamment à l’étranger. Le secteur iranien de pétrole et de gaz et les entreprises énergétiques iraniennes, telles que les projets d’oléoducs, offrent une possibilité pour ces acquisitions. La situation géographique de l’Iran est idéale comme débouché d’exportation pour les exportations énergétiques russes en expansion, et particulièrement son industrie du « gaz naturel liquéfié ». A côté de cela, l’Iran est un membre influent de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, dont les décisions ont un poids sur la stabilité des prix et les volumes des exportations russes.

Mais la considération la plus importante pour la Russie sera que la politique énergétique de l’Iran ne devrait pas entrer en conflit avec ses intérêts. Une fois que les EUA et l’Iran s’entendent, ce qui n’est pas à exclure dans les prochaines années, les classes dominantes de Téhéran verront élargir leurs stratégies dans le cadre du capitalisme international. L’Iran sondera le secteur d’exportation du gaz, comme la Turquie, les Balkans et l’Europe Centrale et de l’Est. Il pourrait bien se retrouver en concurrence avec la Russie comme voie majeure pour le pétrole et le gaz reliant les pays producteurs d’énergie de la Caspienne et d’Asie Centrale. Du reste, la coopération avec l’Iran est ainsi importante pour la Russie en termes de solutions à trouver concernant la Mer Caspienne. Il est vrai que ces deux pays ont des points de vue divergents sur la façon de diviser la Mer Caspienne. La Russie préfère une ligne médiane comme solution, là où l’Iran a insisté sur un partage égal (20%) comme solution pour chaque Etat côtier sans tenir compte de la longueur des côtes.

Une des priorités de la Russie dans la coopération énergétique avec l’Iran serait, bien entendu, la participation en amont des compagnies russes. Gazprom a eu jusqu’à présent une participation limitée dans les premières phases des champs gaziers iraniens de Sud. Gazprom a montré son intérêt pour le projet d’oléoduc Iran/Pakistan/Inde, pas seulement en tant que contractant mais aussi en tant qu’investisseur. De la même manière, la Russie encouragerait activement un gazoduc iranien vers la Chine via le Pakistan et l’Inde. Mais ce projet est encore bloqué à cause de la pression des EUA sur l’Inde.

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3.4 La question de l’armement nucléaire de l’Iran

Que l’Iran souhaite s’armer de nucléaire, personne ne s’en étonnera ! Il suffit d’observer deux ou trois choses. D’une part, les trois pays qui lui sont fort proches, sont déjà nucléarisés: il s’agit évidemment de l’Inde, du Pakistan et surtout d’Israël, sans oublier la Russie. D’autre part, les EUA disposent de nombreuses bases militaires dans un rayon de 1.000 kilomètres et se sont dotés d’une doctrine de sécurité de “guerres préemptives”. Comme pas mal d’autres pays qui s’arment de nucléaire, l’Iran bénéficie par ailleurs du “soutien nucléaire” de nombreux pays et notamment de celui de la Russie et de quelques pays de l’UE8. Malgré son aide militaire à Israël nucléarisé, les gesticulations de Washington sur la non-prolifération d’armes nucléaires ne sont enfin que tactiques pour tenir l’Iran sous la menace et surtout pour contrecarrer la diplomatie de l’UE.

Eliminer des armes nucléaires n’est guère possible sans abolir le pouvoir nucléaire ! Penser le contraire n’est que naïveté, sauf garantie multilatérale, si elle existe. Une telle garantie n’est concevable sans la Russie. Certes, vu les difficultés des Américains en Afghanistan et en Irak, certains cercles des “conservateurs” néolibéraux à Téhéran espèrent régler la question avec les seuls EUA dans le cadre d’une “grande négociation”, alors que d’autres rechercheraient une alliance avec l’UE, la Russie ou la Chine que Washington ne voit point d’un bon oeil. Il est certain que l’Iran dispose de tous les équipements nécessaires pour fabriquer des armes nucléaires, des vecteurs nécessaires pour utiliser ces armes contre les cibles éloignées de 2000 à 3000 kilomètres et d’outillages électroniques idoines dans ce cadre. Il en résulte que la « nucléarisation iranienne » devient, d’après moi, inéluctable. L’objectif est de sanctuariser le territoire iranien, en vertu de la bonne vieille doctrine française de la dissuasion.

D’après moi, le véritable problème de la question nucléaire se situe autour de la sécurité primordiale de l’Iran. Or, à mon sens, les Européens comme les Américains auraient une véritable difficulté à pouvoir donner une garantie de sécurité à l’Iran à supposer qu’ils le veuillent. Sur le plan militaire, ils ne peuvent pas changer la position géopolitique franchement défavorable de l’Iran. L’Iran se méfie par ailleurs des « occidentaux » qui l’ont souvent trahi : la domination russo-britannique pendant la guerre 1939-1945, la destruction du régime de Mohammad Mossadegh en 1953, le soutien américain au rétablissement du pouvoir et au maintien de la famille royale avant 1979 ; l’aide apportée par beaucoup de pays de l’OTAN à l’Irak de Houssein pendant la guerre meurtrière irako-iranienne au cours des années 1980 ; le refus américain de contreparties économiques promises à l’Iran pour la contribution indirecte de ce dernier à l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak ; la sélectivité manifeste dans leurs condamnations des atteintes aux droits humains etc…

Il est intéressant de signaler ici qu’à la fin mai 2006, le gouvernement de Delhi avertit qu’une action militaire contre l’Iran serait désastreuse pour le monde. Pour l’Inde, selon la même source, les relations avec l’Iran sont particulièrement primordiales en raison des « liens énergétiques », de la proximité géographique et des quatre millions d’Indiens qui vivent dans la région du Golfe persique. De son côté, la Russie se trouve liée à l’Iran par des intérêts communs dans la Caucasie méridionale et, en Asie centrale, dans combat contre l’influence américaine et par des ventes d’armement, notamment par celles des systèmes de défense antiaériens, susceptibles de protéger des installations nucléaires iraniennes contre des frappes aériennes. Enfin, la Chine coopère activement avec l’Iran en matière énergétique.

Il semble bien qu’à propos de la question nucléaire, le « guide », l’âyâtollâh Ali Khamenei, et le président du « Conseil de sécurité nationale », Ali Akbar Hashemi Rafsandjani, gardent la haute main et contrôle le président Ahmedinajed. Il n’empêche que le président renforce encore son image de « défenseurs des petits » du monde musulman par ses voyages récents dans les pays islamiques et inquiète surtout les pays arabes environnants. Il se pose comme un véritable rival régional des EUA et comme adversaire du « wahhabisme » dominé par les dirigeants saoud-arabiens.

Par rapport à la propagande intense des EUA à propos du probable armement nucléaire de l’Iran, la diplomatie allemande enregistre un succès indéniable. Non seulement, elle a calmé le jeu, mais elle a également amené les trois grands (la Chine, la Russie et les EUA) à venir à Berlin et à accepter que la négociation avec l’Iran se fasse avec le Trio européen (F, RFA et RU) élargi aux trois grands. Par contre, les EUA ont conclu leur accord nucléaire avec l’Inde sans consulter quiconque et sans tenir compte du fait que l’Iran se sentirait désormais bien « justifié » à poursuivre ses recherches nucléaires autant en terme de droit international qu’en raison de la sécurité tout court.

Les exercices militaires iraniens ont été menés dans le Golfe persique et dans l’océan Arabe à fin mars 2006. Les forces impliquées s’élevant à 17 000 personnes relevaient des Gardiens de la Révolution avec leurs milices (Basijs), comme si l’armée iranienne n’existait plus. Les exercices ont servi à la démonstration que les alliés des EUA et les installations militaires et d’hydrocarbures américaines dans la région sont les cibles possibles de l’Iran et que, par le contrôle des îles et du Détroit de Hormuz, les forces militaires iraniennes peuvent mettre en danger le transport pétrolier par bateaux assurant l’approvisionnement substantiel de Europe et des EUA. D’ailleurs, le gouvernement indien a mis en évidence que, malgré l’accord avec Washington mentionne, la coopération avec l’Iran se poursuit dans le domaine énergétique puisque celui-ci est le fournisseur d’hydrocarbures le plus important de l’Inde.

Pendant le conflit militaire mené par Israël en Palestine et au Liban pendant l’été 2006, la « connexion chiite » entre l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban et la Palestine est clairement apparue à l’instar du fondamentalisme de Washington neo-conservateur lié à certains milieux dirigeants proaméricains du Proche et Moyen Orients. C’est sans doute le signe d’un renforcement de la position de Téhéran face aux EUA. C’est cependant ce qui serait susceptible d’accroître le sentiment de vulnérabilité des Américains et par voie de conséquence leur agressivité diplomatico-militaire : mener à bien l’idée du « Grand Moyen- Orient » de Bush II.

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3.5 L’Iran se projette vers la OCS

Entre-temps, Téhéran décide de se lancer à l'assaut de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Il faut reconnaître que certaines circonstances l'obligent à le faire. L'Iran ne se contente plus de son statut d'observateur à l'OCS. En mars 2008, l'Iran dépose au secrétariat de l'organisation sa demande officielle d'adhésion en tant que membre à part entière. Téhéran frappe à la porte de l'OCS, où il dispose déjà du statut d'observateur de même que l'Inde, la Mongolie et le Pakistan, depuis plusieurs années. En ce moment, l'Iran est un des principaux agents économiques précisément dans la zone des intérêts naturels de l'OCS: la région de la Grande Asie centrale, où s'implantent activement les EUA au grand dam de Moscou.

L'Iran déploie des efforts non moins énergiques en vue de pénétrer dans les économies d'autres républiques d'Asie centrale, notamment le Kirghizstan et le Turkménistan. Il met l'accent sur l'Afghanistan, car les EUA tentent d'attirer toutes les républiques d'Asie centrale vers ce pays, et de les arracher à l'influence de Moscou. C'est pourquoi la Russie cherche à entraîner l'Afghanistan dans l'OCS mais, pour l'instant, ses efforts s'avèrent peu fructueux. En Afghanistan, l'Iran est traditionnellement présent sur les plans économique, culturel et politique plus que tous les autres membres de l'OCS. Une question logique se pose: pour quelle raison l'Iran n'est-il pas admis au club de Shanghai? Outre la procédure qui est complexe, la réponse est évidente: le problème réside dans le dossier nucléaire iranien dont plusieurs pays membres de l’OCS se méfient.

Pour Moscou et Beijing, cette initiative iranienne est certainement un problème difficile, car une demande officielle implique une réponse officielle. En effet, c'est une chose qu'un expert explique que l'OCS veut éviter la confrontation avec les EUA et l'UE, et que par conséquent, avant l'adhésion, l'Iran devra régler définitivement ses problèmes avec l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA), mais c'en est une autre lorsqu'il faut le déclarer aux chefs des Etats membres de l'OCS lors du prochain sommet qui se tiendra à la fin de l'été 2008 à Douchanbe. L'Iran ne pourra probablement pas lever toutes les questions de l'AIEA sur son programme nucléaire. Mais, pour que les espoirs de l'Iran se réalisent, Moscou et Beijing doivent s'entendre pour lever le moratoire sur l'extension du club à de nouveaux membres. Même si cette variante est possible, il faudra faire de nombreuses concessions réciproques. Ainsi, Beijing pourrait demander l'admission à l'OCS de son protégé, le Pakistan, et Moscou proposer à Téhéran des variantes de contrôle en commun de l'enrichissement de l'uranium.

Dans ces débats, plusieurs éléments interviennent sans doute. L'Iran projette de construire une ligne de chemin de fer vers l'Asie centrale qui lui permettrait d'être relié à la Chine et à la Russie, après une rencontre à Douchanbe entre les chefs de la diplomatie du Tadjikistan, d'Afghanistan et d'Iran. Ni le calendrier de construction ni le prix du projet ferroviaire ne sont indiqués. Kaboul s'engagerait à construire 600 km de voies ferrées sur son territoire. L'Iran et le Tadjikistan doivent faire de même, ce qui permettra ensuite, via l'Ouzbékistan et le Kirghizstan, de créer une liaison de l'Iran à la Chine ou à la Russie. L'Iran a une frontière commune à l'est avec l'Afghanistan, qui en a une au nord avec le Tadjikistan. La langue officielle de l'Iran est le farsi, ou persan. L'Afghanistan parle le dari, une autre version du persan, et le pachto, alors que la langue tadjike trouve également son origine dans le persan.

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Prospectives

Il est sans doute temps que les grandes puissances envisagent sérieusement l’intérêt et l’efficacité d’une « zone dénucléarisée, démilitarisée et sous garantie de sécurité » pour le Moyen-Orient conformément à la résolution du Conseil de Sécurité et de l’AG de l’ONU de 1991. Une garantie de sécurité accordée par les membres permanents du Conseil pourrait à la fois désarmer Israël et empêcher l’avènement de la puissance nucléaire iranienne. Une telle évolution diminuerait aussi l’inquiétude légitime des pays arabes du Golfe persique et la présence militaire des EUA dans ces pays - ce que ces derniers semblent, de moins en moins, souhaiter.

En 2002, l’UE entame la difficile négociation en vue d’un accord d’association et de stabilité avec l’Iran. Significativement, le pays accepte la négociation, puis l’inspection renforcée de ses installations, avec les délégués de l’UE en octobre 2003. Cette acceptation est acquise par l’aile religieuse du pouvoir, en négligeant totalement la présidence et le gouvernement. Ce fait révèle d’une façon éclatante des conflits sérieux au sein du régime, mais correspond à une sorte d’option de l’UE en faveur de cette aile du pouvoir. Si la “grande négociation” se fait avec les EUA, on verrait s’allier les “conservateurs” à d’autres milieux qui viseraient une solution post-maoïste : le néolibéralisme associé au maintien de la dictature militaro-religieuse à laquelle se joindrait un rapprochement des EUA.

En insistant sur l’application des droits de l’homme à l’instar de ce qu’elle fait dans le cas de la Turquie, l’UE ne rend pas les discussions irano-européennes aisées, mais est cependant susceptibles de donner de meilleurs garanties en amenant la Russie à la table des négociations. Quoi qu’il en soit, l’UE tient à engager Téhéran dans un processus de coopération à long terme par lequel le pays accepterait de renoncer à ses prérogatives nucléaires, en échange de garanties pour sa sécurité et d’un statut pleinement reconnu de puissance régionale.

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Annexe : Organisation du pouvoir politique et religieux en Iran

Le régime iranien actuel comporte des caractères théocratiques et démocratiques à la fois. Il en résulte qu’il y a un pouvoir religieux parallèlement au pouvoir proprement démocratique. Leurs compétences variant dans le temps, les différents centres de pouvoir se contrôlent, partiellement, entre eux selon les instructions du “guide” ou selon les alliances du moment. Ils se trouvent en relations hiérarchiques vagues ou indéterminées l’un par rapport à l’autre. La nature du pouvoir correspond à ce que l’on appelle le régime de “quelques-uns”, autrement dit de type oligarchique. Des conflits de compétences et de pouvoirs seraient fréquents et condamnent le régime à une certaine instabilité intrinsèque.

Par ailleurs, comme le sunnisme, le chiisme se trouve divisé bien plus que le christianisme en multiples tendances théologiques, politiques et idéologiques. Chez les chiites, l’absence de l’Imam “caché” et au nom duquel plus personne ne devrait pouvoir s’exprimer, explique que le califat correspond au pouvoir terrestre du chiisme. Toutefois, la question se pose de savoir qui doit exercer le pouvoir du califat. Notamment, il y a ceux qui voient avec plaisir la fusion du religieux et du politique, et ceux qui s’y opposent radicalement. La doctrine du „velâyat-e faqih” peut être interprétée comme un mandat pour gouverner au nom de l’Imam caché. Beaucoup de religieux, voire mêmes des grands âyâtollâh se montrent hostiles à cette interprétation

En Iran, ces tendances sont bien présentes et s’opposent les unes aux autres, parfois violemment. On estime que quelques 60% des âyâtollâhs seraient opposés à l’Islam politisé, c’est-à-dire à voir ce dernier impliqué dans le politique. Sous une forme ou une autre, ceux-là subissent par voie de conséquence la répression du régime khomeyniste. C’est Khomeyni qui interpréta la doctrine du „velâyat-e faqih” en sa propre faveur. Pour cela il s’appuya sur une légitimité issue de différentes sources. Son pouvoir reposa à la fois sur une légitimité historique (sa lutte depuis toujours contre le régime du dernier chah), religieuse (surtout charismatique) et populaire (avec le referendum de 1979). Lui et son successeur se considèrent comme habilités à se faire représenter dans toute la structure étatique comme „représentants de l’Imam”. L’administration gouvernementale connaît en outre un rapport de force avec les institutions paraétatiques telles que les fondations qui peuvent être entre autres des émanations des structures religieuses.

Pouvoir religieux à multiple facette

La hiérarchie du clergé dont les statuts sont explicités ci-dessous s’établit, à chaque niveau, sur base de trois critères : (i) la production d’un mémoire ou d’une thèse de caractère théologique, (ii) la reconnaissance formelle de ses pairs et (iii) la réputation auprès des fidèles autant que l’importance numérique de ces derniers. Au fur et à mesure de la montée dans la hiérarchie, la thèse comme la réputation deviennent une exigence plus ample et la reconnaissance de ses pairs, de plus en plus difficile. L’importance numérique des fidèles qui entourent un uléma, un moudjtahid ou un âyâtollâh constitue une force d’influence par rapport à d’autres membres du clergé et, en cas de conflit, de protection de ces derniers.

Statuts religieux, judiciaires ou politiques :


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Le clergé chiite en Iran serait constitué de quelque 200.000 mullahs dont environ 1.500 âyâtollâhs, sortes d’évêques. Parmi ces derniers, il existerait 20 à 25 grands âyâtollâhs (sortes d’archevêques ou métropolites) dont l’un peut être élu/désigné comme “guide” et dont l’un ou l’autre se trouve dans le diaspora comme en Irak. Le régime institué en 1979 connaît un certain nombre d’institutions ou organes de caractère théocratique. Chaque institution ou organe comme chaque dirigeant ou porte-parole de ces institutions ou organes constitue un centre de pouvoir à compétence et à pouvoir variables dans le temps et l’un par rapport à l’autre.

L’âyâtollâh Borujerdi fut en Iran le “guide”, la voix de “l’imam caché”, le marja‘-e taqlid (littéralement “modèle à imiter”) entre 1946 et 1961. Il exerçait une influence considérable et jouait le rôle d’arbitre entre les factions du clergé. A partir de 1979, l’âyâtollâh Ali Komeini porta ce titre. A la mort de ce dernier, Ali Khamenei lui succéda, bien qu’il n’ait pas eu le statut théologique voulu, ni les fidèles assez nombreux. Il est considéré comme le “guide spirituel de la République islamique” (installé à Qom) dont dépend directement une série d’institutions ou organes :
= le Conseil national suprême de sécurité dont les compétences paraissent vagues, mais concerneraient la sécurité et la défense, mais c’est ce conseil qui négocie en matière nucléaire avec l’UE et les EUA;
= le Conseil de discernement ou le Conseil de la défense de la raison d’Etat serait l’instance d’arbitrage entre le Conseil de surveillance (des gardiens) de la constitution et le Parlement mais parfois se substituerait au Parlement et édicterait des règles ou des lois; il est composé de 25 personnes, pour la plupart des hommes d’Etat expérimentés, désignées par le “guide”;
= le Conseil de surveillance (des gardiens) de la constitution, conseil de 12 jurisconsultes désignés et non élus, qui apprécie la conformité du fonctionnement politique de la République avec les principes de l’Islam et du Coran, mais qui édicte également parfois des règles ou des lois. A ce conseil se trouvent subordonnées deux institutions :
= le Conseil ou l’Assemblée des experts (Mojtahed) ; ces 86 membres sont élus par le peuple et c’est lui qui élit le guide spirituel de la République islamique; la dernière fois, cette désignation a été confirmée par le parlement.
= le Pouvoir judiciaire dont le Procureur en chef ou le Chef du pouvoir judiciaire, ainsi que le pouvoir policier dont les Armées, les “Gardiens de la révolution” qui sont des espèces de “troupes de sécurité politique”, les Polices dont celle des “bonnes moeurs”, et diverses milices (gendarmes) armées.

Si ces divers organes relèvent du caractère islamique du régime, ses caractéristiques républicaines s’incarnent en deux institutions républicaines classiques :
 pouvoir législatif : le Parlement (Majlis) comporte 270 sièges, occupés par des élections régulières ; il existe plus d’une dizaine de partis autorisés dont plusieurs représentés au Parlement ;
 pouvoir exécutif et administratif : le président de la République islamique siégeant à Téhéran remplit le rôle de premier ministre, dont dépendent le gouvernement et les gouverneurs des 30 provinces qui sont loin d’être dépourvus de compétences et de réel pouvoir.

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Bibliographie spécifique

L’analyse proposée doit énormément aux remarques, aux éclaircissements et aux critiques des amis ou collègues: C. G.-A., F. N., A. M., L. M., H. A., V. I., C. C. et A. S. Qu’ils en soient anonymement, mais chaleureusement remercié-es ici ! En outre la large production cinématographique d’Abbas KIAROSTAMI, les films de Jafar PANAHI ont également contribué à une meilleure compréhension pour moi des réalités iraniennes. Je citerais “Le miroir”, “Le cercle”, “L’or et le sang” et « Hors du stade ». Enfin, un voyage en avril 2004 en Iran m’a sommairement permis de “voir” l’Iran dans sa grandeur et ses misères, notamment du côté des femmes.
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1 Dans la relation Chine-EUA, un mécanisme curieux s’observe. Les EUA importent massivement des biens et services, pèsent ainsi sur les revenus des travailleurs américains et augmentent le profit des actionnaires. Grâce au régime dictatorial, les travailleurs chinois à bas salaires subsidient indirectement et involontairement les importations américaines, tandis que le gouvernement chinois accumulent des emprunts américains, contreparties du financement lié au déficit de la balance des payements des EUA. Ainsi, en Chine, les travailleurs renforcent le pouvoir fort de leurs dirigeants qui, de leur côté, disposent d’un puissant levier financier face aux EUA, en ayant la possibilité de demander à n’importe quel moment le remboursement des emprunts ou refuser leur renouvellement. up

2 Il reste qu’à fin 2006, la Commission militaire du Comité central du Parti annonce une hausse de traitements entre 20 et 40% pour les membres de la force armée de 2,3 millions de personnes. up

3 Voir pour les détails la section 3.3 ci-dessus. up

4 A ce stade de l'analyse, il convient d'écarter un argument fallacieux. Beaucoup de commentateurs ont souligné le caractère scandaleux de ces expériences par rapport à la pauvreté de ces deux pays. Si l'on ne veut pas être hypocrite, il faut bien reconnaître qu'aucun pays du monde n'a jamais renonce à s'armer lorsqu'il s'agissait de ce qu'il considérait comme sa sécurité, quel que soit l'état économique dans lequel il se trouve. La Belgique continue à acheter avions, hélicoptères, chars ou canons, malgré l'augmentation très nette du nombre de minimexés et de la population du quart monde dans le pays. Par ailleurs, les armes atomiques, bactériologiques ou chimiques sont souvent considérées comme la force de frappe des pauvres. up

5 La partie indienne dispose de 100 000 km² (trois fois la Belgique) pour une population de quelque 8 millions de personnes alors que les chiffres correspondants atteignent respectivement 79 000 km² et 3 millions pour le Pakistan, et 43 000 km² avec peu de population pour la Chine. up

6 A Jacobad en Sind, à Balbandin et Pasni en Baloutchistan au Pakistan. up

7 Voir la section 3.3 de la Partie 3 ci-dessus. up

8 Il semblerait que l’Iran ait fait de nombreux achats d’armes atomiques (explosifs, grenades, bombes, etc.), au lendemain de la décomposition de l’URSS, dans les nouvelles républiques rendues indépendantes, voir TILGNER 2006. up