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Nicolas Bárdos-Féltoronyi:


Exercices géopolitiques pour l’Union européenne

- Les puissances et leurs différends –

Préface doc Imprimerie Correspondance

Table des matières

down  Préface
down  Chapitre introductif: Pour une grille d’analyse
down    *  Une discipline interdisciplinaire
down    *  De la critique aux présupposés
down    *  Du politique à la géopolitiqueForum
down    *  Acteurs institutionnels
down    *  L’image du pouvoir et la raison politique
down    *  Espace, temps et Etat
down    *  Les notions de l’Etat
down    *  D’autres acteurs : les multinationales et les Eglises
down    *  Quid alors d’une géopolitique?
down    *  Les courants théoriques, la question de la méthode et la structure de l’ouvrage
down    *  Bibliographie
down  Liste d’abréviations
down  Ouvrages de références

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Préface

Des crises multiples se succèdent dans le monde. Crise bancaire imputable à la crise de régulations étatiques partout. Crise financière liée à l’endettement extérieur des EUA, supérieur à celui de l’ensemble du monde. Crise idéologique due à la chute des idées néolibérales et néoconservatrices. Crise géopolitique devenue perceptible grâce à la géographie des conflits, notamment dans la Caucasie méridionale. C’est bien dans ce cadre que s’inscrivent les exercices qui suivent et qui visent à éclairer les dimensions variées de la géopolitique.

Comparaison n’est pas raison. Mais, voulant m’exercer en géopolitique dans le but précité, rien ne m’empêchera de songer de prime abord à une série d’analogies afin de me faire comprendre.

Voici un couple dans un lit à deux, c’est-à-dire dans un lit « parisien ». Tantôt le bonheur, tantôt l’horreur. Après des moments de joies, les voici devant le fait que l’Autre, toujours l’Autre, occupe les trois-quarts du lit ou tire constamment la couverture à soi. Quelle épouvante son ronflement discret, mais constant et lancinant. Et, ses « cris et chuchotements » dans le sommeil sont effrayants. Mais, tout autre cas mais combien significatif, je pense à ces différends si fréquents de voisinage dont les causes sont multiples : bruits de toutes sortes, déplacements sournois des clôtures, bavardages troublants entre voisins, jets incessants de détritus, cris d’enfants ou de parents, atteintes flagrantes à mes droits de propriétaire, etc.

Dois-je faire allusion aux tensions constantes entre ville et campagne, entre capitale et provinces ou entre régions ? Prenez le cas de la Belgique : trois régions, trois communautés culturelles, onze provinces et un royaume fédéral. Les conflits demeurent constants entre eux pour des raisons territoriales et budgétaires, mais aussi pour élargir des zones d’influence linguistiques et des compétences. Manipuler les représentations variées des uns des autres s’avère évidemment aisé. Les procès d’intention restent sans nombre entre les politiques de diverses entités et toujours à propos d’Autrui, d’autres régions ou communautés.

Ainsi va-t-il de la géopolitique sur le plan international ou interétatique. Basé sur les rapports de force de chacun, le bonheur s’appelle la coopération ou l’alliance entre pays, tandis que le conflit ou la guerre correspond à des différends portant sur des territoires ou des frontières, sur des idéologies ou des cultures opposées ou représentées comme telles, sur des zones d’influence ou d’intérêt, des configurations ou des positions géographiques, des contrôles des richesses naturelles ou des voies de communication, etc. Les exercices qui sont proposés ici se limitent à n’aborder que

o les rapports de force entre Etats ou fédération d’Etats,
o la position des régions variées du monde eurasiatique,
o les enjeux géoéconomiques et ceux de la parole.

Il s’agit des propos qui situent l’UE par rapport à l’ensemble eurasiatique et s’inscrivent dans une vision concentrique autour d’elle. Il est question d’exercices et pas d’études exhaustives et définitives, d’exercices diversifiés tant dans la forme que dans le contenu, selon les contrées envisagées et selon les objectifs poursuivis ! Les propos théoriques du chapitre introductif qui visent à proposer une grille d’analyse géopolitique précèdent les exercices proprement dits. Leur lecture n’est pas indispensable ni un préalable, mais simplement utile pour les non initié-es. La grille d’analyse qui y est proposée reste indicative, évolutive et non arrêtée.

Les exercices se proposent comme des étapes dans une recherche perpétuellement inachevée ! Resitués dans un ensemble géopolitique, ils examinent les données et les événements récents dans l’optique des problématiques suivantes:

i.   l’adhésion, l’association ou l’intégration de certains pays eurasiatiques est-elle possible, probable ou souhaitable à l’UE ; il s’agit donc d’analyser ces différents modes d’élargissement de cette dernière;
ii.  dans ce contexte, c’est aussi étudier les mutations géopolitiques du continent eurasiatique qui seraient susceptibles d’avoir un impact sur l’UE;
iii. enfin, il s’agit de fournir des éléments d’appréciation dans la perspective de la définition d’une géostratégie de l’UE dans le contexte du continent eurasiatique.

La problématique géopolitique qu’entretiennent la Russie, le Japon1 et les EUA dans leurs rapports complexes et mouvants avec l’UE demeure ici constamment sous-jacente. Selon moi, elle nécessite, dans le cas de chacun de ces pays, tout un ouvrage pour étudier à fond ! L’imbroglio du Proche et du Moyen Orient n’est pas abordé. La situation des infrastructures de communications au sens large du terme (routes, chemins de fer, satellites, conduites, etc.), ainsi que celle des océans, des mers et passages maritimes ne sont pas non plus étudiées en particulier. La géopolitique en termes d’accès à l’eau ou aux matières premières énergétiques est suffisamment évoquée par ailleurs en langue française en raison du cas du Proche Orient dont la Palestine2 , de l’Afrique et de l’Inde3 . La privatisation de la violence dite légitime, autrement dit le mercenariat privé organisé sous forme de multinationale a récemment été soumise à des analyses approfondies4 .

Tant du point de vue méthodologique que du degré d’approfondissement, la diversité de ces exercices apparaîtra grande. Elle comporte sans doute un avantage en termes pédagogiques. Elle met en évidence la nécessité d’adapter constamment la manière d’aborder des questions qui se présentent. Chaque exercice est brièvement introduit pour en expliquer la portée et éventuellement indiquer les conditions dans lesquelles il a été établi. La plupart d’entre eux ont été rédigés pour le présent ouvrage, ne fût-ce que dans leurs versions finales. Fondamentalement, ils sont destinés à des étudiant-es de maîtrise, à des chercheur-es qualifié-es et au grand public intéressé5 .

Comme n’importe quel analyste ou commentateur, l’auteur de ces exercices est évidemment biaisé par ses orientations propres qui, probablement, proviennent entre autres de ses origines hongroise et chrétienne, de son mode de pensée régulationniste et de ses options écolos. Il participe activement aux travaux et animations de Pax Christi Wallonie-Bruxelles, mouvement catholique de paix.

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Outre les ouvrages cités au bout de chaque thème envisagé dans les « bibliographies spécifiques », ainsi que dans la Bibliographie générale, chacun est notamment nourri à partir des informations parues dans le Financial Times, La Libre Belgique, The Baltic Times, Courrier des Balkans, Népszabadság (le plus important quotidien hongrois), INFO-TURK et surtout le Neue Zürcher Zeitung, ainsi que sur base de celles publiées dans des hebdomadaires et revues spécialisés, ou qui figurent dans des diverses revues de presse.

Sauf indication contraire, les données figurant dans les tableaux proviennent de CIA - The World Factbook qui reste une source d’information par trop biaisée, quoi qu’établie par des autorités politiques des EUA6 . La cartographie s’appuye principalement sur Google7 . Afin d’alléger au maximum le présent ouvrage, j’ai renoncé à introduire des références bibliographiques dans les corps des textes en les réservant aux « bibliographies spécifiques » figurant à la fin de chaque exercice et à me référer à mes propres publications qui n’apparaissent que dans la seconde partie de la « Bibliographie générale ».

La structure de l’ouvrage s’inspire des préoccupations successives ou logiques de l’UE ou de l’auteur. Néanmoins elle pourrait apparaître comme quelque peu arbitraire. Aussi est-il utile d’en fournir, à titre indicatif, des justifications dès à présent. Après le chapitre introduction dont il est déjà question ci-dessus et pour débuter, il s’imposa de traiter deux question de départ : pour situer l’UE de « l’extérieur », il fallait se demander comment se dessine le système des grandes puissances aujourd’hui, alors que, pour la fixer de « l’intérieur », l’interrogation devait porter sur les limites, les frontières et la portée de l’UE. Cette analyse est poursuivie par celle d’un espace qui représenterait un « vide géopolitique8 » : trois pays coincés entre l’UE et la Russie, auxquels les EUA s’intéressent également. A quelle zone d’influence appartiendront-ils ?

En ce qui concerne les territoires situés de la mer Méditerranée jusqu’aux confins de la Russie et de la Chine, des discussions semblables se présentent en termes géopolitiques et par conséquent des « grands jeux » s’y déroulent et qui méritent examen. Il y a des candidats pour devenir une grande puissance ou du moins une puissance régionale dont on tient compte et il faut aussi les examiner. Il s’en suivra un examen de quelques « cas géoéconomiques », précédé d’une définition de la dimension spécifiquement socio-économique de la géopolitique, de celle de la géoéconomie. Pour terminer, on fera une tentative de cerner quelques cas géoculturels. La table des matières détaillée constitue un guide pour le lecteur.

Dans un souci d’économie, la disposition de l’ouvrage consiste à faire figurer un tiers environ des exercices sous forme imprimée dans ce livre et le restant aux sites de l’éditeur et de l’auteur. C’est à ces sites que le lecteur est simplement renvoyé.

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C’est ici enfin qu’il convient de remercier tous ceux qui m’ont aidé à mener à bien cette présentation d’exercices : nombreux collègues, étudiants, amis, auditeurs ou téléspectateurs et bien d’autres. Toutes leurs contributions y apparaissent sous une forme ou une autre, sans qu’ils en portent une quelconque responsabilité. Mes remerciements tout particuliers vont à Madame Marie van Zeebroeck qui, avec beaucoup de délicatesse, a bien voulu améliorer les textes, voire simplement les rendre lisibles en langue française !

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Voici le sommaire du livre :

Chapitre introductif : Pour une grille d’analyse
Partie 1 : Comment situer l’UE dans le monde ?
Partie 2 : Des situations « entre deux » : pays plats de transit
Partie 3 : Objet des « grands jeux » différenciés
Partie 4 : Autres grandes puissances : avérées, virtuelles ou potentielles
Partie 5 : Cas géoéconomiques
Partie 6 : Cas géoculturels

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Chapitre introductif : Pour une grille d’analyse9

D’emblée, il faut clarifier un point de vocabulaire essentiel en vue de la suite. Le vocable “géopolitique” lui-même est équivoque et prête à de confusion. Dans le langage courant, il tendrait à désigner une action ou une activité. Par contre, dans l’usage scientifique, il désigne une discipline analytique d’interprétation et de compréhension de certains faits politiques qui s’inscrivent dans l’espace et le temps. Une application éventuelle en termes normatifs et prévisionnels, voire d’action devient possible par ce que l’on peut appeler la géostratégie. De cette façon, on peut nettement distinguer entre la géopolitique et la géostratégie, cette dernière restant évidemment une pratique des gouvernants, des militaires et des diplomates. Evidemment, l’observation des géostratégies de divers acteurs fait néanmoins l’objet de la « science géopolitique ».

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Une discipline interdisciplinaire

Pour créer une grille d’analyse géopolitique applicable à des situations variées dans le monde, il nous faudra élucider un certain nombre de notions telles que la ou le politique, l’espace et le temps, l’Etat et les multinationales dans le contexte international. La géopolitique emprunte inéluctablement des connaissances

o du géographe politique,
o de l’économiste qui s’occupe du domaine international,
o du militaire d’état-major,
o du diplomate chevronné et
o bien sûr du politologue.

Du géographe, elle empruntera ses conceptions de l’espace et le temps. De l’économiste, elle retiendra la notion des banques et firmes multinationales, ainsi que leurs stratégies. Du militaire, elle se saisira l’importance des questions de la stratégie, de la guerre ou des armes, ainsi de l’invasion, de l’occupation et du maintien ou de l’imposition de la paix. Du diplomate, elle apprendra la portée des négociations, des conciliations, d’arbitrages dont l’aboutissement permet d’éviter ou d’éluder la guerre. Enfin, du politologue, elle retiendra un grand nombre de connaissances comme la suite le montrera. D’où le risque réel de confusions interdisciplinaires qui mérite clarification. Il s’agit par ailleurs d’une étude plus complexe que compliquée. Elle fait apparaître, d’une façon systématique et communicable, les principales données et les mécanismes primordiaux de situations qui, au premier abord, semblent confuses et inextricables.

De quoi s’agit en vérité ?

Avant d’aborder les notions de base, la discipline elle-même doit donc être définie. En toute première approche, on peut considérer que, en se référant à Yves Lacoste, la géopolitique correspond à « l’analyse des rivalités de pouvoirs sur des territoires, en confrontant les point de vue des différents protagonistes et en accordant une attention précise à l’idée qu’ils se font chacun de leur propre nation et de son territoire ». En élargissant le terme de « territoires » à la notion de « espaces », la géopolitique étudie, d’après moi, les rapports entre les données naturelles ou de représentations et la stratégie des Etats ou d’autres acteurs institutionnalisés, ainsi que les rapports de force entre ces acteurs dans l’espace et le temps en fonction d’enjeux variés. En termes géopolitiques, le temps comme l’espace sont considérés comme des moments et des champs d’exercice du pouvoir, de l’autorité ou de la puissance. Les espaces d’affrontements ou de rivalités y côtoient des zones de coopération ou d’alliances, tandis que les temps de guerres alternent avec des périodes sans conflits.

Les données naturelles ou de représentations prises en compte seront telles que la manière de pratiquer de la géographie, l’attachement national, les climats, les convictions religieuses ou d’autres idéologies, les reliefs, la compréhension de l’histoire et de la tradition, l’hydrographie, la culture ou la langue, etc. Ainsi, la géoéconomie ou la géoculture sont respectivement les dimensions socio-économiques et culturelles de la géopolitique. Aussi convient-il bien entendu d’écarter tout matérialisme ou un déterminisme géographique qui ne tiendrait pas compte des processus socio-économiques et des discours en jeu. Quant aux acteurs institutionnalisés, il faut prendre en considération des protagonistes aussi variés que les Etats, les Eglises, les multinationales, les institutions internationales, les mafias variés, les ONG, etc. Enfin, les enjeux peuvent être territoriaux, idéologiques, économiques et bien d’autres à partir des buts que les acteurs se donnent.

Exerçant un pouvoir dans le cadre d’une institution, les divers acteurs s’enracinent et se développent nécessairement dans l’espace géographique. De même, ils ne peuvent éviter de s’inscrire et d’évoluer dans le temps, du passé au présent. Simultanément, tant le temps que l’espace ont une nature humaine, c’est-à-dire historique et géographique. Ni l’un ni l’autre n’existerait sans l’homme. L’humanité se donne ainsi un temps historique et un espace géographique. Elle le fait dans le concret comme dans l’imaginaire. Parmi les acteurs institutionnels, on privilégiera ici les Etats ou les fédérations d’Etats telle l’UE, les banques et entreprises multinationales, quelques organisations dites non gouvernementales comme Eglises ou mouvements associatifs.

La stratégie des acteurs, étatiques ou non, produit un réseau dense, mais évolutif des rapports de force : frontières, zones d'influence, rayons d'actions, voies de communication. De cette façon, elle détermine les conditions variées de sécurité dans le temps et dans l'espace territorial, économique ou spirituel. Parler en termes de stratégies correspond à l'idée que les relations internationales, les conflits, la sécurité, la force ou la puissance, les alliances, etc. ne tombent pas du ciel et relèvent naturellement de ce que font les personnes, les communautés, les Etats, etc. en vue d'atteindre tel ou tel objectif ou but.

Il n'y a pas de "définition classique de la sécurité" car la définition elle-même est un enjeu géopolitique. Il suffit de voir que le choix du thème "terrorisme" enclenche une question de sécurité totalement différente en Afghanistan ou en Irak d'une part, et aux Etats-Unis d'autre part, par exemple en termes du nombre de tués et de blessés ou en termes de la croissance et de les destructions socio-économiques. Il faudra par ailleurs traiter la sécurité et le risque internationaux entre autres eu égard à la « privatisation » dans le monde, tel que le développement du mercenariat privé multinational dont l'expansion est fulgurante ces dernières décennies (près de la moitié du personnel américain en Irak est fourni par ces nouvelles multinationales à partir de 2003)10 .

En fonction des buts, des valeurs, des intérêts ou des objectifs, les enjeux géopolitiques correspondent à des thèmes bien connus tels que les territoires ou l’espace en général, les voies de communication, les ressources naturelles, les frontières et les populations ou tels que les représentations et les certitudes idéologiques comme les croyances religieuses, le patriotisme ou le nationalisme, les convictions politiques, etc. Les facteurs ou les données qui comptent en géopolitique correspondent très souvent à ce qui viennent d’être appelés comme enjeux. Prenez la sécurité ! Une fois acquise, la sécurité devient un facteur ou une donnée important.

Les méthodes géopolitiques sont nombreuses. La méthode comparatiste pose les mêmes questions à propos de situations plus ou moins analogues. La similitude ou la différence des réponses révèlent fréquemment les éléments les plus significatifs. Les méthodes heuristiques ou dialectiques contribuent à poser des bonnes questions dont dépendent des bonnes réponses, des interprétations sensées. Analyser géopolitiquement un pays, une région du monde, une situation ou un acteur collectif signifie étudier ses rapports de force avec d’autres entités géographique, spirituelle ou économique dans le temps et dans l’espace et, ce avec des méthodes variées.

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De la critique aux présupposés

Dans ce cadre, il convient de ne jamais oublier d’appliquer les principes de la critique historique : consulter des documents contradictoires, vérifier leur qualité, réfléchir à la vraisemblance des informations, noter les dates successives des documents et leurs auteurs, se méfier des témoins « directs » mais non qualifiés, sans négliger totalement leurs apports comme étant de l’ordre du subjectif ou simplement du ressenti, multiplier des sources d’informations11 , etc. On est souvent tributaire de l’information diffusée par les médias, qui ont leurs propres sources, leurs allégeances, leurs propres points de vue et leurs présupposés sur les situations. Hélas, l’objectivité n’est pas de ce monde !

Il y a certes des faits, mais ceux-ci sont toujours, d’une façon ou d’une autre, « représentés », construits et interprétés par des acteurs sociaux, politiques, religieux, culturels, etc. qui « sélectionnent » les faits indiqués ou rapportés , en ignorant d’autres. En réalité, la plupart des acteurs mènent leurs propres stratégies et en fonction de cela font subir aux faits des distorsions, des manipulations. Les faits sont « racontés », ce qui souligne l’importance de ce que l’on appelle « la narration ». Celle-ci se réfère à des ensembles de récits qui, du point de vue géopolitique, énoncent la relation entre les peuples les uns à l’égard des autres, entre ces peuples et leurs mémoires par exemples nationales. Cette narration est un fait politique en soi qui construit l’inconscient collectif et la vision de « l’Autre ».

En conséquence, il importe identifier aussi nos propres présupposés. Nous ne sommes pas différents des autres, sommes pleins de préjugés ! Ce qui est compliqué dans les exercices géopolitiques, ce ne sont pas tant qu’existent les présupposés ou préjugés, c’est le fait que nous les ignorons ou que nous ne sommes pas assez conscients des nôtres ou de ceux des autres ou pis nous les passons sous silence. La communication, le débat et … un peu d’humilité scientifique peuvent révéler leur grande utilité scientifique en pratiquant la géopolitique. C’est pour cette raison qu’il convient aussi d’élucider explicitement les fondements de nos théories et de nos concepts afin que le débat contradictoire devienne possible.

La géopolitique comme une construction est constamment confrontée à la réalité non moins construite. Elle rencontre néanmoins un autre obstacle aussi. Le commun des mortels, les politiques et même les politologues ne font que malaisément la part entre ce qui est et ce qui est souhaité, voulu ou poursuivi, entre la réalité et le souhaitable12 . Comprendre une situation, un événement ou un fait est toute autre chose que de vouloir les transformer, les façonner ou les modifier. En un mot, il convient toujours distinguer l’analytique du normatif dans la mesure possible.

Mes propres auteurs de référence sont, en ordre alphabétique : S. Amin, R. Aron, B. Badié, R. Blackburn, N. Bobbio, R. Boyer, A. Chauprade, C. von Clausewitz, P. Gowen, G. Kennan, P. Kennedy, Y. Lacoste, A. Lieven, R. Luxemburg, I. Mészáros, J. B. Metz, C.-A. Michalet, G. Orwell, F. Perroux, S. Rosière, L. Rühl, C. Schmitt, T. Thual, C. Vandermotten, I. Wallerstein, tandis que mes revues préférées restent indiscutablement LIMES, Hérodote, New York Review, Le Courrier des Balkans, New Left Review ou BELGEO. Ces auteurs et revues reflètent des visions du monde, à l’exclusion d’autres. Leurs présupposés, valeurs et buts en font autant. Ceux-ci comme leurs visions le monde correspondent aux miens. Que le lecteur le sache !

Un exemple typique d’une opinion et d’un présupposé personnels

L’hypothèse de fond pour moi correspond ainsi à admettre l’observation du déclin structurel mais relatif des EUA. Cette position n’exclut guère la reconnaissance du « rêve d’Amérique » de beaucoup d’Européens notamment et ce, depuis le 19e siècle13 . Elle ne signifie guère un antiaméricanisme. Elle correspond à la fois à une constatation relativement fondée et une position anti-impérialiste14 . Cet exemple est fourni ici dans un double but : d’une part, montrer ce que peut-être un présupposé fort, même s’il peut être réfléchi et raisonné, d’autre part, s’agissant d’une question de fond, illustrer en théorie et en pratique la portée d’un présupposé dans le cadre du présent ouvrage.

Pour beaucoup, les EUA seraient une puissance hégémonique, quoi que non omnipotente, qui justifierait une attitude « pro-atlantiste » qu’alimente encore aujourd’hui la « mémoire des peuples ». Pour d’autres, ils seraient une puissance ambivalente et dangereuse, ainsi qu’actuellement en voie d’affaiblissement15 . Badie & alii leur attribuent « l’illusion unipolaire ou hégémonique » qui ne fait qu’activer « la violence sociale internationale ». Pour moi, ils sont en tous cas impérialistes, mais en déclin structurel. Partant de ces opinions, il convient naturellement de développer quelques arguments. Remarquons dès à présent qu’arguer du déclin structurel mais relatif des EUA n’est autre, dans le cadre du présent ouvrage, que de mettre en évidence en quoi tel ou tel préjugé diffus peut se transformer en présupposé plus ou moins bien explicité. C’est cette transformation que visent les lignes qui suivent. Il est évident qu’un tel débat n’a rien à avoir avec un quelconque anti-américanisme sommaire.

Avant tout, il faut ainsi rigoureusement distinguer, dans un Etat de démocratie représentative tel que les EUA, entre le peuple américain et les autorités de Washington. Le premier exige le respect dans la tolérance, alors que la seconde mérite un examen critique. L’un fait référence à l’idée que chaque peuple et sa culture ne sont pas nécessairement meilleurs ni pires que d’autres. L’autre a trait à des organes politiques et leurs actions qui peuvent être acceptées ou refusées, approuvées ou condamnées, etc. selon les options de chacun. « L’anti-yankeesme » qui actuellement se répand dans le monde prend carrément des accents racistes que je refuse.

1) Depuis le 19e siècle, les autorités de Washington se considèrent comme une puissance mondiale que le monde n’aurait antérieurement jamais vue et qui aurait à y jouer un rôle déterminant. « L’esprit wilsonien » exprime fort bien cette sorte de messianisme. Non seulement le peuple américain, mais d’autres aussi à travers le monde, partagent cette conviction, notamment en Europe. A mon sens, celle-ci n’est pas sans fondement. Les EUA apparaissent comme le pays de la liberté, des terres disponibles et des possibilités sans limite, par excellence et, peut-être, jusqu’aujourd’hui. Certes, d’autres peuples ou couches de populations les voient comme sources de violence, d’occupation et d’exploitation à travers l’Amérique latine, l’Asie ou au Proche ou Moyen Orients. A ce propos, on ne peut pas oublier les analyses d’un George Kennan sur l’histoire coloniale des EUA qui déroule encore maintenant devant nos yeux.

Depuis le milieu du 19e siècle, la politique d’expansion des EUA correspond à une triple orientation. D’une part, elle correspond à la constitution du pays même en envahissant les territoires des Indiens et du Mexique. D’autre part, elle remplit le rôle de « libérateur » et on songe évidemment aux deux guerres mondiales. Une proportion non négligeable des personnes d’Europe occidentale en sont sentimentalement marquées. Au centre de l’Europe, les sentiments s’avèrent plus mélangés : « trahis » pendant des décennies, tandis que « sauvés » depuis peu. Enfin, la politique expansionniste vise également à une position dominante dans le monde. Les bases militaires, portuaires et aériennes en témoignent dans plus d’une centaine d’Etats. Strictement interdit par la Charte de l’ONU rédigée par Washington, le recours fréquent aux menaces et à l’usage de la force constitue d’autres illustrations de ce que l’on appelle les comportements impérialistes des EUA. Quoi que ce type de comportement soit réel, il ne se singularise point dans ce domaine de celui de la Grande Bretagne ou de l’URSS qui se sont comportés de même façon dans le passé, voire dans le présent.

2) D’après moi, le déclin y est cependant sous la forme de perte d’influence au moins. Un peu arbitrairement, je daterais son début à la fin lamentable de la guerre américano-vietnamienne en 1975. On observe l’avènement progressif mais irrésistible de l’UE et de la Chine depuis cette date, tandis qu’à la fin des années 1980, l’implosion de l’URSS ne leur accorde qu’un répit insuffisant. Les multinationales américaines ne représentent à présent qu’un quart des 100 premières entreprises, alors qu’au début des années 1950, elles occupaient encore quatre cinquièmes des places. L’endettement international des EUA totalise une somme supérieure à l’ensemble des dettes extérieures de tous les pays du monde. Leurs échecs militaires au Vietnam sont suivis par ceux en Somalie, au Liban, à l’Afghanistan et à l’Irak ces dernières décennies16 . Les effets de la tornade Katerina en 2005 au sud-est des EUA montrent bien que les structures domestiques manquent de plus en plus d’efficacité en termes d’organisation, de communication et de gestion.

Leur position s’ébranle sous l’effet des évolutions telles que le non-respect par un grand nombre d’Etats de l'embargo contre l'Iran, l'Irak ou la Corée du Nord; la retraite de l'armée américaine de Somalie; le renforcement significatif de l'armée japonaise; le chaos centrafricain; l'accueil plus que froid du Brésil et des pays de Mercosur (« marché commun » sud-américain) à des propositions ou des pressions économiques de Washington; la distance prise par l'Arabie Saoudite; la chute de la dictature tant choyée par les EUA en Indonésie; l'impossibilité de concilier l'Ethiopie et l'Erythrée; etc. Leurs succès dans les Balkans ne sont dus qu'à l’atlantisme européen et à la complicité russe. Pour affronter l’ensemble de ces évolutions, Washington est obligée de créer des bases militaires et d'envoyer des instructeurs militaires américains dans toute Europe du centre et du sud-est, ainsi qu’en Asie centrale et en Afrique mais son armée devient ainsi dispersée et inefficace.

Déclin relatif !

Néanmoins, ce déclin est relatif et pas absolu. Il n’exclut pas la persistance d’une position de grande puissance, notamment nucléaire; à ce titre-là, les EUA sont présents et agissent partout. Leur diplomatie s’avère souvent brillante, sauf interférences présidentielles parfois aberrantes. Il reste ceux qui voient dans les EUA l’unique superpuissance et que cette représentation favorise aussi la position de Washington. Nonobstant, ils ne doivent être étonnés que d’aucuns les considèrent comme une puissance impérialiste remplissant, avec d’autres puissances, un vide géopolitique après la disparition de l’URSS. Si l’on épouse par contre l’opinion selon laquelle le monde devient multipolaire depuis des décennies, rien n’empêche de trouver impérialistes tout aussi bien Washington qu’éventuellement Moscou ou Beijing.

Apparemment, l’UE ne semble pas encore courir le risque de devenir une puissance impérialiste17 et cela est heureux (en voici encore un présupposé normatif !). Car, dans leur désir de retrouver leur position antérieure, des puissances en déclin paraissent moins raisonnables, supportent plus difficilement la contradiction sur le plan international et développent plus aisément un comportement agressif. L’UE étant militairement et pratiquement indéfendable pour des nombreuses raisons : étroitesse de son territoire ; manque d’armes nucléaires en nombre suffisant à opposer à ses deux voisins disposant de ces armes ; haute densité démographique et socio-économique, centralité du pouvoir, etc. Elle choisit donc une posture géostratégique du « faible au fort », de David par rapport à l’un ou l’autre Goliath ou qui se prend pour tel. C’est probablement la seule voie pour lui éviter la guerre ou même la menace de guerre, malgré les différences croissantes entre les deux côtés de l’Atlantique. C’est sans doute ce qui explique le fait que ses dépenses militaires, de diplomatie et de coopération au développement égalent celles des EUA, mais où les premières ne représentent que la moitié de celles de ces deux dernières catégories de dépenses.

En réalité, les EUA ne seraient véritablement pas une menace mais un risque accru pour l’UE selon certains, alors que d’autres perçoivent même une menace18 .

3) A mon sens, se référer constamment aux "valeurs communes" des deux côtés de l'Atlantique est une pratique de propagande. Il s'agit de quelles valeurs ? et des valeurs de qui ? consommateurs, croyants catholiques ou non, travailleurs, athées, grands actionnaires, fonctionnaires publics, politiciens et de quels partis ? Il convient de se méfier de ce genre de références qui se prêtent à des manœuvres intellectuelles, même si historiquement il existe sans doute des similitudes de deux côtés de l’Atlantique. Par contre, je ne vois guère le risque croissant nécessairement attaché au "comportement hégémonique" de Washington depuis Reagen jusqu'aux deux Bush, en passant par Clinton. Certes, il reste l’hypothèse jamais nulle que les EUA pourraient, pour faire image, à un moment donné vouloir bombarder les Champs-Elysées pour des raisons de politique intérieure, en une espèce de fuite en avant.

Sans "valeurs communes" et malgré ou à cause précisément des "intérêts divergents", les liens transatlantiques méritent un soin exceptionnel. Spontanément s’organisent d’ailleurs « l’endiguement » de la puissance, surtout celui de l’illusion unipolaire et de la vaine tentation hégémonique des EUA. Il faut considérer à sa juste valeur que la diplomatie - qui évite la guerre - implique des négociations ou des gesticulations variées et comporte une combinaison de succès et d'échecs. A toute diplomatie ad hoc est sans aucun doute préférable une "diplomatie institutionnalisée". Dans le cadre du "nouvel agenda transatlantique" de 1995 et de la "déclaration commune sur le partenariat transatlantique" de 1998 ou plus simplement au sein de l'OTAN, la "diplomatie institutionnalisée" signifie des réunions régulières ou périodiques, des ordres du jours négociés et des procès-verbaux dûment établis.

Je n'ignore pas le caractère peu démocratique de ces "agendas ou déclarations" qui ne sont quasi jamais soumis pour ratification aux parlements concernés. Cela a été par exemple aussi le cas de la "déclaration de Washington" de l'OTAN de 1999 qui régit désormais les interventions militaires "offensives et hors zone". Je défends néanmoins l’opinion selon laquelle il faut certes combattre la non transparence quasi absolue de ces enceintes, mais ce serait une erreur que de les supprimer si l'on ne dispose pas d'une meilleure solution! Le multilatéralisme combat le risque de guerre. Il ne se représente plus comme un choix mais, d’après moi, comme une nécessité. La situation géopolitique du monde est en mutation et nécessite de garder raison par des moyens diplomatiques afin d’éviter la guerre !

Voici donc une opinion élaborée qui correspond à un présupposé fort des exercices proposés. Il convient cependant revenir sur les diverses étapes qui peuvent conduire à l’élaboration d’une grille d’analyse géopolitique.

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Du politique à la géopolitique

Une discussion de concepts s’impose tout d’abord. L’analyse politique interprète ainsi le terme « politique » dans une activité ou action particulière et dans un domaine ou territoire spécifique. Le terme lui-même désigne la volonté d’obtenir ou de garder le pouvoir en vue d’exercer une contrainte, de jure ou de facto, au travers d’institutions idoines. Si l’on définit le terme d’institution comme une formation sociale organisée selon les règles indépendantes de la volonté individuelle de ses membres, le pouvoir est institutionnalisé dans la mesure où il ne peut être exercé sans que soient respectées les règles en question. Par ailleurs, le pouvoir est toujours sacralisé jusqu’à un certain point, car toute société espère sa pérennité et redoute sa disparition. Cette dimension sacrée du pouvoir lui est constitutive et est elle-même un instrument du pouvoir. Du point de vue géopolitique, un Etat ou une Eglise est, de fait, un pouvoir institutionnalisé par excellence.

On peut comprendre le phénomène du politique comme quelque chose qui est socialement construit. Il correspond à une structuration des imaginaires collectifs à travers des réseaux institutionnels organisés. Ces réseaux sont eux-mêmes liés à d’autres appareils institutionnels dont l’Etat par excellence. D’où les valeurs, les règles et les institutions apparaissent comme but et enjeux, comme moyen et objectif. Elles se prêtent aux manoeuvres et interprétations idéologiques et seront tantôt « opium du peuple », tantôt sens et signification. Comme tout phénomène social, elles seront basées sur un processus de légitimation. De plus, la croyance que l’institution organisée tend à masquer est à la fois la croyance dans l’institution et tous les intérêts liés à la reproduction de l’institution19 .

Selon les angles d’attaque choisis, on distingue, traditionnellement, dans l’analyse politique
 entre des domaines tels que: organisations spatiales (interne et externe), fonctions (organisation, arbitrage, finances, cohésion, intégration, etc..), modalités de l’action (planification, décisions, exécutions, contrôle, etc..), caractéristiques formelles (institutions, règles, procédures, etc..);
 entre facteurs ou enjeux tels que: puissance, honneurs, prestige, profits ou jouissance en termes généraux mais, plus spécifiquement, tempéraments et désirs (conservateurs ou progressistes, libéraux ou réactionnaires, néolibéraux ou écologistes, etc.), capacités d’organisation, moyens d’informations et de communications (villes, ports et plaines d’aviations, voies de communication, matières premières, etc.), géopolitiques des classes sociales, religions, idéologies, culture, technologie dont les armes.

De même, on établira des distinctions
o entre formes ou acteurs tels que : institutions et mouvements socioculturels, structures socio-économiques, systèmes de valeurs et de représentations collectives, nations et minorités, partis et mouvements socio-politiques;
o selon les types de légitimité soit wéberiens: style traditionnel-coutumier, charismatique-populiste ou rationalo-légaliste, soit marxiste : lutte de classes où l’Etat est instrumentalisé;
o entre régimes ou constitutions tels que: démocratie directe (locale ou référendaire) ou indirecte par représentation, groupes de pression privés ou sociaux très articulés, avec ou sans concertation, agglomérations de pouvoir, notamment capitalistes (nationales et multinationales), trilogie classique de « monarchie, aristocratie et démocratie »; à la trilogie classique s’ajoutent des alternatives telles que les régimes de: « despotisme oriental » ou oligarchies variées, royaliste ou républicain, présidentiel ou parlementaire, bipartisan ou multipartisan, communiste ou conservateur-censitaire, nazi-fasciste ou libéralo-censitaire, nationaliste ou social-démocrate, écolo-libéral ou écolo-socialdémocrate.

Sans entrer dans les détails20 , ces distinctions nous seront évidemment utiles pour mener les analyses avec suffisamment de discernement et de clarté. Passons à présent à ceux précisément sont considérés comme les acteurs de la (géo)politique.

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Acteurs institutionnels

Les phénomènes de pouvoir constituent, répétons-le, l’objet de l’analyse politique : les relations conflictuelles ou coopératives entre les personnes, les groupes ou Etats en vue d’obtenir ou de garder le pouvoir. Acteurs de pouvoir, ces personnes et groupes se trouvent au sein de sociétés humaines dans lesquelles persiste constamment l’inégalité. Il en résulte une complexité des luttes et des rapports sociaux qui vont de la stratification sociale au mode d’organisation du pouvoir, du développement inégal à la hiérarchisation des acteurs toujours mouvante.

Dans le cadre de ces relations, les phénomènes essentiels de pouvoir correspondent à ceux
 de persuasion,
 d’autorité,
 de coercition,
 d’influence ou
 de contrainte physique.

Ces phénomènes s’organisent par la voie institutionnelle. L’institutionnalisation fonde la notion traditionnelle du pouvoir. Le pouvoir peut être public ou privé, social ou collectif. Les institutions ont ainsi trait à l’Etat, aux firmes ou banques privées, aux Eglises, aux organisations syndicales, aux ONG dont les Eglises, etc. Donc, en reposant la question de savoir sur quoi porte une analyse politique, la réponse est, en style télégraphique: acquérir ou garder le pouvoir; institutionnaliser ce dernier; lutter ou coopérer; se développer inégalement et hiérarchiser.

En fait, l’analyse politique de caractère non normatif était, il y a peu de temps encore, réservée uniquement à l’étude de l’Etat en tant qu’un acteur d’ordre public, de ses institutions et de son organisation au sein des formations étatiques. A présent, elle connaît une certaine extension avec le développement des sociétés et avec la mise en question des Etats-Nations qui existent depuis le XVIe siècle en Europe. A l’instar des grandes Eglises depuis toujours « multinationales », d’autres acteurs privés ou associatifs, publics ou internationaux, apparaissent depuis le siècle dernier. Leur pouvoir dépasse tantôt le niveau de nombreux Etats-Nations, tantôt les rapports de parenté ou de proximité micro-politique ou micro socio-économique. Sur le plan public ou social, les institutions supranationales et les ONG en sont les exemples actuels les plus éclatants alors que, sur le plan privé, ce sont les firmes, les banques et les groupes multinationaux qui s’imposent avant tout à la réflexion politique.

A quelque niveau qu’il soit organisé, l’Etat est et reste par excellence un appareil de contrainte important, légitime ou non. Selon les interprétation qu’on lui donne, il peut être soumis ou non à des intérêts particuliers, par exemple à des classes dominantes, ou à des forces extérieures comme c’est le cas pour la (néo)colonisation ou le capitalisme internationalisé. La contrainte étatique fera référence à la rationalité, à la justice ou encore à la morale de la dignité de l’homme. Ainsi, on a déjà torturé au nom de la « pureté de l’homme ».

C’est dans l’Etat que, selon Hegel, la société se pense. C’est encore par l’Etat que, selon Marx, les classes possédantes organisent l’exploitation despotique, féodale ou capitaliste. C’est finalement par l’Etat notamment que, selon les régulationnistes, sont mises en place :
 les conjonctions spécifiques des mécanismes qui concourent à la reproduction d'ensemble, compte tenu des structures politico-économiques (féodales, capitaliste, etc..) et des formes sociales en vigueur (esclavagisme, salariat, etc.);
 les procédures institutionnelles qui permettent de rendre compatibles les comportements des acteurs sous les contraintes d'un certain ordre ou équilibre global.
On reviendra encore sur la question de l’Etat.

Dans ce cadre théorique, les acteurs suivants seront principalement privilégiés dans nos exercices : les Etats et les groupes d’Etats, les élites ou les classes sociales, les grandes associations telles les Eglises et les grandes firmes/banques multinationales. Par exemple, par leur capacité de contrôle et d’organisation, les grandes firmes et banques, tout aussi bien que les groupes financiers et industriels, nationaux et multinationaux, disposent de pouvoirs étendus. Ils ont recours également à la contrainte au sens large du terme et sous des formes différents de celles des pouvoirs publics. Ils peuvent aussi l’exercer par l’intermédiaire de ceux-ci. En ce qui concerne les multinationales, leurs actionnariats ou propriétaires significatifs mais peu nombreux semblent s’organiser, actuellement,
o en réseaux d’oligarchies privées à échelle internationales et
o à travers des entités juridiques localisées, par exemple à Lichtenstein, à Hongkong ou dans des îles perdues des mers et océans.

Ambiguïté du politique : du développement inégal à la hiérarchisation du monde

Depuis que les hommes réfléchissent à la politique, ils oscillent, comme nous l’avons déjà souligné, entre deux interprétations diamétralement opposées. Pour les uns, la politique est essentiellement une lutte, un combat, le(s) pouvoir(s) permettant aux individus et aux groupes d’assurer leur domination sur la société ou une partie de la société, ou sur un pays ou une partie de pays et d’en tirer profit. Pour les autres, la politique est un effort incessant pour faire régner la paix, le bien-être, l’ordre et la justice, le(s) pouvoir(s) assurant, directement ou indirectement, l’intérêt général, le bien commun ou ce qui les remplace contre la pression des particularismes. C’est la coopération. Les exercices proposés utiliseront simultanément les deux hypothèses.

Pour Balandier, la profonde ambiguïté du pouvoir n’est cependant autre que d’apparaître, à la fois, comme nécessité et comme danger, comme légitime et comme sans base. Ainsi, d’une façon fort ambivalente, le pouvoir serait, en même temps,
 accepté en tant que garant de la sécurité, de l’efficacité et de l’ordre (policier, politique, économique ou social),
 révéré en raison de ses messages sacrés et ses implications symboliques,
 contesté et combattu parce qu’il justifie et entretient l’inégalité, le désordre.
Il en résulte qu’il faille aussi retenir pour nos analyses les représentations dont se dotent les groupes, les peuples ou les sociétés. Elles peuvent avoir une grande importance dans certaine situation ou évolution. Sans doute, les nombreux changements de régimes d’ordre politique dans le monde depuis le milieu du 20e siècle ne fait que refléter la recherche constante d’équilibre entre de ce qui y est accepté, révéré ou contesté.

A cette quête incessante se superposerait aussi un autre phénomène. Dans nos analyses, nous supposons en effet que, dialectiquement, le monde, chaque pays ou région, ainsi que tout secteur ou activité de la société, tout peuple, connaissent invariablement un développement inégal; celui-ci est autant le résultat que le point de départ des activités humaines; d’où la hiérarchisation de ces entités, inéluctable et toujours mouvante. Les rapports entre groupes, organisations et territoires s’inscrivent dans des stratégies alternatives de luttes et de coopération, de violence et d’action d’évitement de la violence, de contrainte et d’intégration, ainsi qu’entre des « centres » et des « périphéries ».

Si l’on accepte ce double postulat, il en résulte que le monde dans lequel nous vivons comporte des organisations, des institutions et des régulations en constante évolution dans le temps et différenciées selon l’espace. Interprétée d’une façon limitative, l’analyse (géo)politique apparaît ainsi comme un instrument de découverte et d’étude des phénomènes spatiaux et temporels de pouvoir, ainsi que des représentation que l’on s’en fait. Elle porte à la fois sur diverses évolutions, stratifications, institutions et procédures, et sur des situations et positions diversifiées dans l’espace assurant « le gouvernement des hommes, ainsi que des systèmes de pensée et des symboles qui les fondent et les légitiment » selon Balandier.

Quel que soit le régime politique, la question de l’autonomie de l’individu, de la société civile, de la nature de la société se pose dès lors par rapport aux pouvoirs publics et aux firmes ou groupes privés. Il en est de même s’agissant des conflits et des coopérations entre les Etats, les classes sociales et ces firmes ou groupes multinationaux.

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L’image du pouvoir et la raison politique

Tenant compte de la notion de l’ambiguïté du politique de Balandier, les brillants commentaires de Maesschalck, consacrés notamment à Machiavel et à Marcuse, font dégager deux pôles de la réflexion politique : l’un lié à la logique du pouvoir, au « pouvoir machiavélien », et l’autre à la culture de résistance nécessaire pour faire passer le champ des rapports de pouvoir réglé par la logique du premier pôle, à la « résistance marcusienne ». Du côté du premier pôle, l’homme s’efface devant la fonction du pouvoir et le calcul qui en soutient la logique. Le pouvoir se perd sans doute s’il ne prête attention aux rapports sociaux qu’il établit et s’il n’assure pas lui-même sa propre crédibilité, son image.

La politique repose ainsi sur une gestion du pouvoir au sein des relations sociales: c’est ce qui la distingue de la religion, de la morale ou de la science. Du point de vue éthique, un acte politique s’analyse en termes de ce qui est posé et de celui qui le pose. Or, l’un peut le considérer comme heureux alors que, pour l’autre, il est désastreux et vice versa. C’est bien ce qui est un paradoxe moral et montre que l’on peut construire une éthique du pouvoir mais elle n’apprendra rien sur la façon de l’exercer en raison de l’ambivalence profonde de toute action politique.

Gouverner, c’est donc établir, maintenir et renforcer un pouvoir en utilisant, entre autres, l’image produite par les actes qu’on pose ou les paroles que l’on prononce. Aucune action ou parole politique n’est univoque, mais peut être interprétée de plusieurs manières, à l’avantage ou au désavantage de celui qui en fait usage. Les actes du pouvoir ne pourront, répétons-le, être réduits à une éthique du gouvernement. La nécessité de gérer l’image du pouvoir révèle, au-delà du calcul politique nécessaire qui est directement en cause, la contingence propre au politique dans l’ordre des réalités humaines. D’où l’importance des discours, de la propagande et de la corruption linguistique21 !

Un pouvoir sans raison va en effet à la ruine par perte de légitimité et est toujours menacé parce qu’il repose sur une contradiction : les gouvernés veulent et, tout à la fois, ne veulent pas du pouvoir. Le travail de la raison politique réside dans le renforcement des conditions sociales de l’équilibre qui a produit l’ordre de pouvoir existant. Ce travail doit donc reconstituer les conditions de son institution. Il peut être considéré cependant autant comme un renforcement de l’ordre établi que la subversion de celui-ci, à condition de pérenniser le pouvoir.

La force du pouvoir est dans la manière dont il gère ses actions positives ou négatives par rapport à la conscience critique des citoyens. La politique est par conséquence un jeu d’équilibre basé sur les rapports de force. Le pouvoir qu’elle produit est dès lors fragile et laissé à la responsabilité historique, autant de ceux qui gouvernent que de ceux qui sont gouvernés. C’est Marcuse qui, toujours selon Maesschalck, permet d’expliciter le versant de la résistance, le deuxième pôle de la réflexion politique. Une telle résistance se développe conjointement par un tissu, “un réseau d’actions sociales et par l’efficacité possible d’une mémoire collective”. Cette mémoire rappelle les plaisirs meurtris par l’injustice et la permanence d’un appel radical en toute existence au bonheur de vivre.

Sans doute, beaucoup d’institutions et d’actions internationales sont pénétrées de cette ambivalence. Ces institutions voient la gestion, les manipulations auxquelles se prêtent les “mémoires collectives des peuples”. Les ambivalences les font balancer entre l’incarnation étatique ou quasi-étatique du pouvoir “machiavélien” et la résistance de caractère social de Marcuse. La raison en serait que la pérennité ou la continuité socio-historique s’expriment, voire se sauvegardent dans le processus évolutif actuel.

L’opinion publique est sous l’influence des médias créateurs d’images multiples22 , telles la division substantielle entre « l’axe du mal » et les démocraties, entre les terroristes, les bandits et les démocrates ou entre le caractère irréconciliable de l’orthodoxie et du catholicisme. Les représentations des uns à l’égard des autres y jouent le rôle décisif. Il en est de même des valeurs symboliques attribuées à des idées, des événements ou à des objets.

Les notions de politique, tout autan que celles d’acteurs et d’ambiguïté politiques, etc. sont maintenant et jusqu’à un certain point éclaircies. Nous devons encore aller plus loin, nous devons saisir le sens des concepts davantage abstraits tels l’espace, le temps et l’Etat. Le but en est évidemment d’esquisser une grille d’analyse consistante et explicite en vue des exercices géopolitiques pratiques.

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Espace, temps et Etat

Toute politique s’incarne, disions-nous, dans l’espace et/ou s’en donne un ou plusieurs. C’est avec insistance que dès les premières lignes de ce chapitre est mise en évidence l’importance du lieu ou de l’endroit ainsi que celle du moment et de la durée des événements soumis ici à l’analyse. Aussi convient-il à présent d’expliciter ces deux catégories fondamentales que sont l’espace et le temps dans le cadre de référence déjà esquissée. Le faire est, sans aucun doute, particulièrement indiqué dans le contexte actuel de la nouvelle internationalisation du capital qui se déroule vigoureusement. Cette internationalisation marque les étapes de l’économie-monde de type braudélien du 21e siècle. Selon la fameuse formule d’Yves Lacoste, «la géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre». On pourrait tenter une paraphrase, et affirmer que « l'histoire, ça sert, d'abord, à justifier les guerres ».

Du point de vue géopolitique, l’univers s’inscrit évidemment dans l’espace, mais dans des espaces pas nécessairement réductibles à des seuls espaces géographiques ou territoriaux. Les aspects spatiaux de cet univers ne se réduisent pas non plus à un problème de localisation de l’Etat, bien qu’il y ait évidemment des rapports entre l’espace et la Nation, les Etats et leurs zones d’influences ou la monnaie et son espace. En effet, l’espace n’existe que s’il est structuré. Il désigne un milieu concret ou abstrait, à deux dimensions au moins, et défini par des propriétés particulières. Cependant, l’espace admet une multiplicité de facettes qui peuvent même se superposer : le pays ou l’habitat, le terrestre et le maritime, les critères de nationalité ou de religion, d’intérêt ou de solidarité économique, ou encore, plus généralement, de stratégie, d’histoire ou d’appartenance, etc.

L’espace est une notion difficile qui a toujours préoccupé tant le géographe, l’économiste et le géopolitologue que les praticiens des autres sciences sociales. Commençons en allant des conceptions les plus simples vers les plus compliquées. On peut le penser de prime abord comme une distance, que l’on peut surmonter ou vaincre par un effort, forcé ou commun, ou bien encore par un coût, entre un point A et un point B. L’espace est alors défini par des aires délimitées par cet effort ou coût. Délimitation vaut frontière ou bordure.

En allant plus loin, on peut considérer l’espace comme une surface. Cette conception tient compte des effets d’agglomération, d’occupation et d’attraction. Ces effets induisent des « économies d’échelle » qui sont dus à la densité croissante en un lieu de populations et de forces militaires, d’activités religieuses ou des processus de production et de vente, telle qu’une ville, un canal ou un port. Ces lieux se distinguent d’autres lieux. Mais, cette manière de concevoir l’espace le réduit à une technique de décision et finalement n’explique guère son existence. En effet, le choix de la localisation une fois effectué, il n’est plus possible de la modifier sans coût, ni sacrifice et surtout sans concertation entre acteurs impliqués.

Une autre façon de réfléchir l’espace est de le considérer comme un phénomène lié à l’occupation d’une surface de terrain ou de sol. Mais, cette manière de le réfléchir fait intervenir le facteur emplacement. Or, l’occupation d’un emplacement déterminé est fonction de l’espace pris en considération. François Perroux fera la démonstration que l’espace
= ne saurait être ramené à une collection d’unités élémentaires,
= est profondément hétérogène, polarisé et inégalitaire,
= est traversé par des rapports de pouvoir.
Perroux brise ainsi la conception tant économiciste qu’empiriste de l’espace.

Le monde est, pour Perroux, un système composé de sous-systèmes et qui se trouve toujours en voie de formation et connaît des structures évolutives. Il postule que l’espace est inscrit dans l’histoire, dans la durée, dans une évolution irréversible, du moins pour une période déterminée car « les capitaux fixes ont une durée : pour transformer un ensemble déterminé de machines et d’immeubles en un autre, il faut du temps et de l’argent » et « les organisations sont des ensembles durables d’hommes hiérarchiquement assemblés; ils ne peuvent pas être changés sans délais et sans coûts ». Pour des laps de temps variables, ils s’inscrivent dans un temps irréversible ! En outre, l’espace et les pouvoirs humains sont pour lui intimement liés et caractérisés par la coopération et les conflits, les structurations et les déstructurations. Enfin, chaque acteur - l’Etat, l’Eglise ou la firme - a des préférences de structures à l’égard de l’espace, selon son importance relative.

L’Etat et l’espace

Lipietz met en évidence d’une façon critique qu’en réalité, tout espace est en un certain sens polarisé et homogène : par exemple polarisé du point de vue d’appartenances et de sa structure, homogène du point de vue du mode de fonctionnement et de son espace de représentation. L’homogénéité est constitutive de la polarisation. Pour Lipietz, « l’espace concret que nous appelons espace social, ...reproduit dans la pensée la réalité sociale dans sa dimension spatiale.. ». Compte tenu de ces représentations, les acteurs sont nombreux et chacun d’entre eux crée ses propres espaces instables. Ces créations d’espaces font suite à des séries de décisions successives séparées et parcellaires dont chacune comporte son espace spécifique. En l’absence d’un plan social ou global, l’interaction des stratégies des acteurs se réalise forcément dans l’incohérence. Ces acteurs la considèrent insupportables au sens propre du terme.

Or, explique Lipietz, l’initiative privée et parcellaire n’est pas capable de susciter le développement de l’espace social. Du fait de l’atomisation et du caractère éclaté des décisions privées, il n’existe pas un mécanisme de régulation économique tel que le marché pour la marchandise, qui permettrait de résoudre la contradiction entre la participation et l’exclusion, le social et le privé dans sa dimension spatiale. De fait, en vertu du mode de production qui prévaut à chaque moment historique (esclavagiste, tribal, féodal, capitaliste, colonial etc..), les individus et les groupes - selon leurs formations sociales spécifiques - sont amenés à se donner des villes, des nations ou des usines. Ils font des villes, des régions, des usines, selon leurs intérêts apparemment collectifs, sociaux et à travers les institutions de l’Etat.

Il s’agit en effet d’une mise en rapport fondamental entre l’Etat et l’espace comme ensemble. Comme l’écrit Lipietz, « il ne s’agit pas seulement du rapport entre l’institution politique et la spatialité du politique, encore que celle-ci joue le rôle principal dans l’espace social concret et pour commencer dans sa délimitation géographique... Plus profondément, il s’agit de comprendre que, si l’espace social est la dimension spatiale de la société considérée comme totalité, comme communauté matérielle, comme produit de l’activité collective indépendante des activités particulières.., alors cet espace social entretient un rapport spécifique avec les institutions qui représentent l’intérêt collectif et font figure d’Etat ».

L’instance politique qui s’exprime par et dans l’Etat est celle « où se reflète, se reproduit et s’impose l’unité des formations sociales » qui constituent la société. Elles se trouvent traversées par des contradictions. Les contradictions sont aussi bien horizontales, entre ville et campagne, entre régions diverses ou entre branches d’activités par exemple, que verticales, du haut en bas de la société, d’une classe à une autre, d’une collectivité à une autre.

On peut distinguer ainsi entre
 l’intervention de l’instance politique dans la (re)production de la spatialité des modes de production et des régimes politiques, c’est-à-dire la politique que l’on appelle communément l’« aménagement du territoire » qui accommode, conforte et garantit la reproduction, par exemple par des mécanismes politiques, bancaires, sociaux ou budgétaires ou par la garantie de la propriété privée;
 la même intervention dans l’articulation spatiale des modes de production et des régimes politiques par la politique internationale et régionale : garantir la propriété privée, fixer la spécificité du cadre national eu égard à d’autres territoires et régler concrètement les contradictions à l’intérieur du cadre national.

La globalisation et les territoires du capital

Dans le contexte de ce début du 21e siècle, les enjeux des rapports entre territoires et mondialisation sont devenus multiples et complexes. Peemans de montrer que la question des rapports entre les logiques qui ont présidé à la construction des Etats-Nations et celles qui prévalent aujourd’hui se repose avec acuité. « L’avènement de l’espace global remet en valeur l’espace local, appelé à se transformer en support des ‘pôles de performance’ à vocation de compétitivité globale… Les ‘territoires’ sont dès lors considérés comme des gisements de ressources humaines23 qui permettent de s’insérer dans le global…

Les échelles macrospatiales et microspatiales s’y emboîtent naturellement les unes dans les autres, et le marché organise les complémentarités et les synergies entre les unes et les autres… Dans les faits, la dimension spatiale locale des activités des acteurs globaux est devenue une réalité fort prégnante. Les grands groupes financiers, industriels, les grandes chaînes de distribution ont désormais des implantations dans des dizaines de pays différents…Si ces implantation recomposent finalement un ‘espace’ à l’échelle globale, qui est géré en tant que tel, leur sécurité et leur fonctionnement dépend toujours de conditions ‘locales’. »

Selon Peemans, ces évolutions « ont entraîné une tendance à la délégitimation de l’Etat… On peut dès lors s’interroger sur les rapports réels qui existent entre ces macro-espaces de la croissance, toujours plus délatés, et les milliers d’espaces locaux, ruraux et urbains… ». De plus « progressivement s’est affirmée l’idée de la nécessité de refonder l’Etat autour des critères de fonctionnement du /capital/…. La gouvernance traduit cette volonté hégémonique de redessiner la nature des Etats selon les critères de la nouvelle doctrine globaliste. La gouvernance est en fait un modèle universaliste d’Etat léger géré selon des règles qui s’apparentent plus aux principes d’une saine comptabilité d’entreprise qu’à ceux de la souveraineté politique… Le concept de gouvernance a eu un impact décisif dans l’affaiblissement de la liaison univoque antérieure entre souveraineté et territoire dans le cadre de l’Etat-Nation… ».

La globalisation actuelle, distincte de celle d’avant 1914, « exige un pouvoir de décision local qui puisse fournir avec efficacité les infrastructures et les services demandés pars les investisseurs ». Elle entraîne « une version plus autoritaire de la modernisation, avec un rôle explicite attribué aux militaires pour maintenir l’ordre… Ses acteurs n’hésitent d’ailleurs plus à l’imposer par la voie militaire (Irak, Afghanistan, Somalie) ou par la menace de l’intervention directe (Soudan, Iran, Cuba, etc.)… La gouvernance néolibérale /est/ partagée entre un courant multilatéraliste (soutien au rôle des institutions multilatérales pour l’imposer) et un courant unilatéraliste (interventions militaires directes pour l’imposer…). »

Dans le processus capitaliste de la globalisation présente, l’Etat se trouverait en déphasage temporel par rapport au règne « mondial » du capital. Il en manque. Cependant, le capitalisme est loin d’être entièrement mondial pour le moment. Il n’en reste pas moins qu’il serait en retard devant le dynamisme du capitalisme qui déborde les frontières des Etats-Nations actuels, tout en soutenant par la libéralisation, la déréglementation et la privatisation pratiquées. En même temps, la fonction et la place de l’Etat se redéfinit constamment par la création de fédérations d’Etats (UE, Mercosur, ASEAN, etc.), d’institutions internationales privées (OMC) ou publiques (Tribunal pénal international), du mercenariat multinational, des mafias diverses, etc.

D’ailleurs, on assiste aux « mutations de la pensée géographique » elle-même et « celles des espaces géographiques qui se sont produites ou qui ont été amorcées » pendant le 20e siècle. Les mouvements démographiques deviennent substantiels. Car, « le visage démographique du Monde a changé » et « les déplacements des hommes n’ont pas cessé ... Ils se font toujours en direction de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale ou du Golfe persique… La redistribution des activités industrielles et de services … s’est faite essentiellement en fonction de la recherche d’avantages comparatifs de localisation, à travers la valorisation par les firmes tant des rentes de situation, en particulier celles héritées du temps long comme la structure des réseaux urbains, que de l’inégale répartition du capital social des territoires ou des économies d’agglomération qui peuvent s’y réaliser…

…Des préoccupations nouvelles sont apparues ou se sont développées dans la façon dont les sociétés humaines perçoivent leurs rapports avec leur environnement et son avenir… Des visions pessimistes redoutent la croissance des inégalités. Des groupes politiques ou sociaux s’inquiètent d’un renforcement incontrôlé de la mondialisation. Celle-ci cependant n’a pas conduit jusqu’à présent à l’uniformisation puisque, dans chaque partie du Monde, elle a dû prendre en compte le poids de passés différents et de spécificités géographiques, physiques et humaines.»24 , à l’échelle microspatiale comme dirait Peemans.

Les concepts de temps

L’élucidation de la notion d’espace s’est inéluctablement inscrite dans celle de temps. Néanmoins, il convient, bien entendu, de l’aborder directement et distinctement. Comme on le sait, saint Augustin médita de la façon suivante: « Qu’est-ce que le temps? Si personne ne me le demande, je le sais; mais, si on me le demande, je ne le sais plus ». N’est-ce donc pas bien téméraire de le penser quand même? Nous disions que l’espace n’existe que s’il est structuré, s’il désigne un milieu concret ou abstrait, s’il est défini par des propriétés particulières et si l’élément structurant en est une multiplicité de déterminants dont bien sûr l’Etat. Il en serait de même du temps. Le temps n’existerait pas non plus s’il n’était pas structuré. Il convient cependant qu’il soit localisé. A contrario, chaque événement ou phénomène dans l’espace peut, de son coté, être daté. Ainsi, le temps n’existe-t-il finalement que s’il est localisé et daté. Dans cette perspective, après l’analyse des notions d’espace, il importe à présent de discerner celles de temps.

Chacun sait, met en évidence Dumazdier, à quel aspect de son expérience répond le mot temps; mais aucune définition de la notion correspondante n’aurait reçu jusqu’ici une approbation unanime. Commençons d’abord par faire ici abstraction de la notion météorologique qui évoque le temps comme un état de l’atmosphère à un moment donné considéré surtout dans son influence sur la vie et l’activité humaines. Ceci dit, il semble bien que la catégorie temps se subdivise en deux: la durée et des moments. Il convient en effet de saisir que
1. la simultanéité nie la succession mais non pas la durée qui, elle, peut n’être que répétition identique; l’idée de synchronie y est bien présente et alimente des analyses dites synchroniques ou structurales;
2. la notion « constitutive » à l’égard du temps qui se réfère aux concepts de présent, de passé et d’avenir, qui en désigne des processus, des moments, des parties ou des phases bien déterminées; ici, bien sûr, l’idée de l’horloge et de la diachronie s’impose, et alimente des analyses dites diachroniques ou historiques.

La simultanéité rend possible la réduction de l’ordre temporel à une suite unilinéaire que l’on pourrait considérer comme continue. Le temps signifie alors le changement continuel par lequel le présent devient le passé et anticipe l’avenir. L’expérience humaine d’événements n’est d’ailleurs accessible que si ces événements sont présents, à un moment donné, dans l’ordre temporel. Il en résulte la reconnaissance du rôle constitutif du présent qui, à son tour, fonde celui du passé et de l’avenir.

Simultanéité et « temps opératoires »

Ainsi, comme Norro l’explique, le temps désigne une période qui va d’un événement antérieur à un événement postérieur. Si, avec Perroux, l’on insiste sur l’irréversibilité des processus temporels, on aura tendance à identifier le temps au devenir, à la diachronie. Si l’on remarque, au contraire, qu’il n’y pas lieu de mettre en mouvement les relations ni de succession, ni de simultanéité, qui, une fois établies, restent toujours les mêmes, on aura tendance à faire du temps le milieu immobile de tous les changements, la synchronie.

Néanmoins, Norro soutient que les deux notions du temps peuvent se réconcilier par le principe de simultanéité. Le temps ne désigne plus alors une durée, mais un rapport entre deux durées au moins ou, si l’on veut, un certain nombre de simultanéités. Les intervalles qui séparent deux simultanéités forment la durée concrète mais reconstruite dans l’abstraction d’un système de références temporelles. Dans la vie courante, le déroulement du temps de chacun sera par exemple mesuré au temps des horloges. Basés sur la cosmogonie biblique, les jours, les semaines et les années sont, selon nous, des cadres mentaux qui structurent la vie en société, comme ils sont structurés par elle. La semaine exceptée qui est un cycle totalement construit, l’année est désaisonnalisée par le travail en usine ou en bureau tandis que l’alternance du jour et la nuit s’annule sous le règne de la lampe électrique. La société se superpose et se substitue à la nature.

Dans cette hypothèse, il faut donc reconnaître le caractère totalement arbitraire du choix du système de références. Il en résulte que l’acteur social qui impose sa référence temporelle, domine le temps social, le temps au rythme duquel fonctionne la société. Les acteurs institutionnels règlent leur conduite en fonction des plans qui s’inscrivent dans le temps: dans le passé pour évaluer les données, dans le présent pour définir les objectifs et dans l’avenir pour réaliser ces derniers. Le temps ici se réduit en réalité au présent et perd son rôle de stratégies complexes et mouvantes dans le chef des divers acteurs. Enfin, ces divers temps sollicitent l’attention de tous les acteurs et c’est à travers eux et les stratégies qu’ils entraînent que les rapports des forces évoluent.

En termes pratiques, on peut distinguer quatre classes de périodes en fonction de « temps opératoires » des actions:
1. la période infra-courte ou instantanée;
2. la période courte ou moyenne dont la durée se mesure en année ou en lustres;
3. la période longue qui, en plusieurs décennies, enregistre des modifications du capital fixe, des données géographiques, des structures et des institutions mais aussi celle dans le système des grandes puissances telles que depuis la dernière guerre mondiale de 1939-1945;
4. la période ultra-longue ou séculaire où se produisent des mutations de régimes dans l’organisation sociale et spatiale ainsi que dans les techniques de production; une telle période est par exemple le capitalisme depuis sa naissance au XVe ou XVIe siècle jusqu’à la Révolution industrielle en Europe occidentale.

Cette périodisation peut être interprétée d’une façon mécaniciste ou dialectique. La première interprétation en ferait un découpage radical parmi ces phases alors que la seconde mettrait en évidence l’enchevêtrement entre elles. En partant de la supposition que tout long terme commence dans le court terme, la deuxième interprétation sera privilégiée dans la suite. Avec Braudel, un présupposé complémentaire considère que « les civilisations sont des réalités de très, très longue durée » et qu’elles « sont solidement accrochées à leur espace géographique25 » ou représenté comme tel dans l’imaginaire collectif.

A l’instar des analyses spatiales de Lipietz, on peut considérer le temps concret, que nous appelons temps social, comme celui qui reproduit et représente dans la pensée la réalité sociale dans sa dimension temporelle. Les Eglises poursuivent des politiques d’expansion ou de défense à plus ou moins long terme. Les firmes sont nombreuses et chacune d’entre elles opte pour ses propres rythmes de développement. Chacune de ces actions comporte une dimension temporelle spécifique dont l’adéquation est un souci constant pour chaque acteur.

Du fait de l’atomisation et du caractère éclaté des décisions privées, il n’existe pas un mécanisme de régulation dans l’ordre temporel: pas de horloge certifiée ou de calendrier officiel, ni d’échéances légales et sanctionnables, sauf à travers les institutions de l’Etat ou d’ordre étatique. De fait, en vertu du mode de production qui prévaut à chaque moment historique (esclavagiste, tribal, féodal, capitaliste, colonial etc..), les individus et les groupes - selon leurs formations sociales spécifiques - sont amenés, vu leurs intérêts apparemment collectifs, à admettre que les magiciens, les prêtres ou les Princes fixent et mesurent le déroulement du temps.

L’Etat et le temps

Il s’agit en effet d’une mise en rapport fondamentale entre l’Etat et le temps. Il ne s’agit pas seulement du rapport entre l’institution politique et la temporalité du politique, encore que celle-ci joue le rôle principal dans le temps social concret et pour commencer dans l’établissement d’un calendrier. Plus profondément, il s’agit de comprendre que le temps social est la dimension temporelle de la société considérée comme totalité, comme communauté matérielle, comme produit de l’activité collective indépendante des activités particulières. Comme pour l’espace social, le temps social entretient un rapport spécifique avec les institutions qui représentent l’intérêt collectif et font figure d’Etat.

L’instance politique qui s’exprime par et dans l’Etat est celle où se reflète, se reproduit et s’impose l’unité des formations sociales qui constituent la société. Elles se trouvent traversées par des contradictions. Les contradictions sont simultanément
 historiques, entre le développement temporel des divers régimes ou des modes de production du « centre » et de la « périphérie », ou la réduction légale de la durée hebdomadaire ou journalière du travail ;
 structurelles, du haut en bas de la société, d’une classe à une autre, d’une collectivité à une autre, dans la position différenciée des acteurs qui s’expriment entre autres dans des politiques budgétaires menées, dans le développement inégal de régions ou dans la fixation différenciée des horaires, etc...

L’Etat procède à des interventions unificatrices. Ces interventions ne visent aucunement l’uniformisation à l’intérieur de celui-ci mais « gèrent » les contradictions historiques et structurelles dont il a été question ci-dessus. Le débat autour du calendrier de l’adhésion des pays d’Europe centrale à l’UE ou le rythme de l’intégration européenne en elle-même sont de beaux exemples des modalités et des articulations concrètes d’une politique sociale du temps. L’unicité du temps politique national contemporain ne serait par conséquent qu’un processus par lequel des classes dominantes se créent un temps social spécifique.

C’est ainsi que la succession des régimes peut trouver une explication. Il en est de même quant au décalage économique entre les pays développés ou sous-développés dont l’ordre temporel n’est pas unilinéaire. Si l’Etat peut se faire prévaloir d’une certaine autonomie, le collectif s’inscrira dans un temps horizon collectif. Il se peut aussi que la firme multinationale externalise ses intérêts du long terme à charge des pouvoirs publics. L’illustration par excellence en cette matière est la création d’un réseau public d’autoroutes sur lesquelles circulent les voitures et les cars privés.

Enfin, il faut tenir compte de l’historicité de l’espace et la spatialité de l’histoire. La stratégie spatiale des acteurs s’inscrit dans le présent mais par rapport un espace concret qui est déjà là. La stratégie temporelle des acteurs s’incarne aussi dans le présent mais par rapport à une conjoncture concrète et de caractère temporel qui, elle aussi, est une donnée.

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Les notions de l’Etat

L’Etat a déjà été évoqué plusieurs fois. Sa conceptualisation devient à présent nécessaire. Comme pour le concept de l’espace ou du temps, les définitions de l’Etat sont innombrables. Cette multiplicité tient à la diversité des points de vue auxquels se placent leurs auteurs. Le géographe identifie l’Etat à un territoire, tandis que le sociologue le confondrait peut-être avec le fait de la différenciation entre gouvernants et gouvernés. L’historien y voit une manière d’être de la nation, alors que le juriste l’assimile à un système de normes. Le philosophe ou le moraliste s’interroge enfin sur son caractère juste, sa nature éthique et sa légitimité.

Les difficultés que le langage éprouve à rendre compte de l’Etat proviennent de ce qu’il n’appartient pas au monde des phénomènes concrets. Nul ne l’a jamais vu ni touché. On ne connaît que ses manifestations multiples. L’Etat est une idée et comme toute idée il est difficile de le cerner ! En tant que manifestations institutionnelles, il est l’enjeu des rapports de force, de la lutte politique alors qu’en même temps, il est l’arbitre de la société dans beaucoup de ses expressions collectives où la volonté de l’individu se trouve transcendée par cette autorité. Quoi qu’il en soit, l’autonomie de l’Etat doit en pratique être considérée comme relative car il peut être soumis à des impératifs contradictoires qui exigent alternativement des moments et des zones larges de liberté et d’initiative institutionnelles, et d’autres conjonctures où l’action étatique est entièrement soumise à la logique du pouvoir privé ou privatisé.

Comme nous l’avons déjà mis en évidence, le mot Etat a reçu de nombreuses définitions. Les deux définitions les plus répandues dans les sciences sociales sont respectivement wébérienne et marxienne. Celle de Max Weber définit l’Etat comme une « communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé ... revendique avec succès, pour son propre compte, le monopole de la violence physique légitime ». Celle de Marx, qui prend l’Etat dans ses rapports avec la société, y voit une « organisation de domination de classe, d’oppression d’une classe par une autre; c’est la création d’un ordre qui légalise et affermit cette oppression en modérant le conflit des classes ».

Autonome ou non, beaucoup observent que les Etats tels qu’ils existaient au 20e siècle sont en crise structurelle, dont ils tentent de sortir par l'intégration "vers le haut" et le régionalisme "par le bas". L’intégration « vers le haut » donne lieu à la création sui generis de « fédérations d’Etats’ telle que l’UE. Il n’empêche qu’une véritable “prolifération d’Etats” s’observe ces dernières décennies. Ce processus affaiblit la majorité d’entre eux par rapport aux plus grands. La catégorie “Etat” peut ainsi être interprétée soit comme acteur indépendant ou autonome, soit comme entité soumise aux intérêts privés dominants ou à d’autres Etats. Mais, quelle que soit l’évolution qu’il connaît, il sera dans le contexte actuel toujours garant d’un certain nombre de droits dont le droit absolu de la propriété privée et, surtout, régulerait le temps et l’espace sociaux.

De cette façon, il y a, d’une part, ceux pour qui l’Etat n’est pas un simple reflet des intérêts des classes ou des groupes dominants. Ils lui reconnaissent une autonomie considérable. Cette autonomie se manifeste dans sa structure bien différenciée par rapport à la société, ainsi que dans la formulation et la poursuite d’objectifs qui lui sont propres. Ces trois facteurs influencent profondément de nombreux processus à l’intérieur même de la société civile et face à d’autres Etats. D’autre part, il y a d’autres qui considèrent que l’Etat ou la politique est la variable dépendante et l’économique la variable indépendante. Ainsi, pour Wallerstein, l’Etat répond aux besoins des forces de classes, constituées objectivement au niveau de l’économie-monde et subjectivement au niveau de l’Etat, ce dernier n’étant pas une instance primordiale mais un produit de l’économie-monde capitaliste.

Sans doute, dans le contexte du début du 21e siècle, l’Etat apparaît à beaucoup comme celui qui libéralise, privatise et globalise dans pas mal de questions, alors qu’il re-régule vigoureusement s’il s’agit de la sécurité publique ou internationale, de travailleurs à discipliner ou flexibiliser, de bénéficiaires de la Sécurité sociale ou d’immigrés indésirés. Aussi l’Etat peut-il simplement être réduit à l’inaction par “manque de moyens” ou par conviction ultra-libérale ou encore en tolérant d’illégalités sous la pression de groupes organisésa26 . Ces groupes le renforcent par ailleurs dans des domaines bien précis. Ils peuvent être des multinationales connues ou clandestines, des partis ou de gouvernements étrangers, groupes de pressions reconnus ou secrets, etc. Dans beaucoup de pays, le rapport à l’Etat ne se vit pas ou plus sur le mode des droits ou de l’égalité devant la loi, mais suit une logique clientéliste et patrimoniale : il faut faire en sorte que son réseau, son clan ou sa famille ait accès privilégié aux ressources de l’Etat.

Il faut cependant être attentif au fait que la géoéconomie de ces matières n’est pas nécessairement liée aux questions de territoires au sens d’Etats juridiquement établis. Elle peut se reposer sur le concept de déterritorialisation qui désigne le phénomène suivant. Les transactions commerciales et financières transcendent d’une certaine façon les pays. Depuis le milieu du 20e siècle et à nouveau, elles les ignorent par le fait qu’elles peuvent contourner les obstacles qu’ils pourraient révéler ou profiter des avantages qu’ils pourraient incarner. Ces transactions font suite aux stratégies variées des entreprises et banques multinationales à l’égard notamment des Etats. Certes, ces stratégies se déploient, matériellement, toujours à l’échelle microspatiale, c’est-à-dire localement.

Il reste que les politiques intérieures des Etats sont marquées d’une grande continuité par rapport à leurs politiques internationales ou étrangères. A ce propos, nous supposons que si la politique intérieure définit, dans une mesure large, la politique internationale d’un pays, il s’agit d’une grande puissance, alors que, dans le cas contraire, il ne peut s’agir que de puissances locales ou de petit pays sans importance géopolitique. Pour les grandes puissances, le caractère dominant de la politique interne dans la sphère internationale rencontre des limites : la face à face entre elles, autant en temps de paix que de guerre.

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D’autres acteurs : les multinationales et les Eglises

Outre l’Etat, d’autres acteurs ont déjà été évoqués dans ce qui précède. Il me paraît important de préciser à présent ce que l’on peut appeler acteur institutionnel et d’en donner deux exemples significatifs : les multinationales et les Eglises en tant qu’ONG les plus anciennes du monde. On peut simplement définir la notion d’acteur institutionnel comme une formation sociale organisée selon les règles indépendantes de la volonté individuelle de ses membres. Le pouvoir est institutionnalisé dans la mesure où il ne peut être exercé sans que soient respectées les règles en question. Socialement construit, le pouvoir institutionnalisé correspond à une structuration à la fois des modalités juridiques et des imaginaires collectifs à travers des réseaux d’acteurs institutionnels organisés. Ces réseaux sont eux-mêmes liés à d'autres appareils institutionnels dont l'Etat avant tout.

Dans ces réseaux, les valeurs, les règles et les organisations apparaissent comme but et enjeux, comme moyen et objectif. Les acteurs se prêtent aux manoeuvres et interprétations idéologiques et seront tantôt "opium du peuple", tantôt sens et signification. Comme tout phénomène social ou politique, elles seront basées sur un processus de légitimation. De plus, pour Bourdieu, la croyance que l'acteur institutionnel organisé tend à masquer est à la fois la croyance dans l'acteur institutionnel et tous les intérêts liés à la reproduction de l'acteur institutionnel. Nous épinglons deux catégories d’acteurs, en négligeant d’autres tels que les organisations environnementales, humanitaires, pacifistes ou encore d’économie sociale ou solidaire.

Les firmes et banques multinationales

La théorie de l’internationalisation du capital se prononce sur les acteurs institutionnels tels que les firmes et banques multinationales. Elle correspond à une tentative d’explication de la logique du développement capitaliste et de la nature des acteurs majeurs de ce dernier, plus particulièrement pendant la deuxième partie à la fois du 19e siècle et du 20e siècle27 . L'ensemble de la théorie s'appuie, rappelons-le, sur l'hypothèse que l'évolution du capitalisme s'explique par un ensemble de stratégies d'acteurs, entre autres les grandes firmes/banques et les Etats. La stratégie de base des firmes/banques capitalistes vise à obtenir le maximum de profits pour accumuler de façon optimale le capital. Elle fond une série d’autres stratégies28 , toutes aussi importantes, qui permettent sa réalisation.

L’enjeu du point de vue capitaliste comme facteur géopolitique est évidemment le contrôle des filières industrielles ou commerciales, financières ou technologiques. La stratégie est la recherche constante d’oligopoles puissants, autrement dit de structures de domination peu nombreuses. Le problème spatial en est aussi la localisation des plus-values et la gestion des facteurs et des enjeux. Il s’agit toujours de tirer avantage ou de créer de l’inégalité des structures et des coûts de production, ainsi que de produire le développement inégal et d’en profiter.

Après celle du 19e siècle, la nouvelle internationalisation du capital répond à un besoin historiquement bien marqué dans le processus capitaliste qui s’essouffla dans les années qui ont suivie la guerre 1939-1945. Elle est devenue une nécessité dans la perspective de l’extension géographique continue du capitalisme et de la pénétration de ce dernier dans les systèmes économiques qui ne l’étaient pas encore. Il s’agissait soit de l’accaparement des biens publics, soit de la marchandisation des biens et services non encore valorisés par le biais du marché. Par sa proximité et son contrôle sécuritaire aisé, le centre de l’Europe, comme l’Amérique latine précédemment, s’y prêtait admirablement, suivi par d’autres régions du monde.

Les firmes et banques multinationales désignent et manifestent, incarnent et portent tout à la fois ce bouleversement mondial. Dans ce bouleversement, le mode de production capitaliste modifie ses formes d'existence et d'articulation aussi bien que ses multiples modes de localisation. Ces modes de production gardent cependant leur essence qui est l'accumulation du capital par le développement inégal. Les institutions financières internationales telles que le FMI et la BM répondent et veillent à la nécessité de la sécurisation croissante du droit de la propriété au moment des privatisations massives à travers le monde. Aux niveaux des multinationales mêmes, il est frappant de constater le nombre assez restreint de firmes et banques impliquées. L’ONU en dénombre quelque soixantaine de milliers.

Quant au fondement idéologique du capitalisme des temps présents, un discours bien particulier s’exprime à travers la parole, l’écrit et l’image. C’est que l’on désigne un peu maladroitement et grossièrement par les trois composants de ce discours : le néoimpérialisme, le néolibéralisme et le néoconservatisme. Comme tout discours, celui en question propose aussi une représentation collective de la manière de comprendre ou d’expliquer. C’est d’ailleurs par quoi un objet, un phénomène est présent à l’esprit. Une telle représentation fonde les aspirations et les comportements. Elle légitime l’action des groupes sociaux. Elle ne présuppose aucun fondement rationnel ou factuel. Tel est le discours néo-libéral ou néo-conservateur qui est la langue de bois d’une pensée unique du capitalisme. A la fois, il justifie la prévalence absolue du marché comme métaphore économique et le droit absolu de la propriété et de l’appropriation privées. Les propos néo-impérialistes restent réservés aux seules grandes puissances.

Les Eglises

Quelle que soit la conception des Eglises, celles-ci s'apparenteraient peut-être au mieux à l'heure actuelle à des organisations non gouvernementales, à des ONG. Compte tenu de cette assimilation, comment le phénomène d'Eglise peut-il être interprété dans le cadre qui vient d'être esquissé? Selon moi, on peut comprendre ce phénomène aussi comme quelque chose qui est socialement construit, même si, et c’est à souligner, il prend comme origine une révélation. De plus, pour Bourdieu, “c'est à condition de savoir que l'on appartient au champ religieux, avec les intérêts afférents, que l'on peut maîtriser les effets de cette appartenance et y puiser les expériences et les informations nécessaires pour produire une objectivation non réductrice, capable de dépasser l'alternative du dedans et du dehors, de l'attachement aveugle et de la lucidité partielle". Si l’on interprète le terme d’”objectivation non réductrice” et les conditions de réalisation de celle-ci comme la tâche que se donne toute tentative de connaissance scientifique, la portée de l’intention de Bourdieu reste, pour l'auteur de ce livre, essentielle pour saisir la construction sociale toujours en cours dans l’Eglise dont il fait partie.

De son côté, Thual met en évidence combien en Europe le vécu religieux est de plus en plus individualisé tandis que, sous l'aspect communautaire, la religion cherche sa voie d'expression. Or, des affrontements locaux ou internationaux ont lieu où l'élément religieux garde une certaine importance, voire une importance certaine. En terme géopolitique, il importe dès lors de comprendre comment le religieux peut à la fois être un facteur "entraînant" ou "entraîné" dans l'espace d'une région, d'un continent ou à échelle mondiale. En tant que sociétés ou communautés globales, les Eglises historiquement établies sont des organisations qui, notamment, traitent des intérêts géopolitiques propres, internes et externes au sein de chaque pays et à échelle internationale.

Comme toute institution, l'Eglise n'existe pas sans légitimité, c’est-à-dire sans l’appui d’un système d’idées ou de conviction justificatrice qui peut conditionner le comportement individuel ou collectif. La production d’un tel système est sans doute l’intérêt évident des acteurs, des classes et des institutions, dominants ou non. Aussi devient-elle inéluctablement une facette de leurs stratégies politiques. Et, toujours Thual de souligner que "les religions, même si nous ne les réduisons pas à des idéologies, ont pu donner naissance à des phénomènes idéologiques avec ou sans leur accord"; et d'insister " sur la nécessité de décrypter les imaginaires collectifs" pour faire progresser les analyses politiques et géopolitiques. Les religions "verrouillent et renforcent" fort souvent, en termes historiques, "les clivages ethnico-nationaux". En fait, les représentations de type géopolitique regroupent les images et les idées que les groupes se font de leur situation et de celle de leurs voisins.

L'interaction du religieux et de la géopolitique s'opère concernant toutes les grandes Eglises. Selon l'expression de Thual, cette interférence contribue à la "fusion symbiotique" entre le fait ou l'ardent désir national ou encore l'anticommunisme séculaire d'une part et de l'autre l'idéologie ou la stratégie des religions établies. On l'évoque souvent dans le cas de l'orthodoxie ou du néoprotestantisme de type américain. Mais, elle n'est pas moins prégnante pour le catholicisme polonais ou croate, pour le protestantisme slovaque ou allemand ou pour le hindouisme indien29 .

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Quid alors d’une géopolitique?

Basé sur des considérations d’Y. Lacoste et de Maesschalck, ainsi que sur les définitions des concepts qui précèdent, on peut tenter de définir le terme « géopolitique » en tant que tel. La géopolitique a d’une façon un peu plus précise pour objet l’étude des rivalités spatiales et temporelles de pouvoirs où, à travers des rapports de force, la notion d’espace ou de temps est interprétée au sens large, matériel ou non, du terme. Comme nous le disions plus haut, elle a nécessairement un versant intérieur et un versant extérieur. La politique intérieure sera fonction de la stratégie extérieure et vice versa. Remarquons que la dimension spécifiquement socio-économique de la géopolitique, la géoéconomie sera définie à titre d’introduction à la Partie 5 sous le titre « Quelques fondements à l’expansion géographique et sectorielle du capital » au point de 5.0.

Coopérative ou conflictuelle, les rivalités évoquées créent des images dans l’opinion et les stratégies des acteurs les manipulent. C’est par l’analyse d’un certain nombre de représentations que l’on peut comprendre l’intérêt ou la valeur symbolique de ces espaces.
Ces espaces ou territoires sont et font enfin à la fois enjeu et moyen de rivalités et d’affrontements. Un présupposé de plus de ma part sera, rappelons-le, à définir comme puissance géopolitiquement significative celle dont la politique intérieure fixe30 la politique extérieure et non pas l’inverse, c’est-à-dire la politique internationale déterminant la politique nationale. Il ne s’agit donc pas question de les dissocier. La politique interne a certes sa propre logique et organisation mais il n’en résulte pas son indépendance, sauf à disposer d’une position de puissance suffisante telle comme c’est le cas avec le colonialisme ou le néocolonialisme.

Les données géopolitiques d’un problème, d’une situation ou d’une évolution sont d’une assez grande complexité, sans en être nécessairement compliquées. La complexité s’explique par le nombre élevé des données, alors que le caractère compliqué proviendrait de la difficulté de saisir la problématique, ce qui n’est loin d’être toujours le cas. Voici sommairement ces données classées en trois catégories:
 Il s’agit de bien saisir les enjeux des plus importants se référant aux buts, intérêts, objectifs, etc. d’acteurs. Ces enjeux s’inscrivent dans l’espace et des lieux, ainsi que, bien entendu, dans les rapports de force évolutifs qui y règnent et dans les idéologies « porteuses ».
 Il s’agit donc de faire percevoir les lieux qu’occupent à la fois des acteurs, leurs enjeux et leurs opérations, ainsi que des évolutions de ces lieux et ces temps, les uns par rapport aux autres et sous la pression d’acteurs variés ; ces lieux peuvent correspondre à des représentations ressortant de l’imaginaire collective ou de la culture ambiante.
 Par conséquence, il s’agit enfin élucider les jeux des acteurs et leurs stratégies multiples de lutte et/ou de coopération. En fait, les enjeux se constituent par et pour des acteurs variés: Etats, entreprises et banques multinationales, des syndicats, des ONG, etc.

A partir d’un lieu et d’un moment déterminés qu’elle postule, la géopolitique correspond à l’étude des conflits et des coopérations qui s’inscrivent dans l’espace et forment des nouveaux espaces à durées variables :
 les espaces sont pluriels tels qu’espaces territoriaux, productifs, linguistiques, imaginaires, propagandistiques ou historiques, établies selon des rapports de force qui prévalent ;
 L’espace comme le temps sont des productions, des constructions sociales et concrètes. Leurs représentations telles que les cartes géographiques ne le sont pas moins. Dans ces constructions des représentations, la parole, comme l’écrit et l’image, joue un rôle constitutif .
La géopolitique des espaces/temps et de la représentation de ceux-ci convient, entre autres, aux analyses de cartes historicisées, expressions évidentes de puissance, et à celles d’écrits et d’images, pénétrés de volonté de domination.

Les données géopolitiques d’un problème, d’une situation ou d’une évolution ont aussi une autre caractéristique. Elles s’avèrent durables, au-delà des gesticulations diplomatiques et des conflits armés. La perte de puissance hégémonique de la Grande Bretagne dure plus d’un demi siècle. Malgré des nombreuses guerres perdues durant le dernier quart du 20e siècle, les EUA demeure une grande puissance. Après un siècle de déclin catastrophique, il faut à la Chine des décennies pour que l’on reparle d’elle comme acteur géopolitique significatif. En dépit des guerres perdues, l’Allemagne conserve un statut de puissance moyenne depuis près d’un siècle et demi. La République démocratique de Congo ou ses précédents n’arrive pas à une position d’une puissance régionale, malgré les données naturelles et démographiques favorables. Le caractère durable est attribuable d’autant à la quasi permanence de données physiques qu’à la persistance des représentations et des cultures, les unes étant liées aux autres. C’est ce qui explique qu’en cas de leur validité, les analyses géopolitiques gardent aussi une marque de pérennité relative.

Une grille

Il n’existe pas d’étude géopolitique sans date, ni lieu. Les exercices géopolitiques qui suivent postulent, comme partie prise consciente, l’euro-centrisme, une posture européenne dûment choisie. Cela veut dire qu’elle prend le point de vue explicite de l’UE et plus particulièrement sa politique commune de politique étrangère, de sécurité et de défense. Autrement dit, il s’agit pour moi de « relativiser » les analyses en fonction de mon insertion spatio-temporelle belgo-hongroise au centre et à l’ouest de l’Europe, à l’occident extrême de l’Eurasie. Dans cette perspective, voici le schéma d’analyse proposé:

1) Faire l’inventaire et la critique des informations disponibles sur l’objet de l’exercice:
• position géographique, dimension territoriale et localisation centrale/périphérique;
• forces et faiblesses des acteurs : Etats, multinationales, associations, etc.
• données/facteurs/enjeux : survie et “espace vital”, ressources et accès, démographie, idéologie et valeurs/convictions, etc.
• moyens géostratégiques : armée et diplomatie; puissance d’action politique et socio-économique, rhétorique de propagande; etc.

Procéder convenablement aux exercices ci-dessous implique, bien entendu, leurs mises à jours éventuellement nécessaires.

2) Enoncer des questions, des hypothèses qui se posent :
 Quelle est la raison qui nous fait nous intéresser à l’objet de l’étude ? De quoi s’agit-il ?
 Quelles en sont la question principale et les questions subordonnées ?
 Comment comprendre ou interpréter tel ou tel phénomène, événement, fait, évolution dans le domaine géopolitique ? Etc.

3) Expliciter, communiquer et confronter des présupposés, des postulats et des manières de voir tout aussi bien que les concepts utilisés ; évidemment, le même effort de clarification s’impose par rapport à celles ou ceux qui nous fournissent les informations.

4) Identifier selon une méthodologie idoine
o les logiques de structures ou de systèmes,
br>o les processus ou les mécanismes de fonctionnement
br>qui, entres autres, seraient à l’oeuvre dans la situation exposée. Il s’agira de les expliquer, interpréter ou prouver.

5) Investiguer le champ de l’actualité géopolitique pour identifier le contexte et des analogies entre la situation qui nous préoccupe et d’autres situations actuelles ou récentes.

6) Après cette investigation, dresser la liste des questions qui n’ont pas obtenu de réponses satisfaisantes afin
= soit de relancer la recherche et les explorations,
= soit d’avertir des politiques, des diplomates ou des militaires de la fragilité des résultats obtenus pour qu’ils ne décident ou n’agissent en fonction de ceux-ci qu’avec extrême prudence. Il convient de se rappeler qu’aux questions les plus fondamentales, toutes les réponses sont provisoires et que ces réponses n’autorisent que des nouvelles questions !

Il est évident que ce schéma doit s’adapter aux contrées envisagées31 , aux problématiques posées et aux objectifs poursuivis tels que cela sera exposé dans chaque cas d’étude à propos du quel se fera l’exercice proposé. L’exercice consiste à prendre connaissance de l’étude proposée et d’établir les questions à partir du schéma ci-dessus. C’est au lecteur qu’appartient de vérifier si chaque élément ou critère mentionné est repris dans l’évaluation géopolitique avancée.

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Les courants théoriques32 , la question de la méthode33 et la structure de l’ouvrage

Il existe de nombreuses théories géopolitiques. Le premier courant inspiré de Hobbes part de l’hypothèse que le monde, où chacun aspire à la sécurité, est en perpétuel conflit en raison de la nature agressive de l’humain. Il ne surmonte néanmoins pas la difficulté de devoir passer de cette agressivité observée au niveau individuel à celle d’une société, à celle de la nature anarchique de la société internationale où seuls comptent les rapports de force. Il exclut l’hypothèse selon laquelle la coopération se manifeste autant dans le domaine internationale que le conflit. Le deuxième courant basé sur le libéralisme classique suppose que les processus de modernisation imposent de plus en plus une interdépendance spontanément régulée et paisible entre les différents acteurs, notamment dans le domaine socio-économique. Ce courant semble s’appliquer au monde des pays développés depuis 1945, mais ne tient pas compte des échecs manifeste et de la multiplication des guerres locales dans les pays pauvres depuis lors.

Le troisième courant qui se développe de Marx jusqu’à Wallerstein, fait l’hypothèse de l’impérialisme et de la dépendance inéluctables dans le capitalisme. Il en découlerait des contradictions, voire des guerres à partir des rapports des forces socio-économiques. Le quatrième courant correspond à celui des conservateurs (non réactionnaires ni extrémistes). Ce courant part de l’hypothèse que le monde est naturellement hiérarchisé. Les grands Etats ont des responsabilités face aux petits, tandis que ces derniers leur doivent loyauté, voire obéissance. Il s’agir essentiellement d’une vision organique du monde, d’un système impérialiste bienveillant. La hiérarchie des pays dépendrait de la détention et le bon usage du capital sociale, économique ou idéologique de chacun d’eux.

Chacun de ces courants avancent des explications intéressantes, mais partielles ou réductrices. Le premier met en évidence le rôle éminent des Etats, mais sous-estiment celui d’autres acteurs. Tous ceux-ci poursuivent des objectifs, des buts différents et diversifiés. Pour les uns, c’est la sécurité qui importe, pour les autres le profit, la nation ou la foi. Le second courant n’a pas tort d’attirer l’attention sur un certain développement interdépendant et régulé, mais ignore son caractère local et inégal, et néglige des facteurs idéologiques en jeu. Quant au troisième courant, il tient bien compte des concepts précieux du « centre-périphérie » et du « capital-travail » mais apparaît comme réducteur à une explication uniquement socio-économique. D’autres courants tentent à surmonter ces difficultés en multipliants des hypothèses et surtout en tenant également compte des représentations, de la légitimité, des identités, etc. des acteurs.

Du point de vue épistémologique et dans la mesure du possible, nous distinguons l’analytique du normatif. Rappelons que, pour nous, l’analytique relève de la démarche
 systématique,
 explicite et
 communicable.
Cette démarche porte sur l’activité de
 comprendre,
 expliquer et
 interpréter.
De son côté, le normatif se reconnaît sous ses différentes formes grammaticales ou littéraires. D’une part, un certain usage des verbes devoir, falloir, etc. indique clairement le souhait, l’ambition ou la volonté de l’auteur et rien d’autre. D’autre part, des conclusions incitent l’analyste à’aller plus loin et à manifester sa manière de voir l’avenir.

En principe, la distinction s’avère claire. Ce n’est pas le cas dans la pratique. A partir des choix spécifiques, les scénarios décrivent les chemins possibles ou probables des événements. Les perspectives et les prospectives sont respectivement des prévisions plus ou moins vraisemblables ou des interrogations sur l’avenir plausible. Les recommandations correspondent à des prescriptions en vue de l’agir. Les appréciations ou les évaluations s’avèrent la plupart du temps des supputations assez personnelles sur base des critères plus ou moins explicites.

En termes méthodologiques, les exercices suivants préfèreront fréquemment la méthode fonctionnelle à la démarche causale, souvent réductrice en sciences humaines. La première recherche de l’ « expliquant » au sein du système examiné, à l’intérieur d’une situation ou dans une évolution donnée. Elle admet donc une certaine interdépendance, alors que la causalité présuppose l’indépendance radicale entre l’expliquant et l’expliqué. Une préférence sera accordée, dans certains cas, à l’heuristique qui met l’accent sur l’interprétation dans un contexte donné. C’est évidemment le cas lorsqu’il s’agit de commenter des informations écrites ou des discours à prendre en considération ou encore de découvrir le sens des évènements, des situations. Enfin, la méthode dialectique s’impose, selon notre option prise, pour comprendre certaines évolutions, notamment historiques, ou des processus géopolitiques.

Rappelons que, quant à la structure de l’ouvrage, le première partie examine des questions globales telles que le système mondial des grandes puissances ou les limites d’un continent, alors que les parties suivantes sont consacrées à des exercices classiques sur des entités géographiques eurasiatiques. La cinquième partie propose quelques exercices d’ordre géoéconomique, tandis que la sixième partie explore la géoculture incarnée dans les discours contemporains de la lutte contre le terrorisme, le nationalisme ou la religiosité.

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BM = Banque mondiale
CEI = Communauté des Etats indépendants composés (sans les Etats baltiques) des 12 pays ex-soviétiques
EUA = Etats-Unis d’Amérique
FMI = Fonds monétaire international
FT = Financial Times
NZZ = Neue Zürcher Zeitung
OCDE = Organisation de la coopération et du développement de l’Europe dont font notamment partie les Etats Unis et le Japon
OCS = Organisation de coopération de Shanghai
OMC = Organisation mondiale du commerce
ONG = organisation non gouvernementale
ONU = Organisation des Nations Unies
OSCE = Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
OTAN = Organisation du traité de l’Atlantique du Nord
PECO = Pays de l’Europe centrale et orientale ou centre de l’Europe
PESD = Politique européenne de sécurité et de défense
PESC = Politique étrangère et de sécurité commune
PIB = Produit intérieur brut
PPA = parité de pouvoir d’achat
PPP = Programme pour la Paix de l’OTAN
RFA = République fédérale d’Allemagne
RU = Royaume Uni
TBT = The Baltic Times
UE = Union européenne;
URSS = Union des républiques socialistes soviétiques
WIIW = Wiener Institut für Internationale Wirtschaftsvergleiche

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RÜHL, Lothar, Das Reich des Guten. Machtpolitik und globale Strategie Amerikas, Klett-Cotta, Stuttgart, 2005.
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SCHLÖGEL, Karl, Im Raume lesen wir die Zeit - Über Zivilizationsgeschichte und Geopolitik, Hanser, München-Wien, 2003.
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TELò, Mario, L’Etat et l’Europe –Histoire des idées politiques et des institutions européennes, Labor, Bruxelles, 2005.
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VANDERMOTTEN, Christian, Géographie politique, Presse Universitaires de Bruxelles, Bruxelles, 2005;
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VICTOR, J.-C. & autres, Le Dessous des cartes : atlas géopolitique, coédition ARTE & Tallandier, Paris, 2005 & 2008.
WALLERSTEIN, Immanuel, World-Systems Analysis: An Introduction, Duke University Press, Durham, NC, 2004.
ZEILINGER, Reinhard & autres, Geopolitik - Zur Ideologiekritik politischer Raumkonzepte, Promedia, Wien, 2001.

Bibliographie de l’auteur liée au sujet figure sur son site :
www.bardosfeltoronyi.eu.

adresses électroniques utiles

Il existe de forts nombreux matériaux sur le Réseau. Il concerne prioritairement les relations internationales et la géostratégie. La géopolitique telle qu’elle est définie dans le présent ouvrage n’y figure que relativement peu. D’une façon regrettable, la littérature américaine est empreinte, dans son immense majorité, de nationalisme et de provincialisme, surtout dans les publications périodiques.

En italien: LIMES rivista italiana di geopolitica: www.limesonline.com; une des meilleures revues géopolitiques européennes.

En langue allemande, les adresses sont nombreuses, mais concerne principalement les relations internationales en tant que telles. Pour des raisons historiques, la géopolitique est négligée, mais j’attire cependant l’attention sur les articles publiés par HAUS RISSEN: www.hausrissen.org /analysen.

En anglais, Routledge Military, Strategic and Securitiy Studies publie des nombreux textes géopolitiques intéressants: www.routledgestrategicstudies.com.

En France, la géopolitique a largement traité. En voici quelques adresses utiles:
HÉRODOTE: www.herodote.org;
Revue française de Géopolitique: www.conflits-actuels.com;
Annuaire géopolitique: wwwles annuaires.com/annuaire-geopol-geopolitique.htlm; Géopolitique: www.puf.com/book.aspx?book_id=020665

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Footnote list:

1 Pour ces deux pays, je recommande l’ouvrage d’Yves LACOSTE, Géopolitique – La longue histoire d’aujourd’hui, Larousse, Paris, 2006, ainsi que Pascal MARCHAND, Atlas géopolitique de la Russie, puissance d’hier, puissance de demain ?, Autrement, Paris, 2007. up

2 Grâce à l’usage de la force physique, chaque citoyen-ne israélien-ne peut utilisé-e neuf fois plus d’eau que d’autres Palestinien-nes. up

3 Les multinationales Coca-Cola et Pepsi Cola consomment en Inde une quantité telle de l’eau que les habitant-es concerné-es n’en ont plus du tout à suffisance. up

4 Voir BROMWICH, David, Euphemism and American Violence, in : The New York Review, 3.4.2008 ; CONESA, Pierre, Modernes mercenaires de la sécurité, in : Le Monde diplomatique, avril 2003; RENOU, Xavier, privatisation de la violence – Mercenaires & sociétés militaires privées au service du marché, Agone, Marseille, 2006 ; ROBERT, Adam, The Wonga Coup, Profile Books, Londres, 2006 ; VIGNAUX, Barbara & François DOMINGUEZ, La nébuleuse des mercenaires français, in : Le Monde diplomatique, août 2003. up

5 Quant au niveau de baccalauréat, je recommande l’ouvrage fort pédagogique en deux parties dont beaucoup des sections peuvent servir à l’initiation aux études géopolitiques : VICTOR, J.-C., Virginie RAISSON & Frank TÉTART, Le dessous des cartes. Atlas géopolitique, vol. 1, ainsi que Le dessous des cartes. Atlas d’un monde qui change, vol. 2, ARTE-Tallandier, Paris, respectivement 2005 et 2007. up

6 Les données en $ sont converties en €, sur base de $ 1,25 = € 1. up

7 http://www.1001maps.fr/index.php?page=019. up

8 Qui selon moi n’existe jamais dans ce bas monde ! up

9 Outre la bibliographie spécifique à la fin de ce chapitre, la bibliographie générale constitue la référence principale pour l’ensemble de cette introduction. up

10 BROMWICH, David, Euphemisme and American Violence, in : The New York Review, 3.4.2008 & Jeremy SCAHILL, Der Aufstieg der mächtigsten Privatarmee der Welt, Antje Kunstmann, München, 2008. up

11 Grâce aux trois invasions américaines au Moyen-Orient depuis le début des années 1990, on sait que les informations de source américaine ou britannique sont constamment « contrôlées » et leurs maniements sont devenues des armes comme n’importe quelles armes de guerre ! Malgré cela, tout chercheur qui se respecte ne négligera point ces sources d’information en les resituant par rapport à d’autres. up

12 C’est la raison pour laquelle, il s’avère si difficile d’avoir recours à la littérature existante dont les auteurs résident dans les pays qui sont des grandes puissances. Hélas, c’est le cas manifeste des auteurs américains. Dans n’importe lequel des courants géopolitiques aux EUA règnent la conviction profonde que les idéaux, les valeurs et par conséquent les but américains doivent absolument être protégés et soutenus quelle que soit la situation. up

13 Primo, tous les peuples d’Europe ont connu, dans la deuxième moitié du 19e siècle, une misère agricole atroce. Des millions et des millions de paysans sont partis vers les EUA à la recherche de terres riches et fertiles. Secundo, de nombreuses personnes persécutées par les régimes nazi ou fasciste, puis soviétique, se sont réfugiées dans ce pays qui représentait pour eux un havre de paix. Tertio, tous ceux qui ont craint l’Union soviétique ont vu dans les EUA un pays qui les défendrait. Quarto, beaucoup considèrent qu’au cours du 20e siècle, les EUA ont trois fois sauvé l’Europe, du moins l’Europe occidentale, face à l’expansionnisme de Guillaume et d’Hitler et du risque d’expansionnisme de Staline. Quinto, plus récemment, l’élite centre-européenne est en partie devenue pro-américaine alors qu’elle est, dans sa grande majorité, issue des partis uniques antérieurs. up

14 Voir à ce propos Christopher LAYNE, The Peace of Illusions : American Grand Strategy from 1940 to the Present, Cornell U.P., Ithaca & Londre, 2006 et Peter GOWEN, A Radical Realist, in : New Left Review, sept-oct 2006. up

15 Si peu antiaméricain au point que, George SOROS écrit : “I see a certain parallel between the pursuit of American supremacy and the boom-bust pattern that can be observed from time to time in the stock market. That bubble is now bursting”, in: The Bubble of American Supremacy: Correcting the Misuse of American Power , Public Affairs, 2003. up

16 Lors des préparatifs de l’invasion de l’Irak en 2004, l’armée américaine a eu besoin de neuf mois pour amener ses forces en Irak, lorsqu’une de ses flottes gigantesques se trouvait déjà en Méditerranée et qu’elle dispose de nombreuses bases militaires dans les parages. Deux des alliés de longue date, la Belgique et la Turquie refusèrent le transit sur leurs territoires, du moins pendant quelques semaines et avant d’avoir trouvé des compromis. Washington a été totalement mal informé sur la situation militaire en Irak. Au moment où j’écris, le pays qui n’est qu’un « nain stratégique » par rapport aux EUA, n’est toujours pas occupé au sens militaire du terme. Il en est de même en Afghanistan où les forces militaires américaines font manifestement défaut et doivent être supplées par des armées d’autres pays. Que feraient-elles face à la Chine, à la Russie ou l’Inde. La fameuse doctrine militaire des EUA de pouvoir mener deux guerres classiques en même temps dans le monde ne se tient manifestement plus. up

17 Beaucoup d’alter-mondialistes pointent des comportements impérialistes dans l’UE, surtout dans le domaine socio-économique et dans les interventions toujours plus nombreuses « hors zone » de l’OTAN qui seraient basées sur le plan stratégique fort ambigu de la PESD/PESC. up

18 DEMPSEY, Judy, EU and NATO bound in perilous rivalry, in : International Herald Tribune, 5.10.2006, CONESA, Pierre, Les Etats-Unis sont-ils une menace pour l’Europe, in: Le Monde Diplomatique, avril 2008; FERGUSON, Niall, An Ottoman warning for indebted America, in: FT, 1.1.2008; RACHMAN, Gideon, America loses faith in imperialism”, in: FT, 19.11.2007. Quant au menace non inimaginable: „Nicholas Burns, the US undersecretary of state and a former ambassador to NATO, bluntly told a NATO conference in Sweden on May 25 2005, ‘Let’s get it straight. NATO does the big military operations (or to be more accurate, US-led coalitions drawn from NATO and elsewhere are expected to do them). The UE, he continued, handles peacekeeping operations. If not, there will be friction, and you (meaning the Europeans) are not going to be happy« […]’. What Washington does not want is an Europe that aims to be counter-weight to US power or a power center in a multipolar geopolitical structure. Such could be ‘the road to war’, Condoleezza Rice once warned […] What is unacceptable to the US adminstration is an Europe with political and strategic ambitions on its own. Nonetheless, that seems likely to be the Europe that will survive the doomed adventure of the constitution.”, in : William PFAFF, What’s Left of the Union?, New York Review, 14.7.2005 (c’est moi qui souligne !). up

19 Voir BOURDIEU. up

20 Voir les encyclopédies et les manuels de (géo)politiques idoines et nombreux qui peuvent approfondir ces diverses notions et distinctions. up

21 Voir les fameuses annexes « linguistiques » d’Orwell : 1984 ! up

22 Le mot « médias » est interprété ici au sens très large du terme, en y incluant des « experts ou professeurs » qui s’autoproclament, avec la complicité de beaucoup, comme détenteurs uniques du savoir. up

23 et, éventuellement, comme localisations des matières premières et énergétiques, ajouterais-je ! up

24 DECROLY & NICOLAÏ 2006. up

25 Fernand BRAUDEL, La Méditerranée, espace et l’histoire, Flammarion, Paris, 1985. up

26 L’exemple par excellence de cette tolérance est évidemment la traite humaine qui s’opère désormais à l’échelle mondiale et grâce à des multinationales spécialisées. up

27 Voir la Partie 5 ci-dessous et une première version de cette tentative de renouvellement théorique in Bárdos-Féltoronyi, 1991. up

28 Qui portent sur les rapports salariaux, les rapports privé-public, le modèle de consommation, les avancées technologiques, le monétisé et le non-monétisé, etc. up

29 Voir pour plus de détails la Partie 6 ci-dessous. up

30 au moins jusqu’à une certaine mesure. up

31 Selon la connaissance préalable supposée, la longueur des exercices variera de région à région, de problématique à problématique ! Inéluctablement, supposer telle ou telle connaissance déjà acquise reste fort aléatoire. up

32 Voir la bibliographie spécifique au bout de ce chapitre. up

33 Voir la bibliographie spécifique au bout de ce chapitre. up